Danielle Collobert / Dire 1 et 2, un autre extrait

Je dure. Trembler de cette nuit glacée. Ne plus rien trouver pour couvrir tiédir cette peur. Non ce n’est pas encore le corps, dans cet achèvement, pas encore. Je refuse sans force - quelle force avoir contre cette destruction - mes blessures infectées sans cesse avec tellement de soi.

Par toi isolé de la révolte, des cris étrangers. Douleur de n’être plus atteint par la distraction, aidé par les voix. Soutenir encore la tête avec les genoux. Le front vers la terre, le regard dépouillé sur le sol transparent livide.

Je ne prévois plus. Je veux m’endormir, maintenant, àpartir de ce moment, si c’est possible - ne plus déplacer les choses, ne plus remonter au soleil. Plus d’obstacles - le chemin plat et lise, sans colline sans rocher.

Vouloir l’impossible - gémissements qui s’enflent ànouveau au ras du sol pour relever un visage durci le renverser sur les épaules, l’oeil ouvert sur des nuages.

Sur la ville, qui s’approche des paupières, avec son dard de fer, transperce mes yeux jusqu’au sanglot.

Calme gagné àce prix chaque jour, au prix de chaque démission de chaque refus. Déroute àl’horizon d’une ville, d’un océan.

Simplement làoù on ne peut plus aller. Le fleuve franchi, de l’autre côté la mort douce, le souffle devenu calme le corps si las - on flotte au-dessus comme une âme, on devient tout azur. Qui touche encore terre, qui a encore peur du froid.

Misère plus grande des jambes liées, mises aux fers - le fond de la cale, le fond d’un tombeau.

(Danielle Collobert / Dire 1 et 2, un autre extrait).

Retour àla page d’accueil du dossier Collobert.

23 août 2003
T T+