Vendredi et d’autres jours 5/
Les librairies vont rouvrir, les librairies sont rouvertes. À cette occasion voici la suite de l’entretien avec Julien Viteau, le libraire de Vendredi - des autres jours aussi.
Comment définirais-tu l’expérience de la librairie pendant ces semaines de click and collect ?
C’est une expérience assez malheureuse dans le fond. J’ai une hésitation, pour ne pas dire une ambivalence, sur l’ouverture des librairies pendant cette période. Il y a finalement peu de nécessité première dans les livres qu’on nous commande. En un sens, j’aurais préféré que tout s’arrête, et notamment les échéances des distributeurs. C’est difficile d’écrire cela car des clients très aimés veulent nous soutenir et le font effectivement. Je me questionne sur le fait que l’on « combat » les plateformes en ligne mais qu’on a, de manière lente et insidieuse, intégré une nouvelle chaîne d’efficacité et de civilité marchande : confirmation de la commande, suivi en temps réel, message de réception… On dénonce légitimement les plateformes parce qu’elles détruisent les commerces de proximité mais elles sont aussi critiquables pour le rapport à l’urgence qu’elles engagent. Les plateformes sont fortes par ce « forçage » temporel mais aussi leur mode opératoire. Apparemment, il n’y en a pas d’autres puisque nous sommes conduits, nous aussi, à remonter « l’Amazon » dans la file digitale de la Poste et sur le trottoir de la librairie.
Et en bonus, si vous ne l’avez jamais vu, un lien vers le film d’Isabelle Coixet, The Bookshop, visible sur Arte Replay jusqu’au 6 décembre.
https://www.arte.tv/fr/videos/070720-000-A/the-bookshop/
Où on voit que dans les années cinquante, quand Amazon n’existait pas, les librairies pouvaient avoir d’autres ennemis tout aussi puissants...