Alain Fonteray : Olivier Py, épopées théâtrales
Comment ne pas haïr la photographie ?
C’est la violence du fait sur le rêve, c’est la violence de la Nécessité statufiée, la violence du pouvoir et de la mort, dont l’image est l’arme blanche.
En nous présentant comme absolument étranger cet instant arraché, elle trahit la mémoire plus terriblement qu’aucun autre art. Ne nous dit-elle pas que nous ne savons rien de ce qui a été et que cette concurrence faite à l’oubli est tout autant concurrence au souvenir qui est l’architecture de notre identité ? écrit Olivier Py dans « Etre en état d’image comme en état de grâce », préface au livre de photographies d’Alain Fonteray qui raconte des moments inoubliables de ces épopées que furent, de 1995 à 2003, La Servante, Orphée, L’Apocalypse joyeuse d’Olivier Py et Le Soulier de satin de Paul Claudel.
Regardez ces images d’une humanité en train de se composer et se défaire, ces lumières du sang et du feu, ces déchirements de la vision angulaire, ces visages bleus, ces visages d’or, ces visages de flammes, ces visages du blanc de la nuit, ces coulisses de l’âme erronée, ces rictus de la fureur et de la bonté, ces révélations de la course identique au ciel ou à l’enfer, ces flous qui emportent l’image vers la fulgurance de l’apparition, regardez cette scène fixe, cette scène en mouvement, ils ont été faits, écrit encore Olivier Py, par « un photographe qui a comme honte de son art, sans quoi ce n’est pas la vie et lui-même et l’obscénité du vivre qu’il photographie ».
Voici que déferlent à nouveau sous nos yeux les anges, les masques, les animaux, les effrois, les nudités, les grimaces, les cris, les grandiloquences, les stupeurs, les stupidités, les innocences, les saintetés, les blessures, les vanités, déferle à nouveau sous nos yeux ce monde où la posture de chacun a sa place : la victime comme le poète, l’amoureux comme le haineux, le démocrate comme le mafieux, l’enfant comme le vieillard, la mère comme le bourreau, ce monde dont l’acceptation de l’expérience poétique est le seul jeu possible avec le destin et la mort.
Olivier Py, épopées théâtrales a paru en mars 2004 aux éditions Grandvaux (18410 Brinon-sur-Sauldre).
Photo de Bruno Sermonne dans La Servante, Alain Fonteray ©.