Dominique Viart, Bruno Vercier & la littérature contemporaine
À force de remettre la présentation, on aurait presque pu croire qu’on allait oublier d’en parler.
Impensable.
La littérature contemporaine est rarement à l’honneur des têtes et des publications universitaires. Il serait donc malheureux de ne pas citer les livres importants, à commencer par la littérature française au présent. [1]
Le livre a d’abord paru dans une première version en 2005, et, en 2008 a reparu une nouvelle version augmentée, toujours aux éditions Bordas. Le sous-titre du livre « Héritage, modernité, mutations » donne la mesure de la tâche et de l’ambition du livre qui déplie substantiellement les enjeux de la littérature contemporaine.
D’emblée, le livre pose ses directions par une triple distinction : littérature consentante (le flot d’un romanesque qui s’en tient à la répétition du connu), une littérature concertante (des livres qui jouent sur l’air du temps et les scandales calibrés de l’ambiance culturelle contemporaine) et enfin (... et surtout)la littérature déconcertante qui, selon Dominique Viart, est celle qui se préoccupe d’écriture et cherche à déplacer les attentes. « Elles échappent aux significations préconçues, au prêt-à-penser culturel. ».
A partir de la rupture esthétique des années 80, Viart et Vercier (ainsi que Franck Evrard) décrivent, analysent, citent et problématisent les enjeux de cette littérature qui nous occupent.
Mais l’aventure ne s’arrête pas là.
Dominique Viart a ouvert et dirige la collection écrivains au présent qui, comme son titre l’indique, présente et analyse l’oeuvre d’un auteur contemporain. Chaque volume est structuré de la même manière : « contexte et enjeux », « territoires et trajets », « dialogues et résonances » permettant à la collection de trouver son squelette, ses lignes de force et à chaque livre une analyse ouverte. Enfin, et c’est toujours précieux, chaque volume est accompagné d’éléments biographiques, et surtout d’une biographie complète (et d’un index). Bref, de quoi solidement partir à la découverte des auteurs contemporains.
La première livraison est particulièrement dense puisque qu’on peut lire :
Pascal Quignard par Dominique Rabaté [2]
Annie Ernaux par Francine Dugast-Portes [3]
Jean Echenoz par Sjef Houppermans [4]
François Bon par Dominique Viart [5]
On attend la suite avec impatience.
[2]
Extrait : « Selon un paradoxe fécond et fondamental, l’oeuvre de Pascal Quignard tire son autorité (car c’est bien une oeuvre déclarée et le fait d’un auteur) de ce qui la ruine. Affirmant le manque et l’incomplétude, l’écrivain atteste, en son nom et au nom de tous, d’une expérince à la fois privée et collective. Il n’entre pas dans le désoeuvrement ou l’absence d’oeuvre, mais cherche, au contraire, à fonder sur son absence originaire, sur cette défaillance, les conditions d’une exposition de soi. » (. 38)
[3]
Extrait : « Chaque oeuvre d’Annie Ernaux par sa combinatoire échappe aux horizons d’attente, constitue un territoire original de l’écriture, mais participe d’une même recherche conduite sans relâche. La cohérence de l’ensemble est indéniable, jusque dans son mouvement : elle se trouve dans la quête de soi qu’implique le « je », dans les approches d’une identité mobile, dans la manière de se positionner en face de la psychanalyse, dans l’émergence très forte d’une identité d’écrivain. » (p. 45)
[4]
Extrait : « C’est le propre du style de Jean Echenoz de nous retenir tantôt par des réussites et des prouesses, tantôt par des plaisanteries et des clins d’oeils, donnant sa chance au grotesque, privilégiant l’incongru, favorisant la surprise. Le grand pianiste joue merveilleusement les magnifiques concerts romantiques, mais il préfère peut-être les impromptus ou encore les airs de jazz. Il a déjà un petit côté Ravel. » (p. 97)
[5]
Extrait : « Attentif aux bribes de phrases les plus insignifiantes, mais dans lesquelles se rassemblent la part la plus indicible de nos égarements, capable d’innover dans la langue pour traduire ce qu’il y a de plus dérisoire et de plus dramatique dans l’existence, François Bon exhibe la réalité dans son surgissement même. Il choisit d’assumer complètement le paradoxe de l’écriture : fabriquer une syntaxe pour « extorquer » au réel, selon son propre terme, une présence inédite. » (p. 173)