Marie Cosnay | Enseigner « le souci de soi »

Comment des élèves de collège « exorcisent leur mal-être ».


 

À l’école, mai 2011.

Nous eûmes, au mois de juin 2010, Maïana et moi, l’idée de proposer à une classe d’élèves de troisième, au collège Fal, à Biarritz, où j’enseigne, un projet autour de l’image et du texte. Le thème, nous le nommions, cette après-midi de juin, attablées à la terrasse de l’Atalante : le souci de soi.

Au collège, Clarisse est infirmière. Nous avions eu, pendant l’année scolaire 2009-10, de nombreux échanges. Le corps de l’adolescent qui dit la peine, le corps normé, obligé et sous tension, Clarisse le rencontre chaque jour. Ainsi le projet naissant entre Maïana et moi l’incluait : elle permettrait aux jeunes de s’exprimer ; Maïana les aiderait à fabriquer des images-témoin, et je tenterais de les guider vers l’écriture de soi.

La rentrée me fut difficile. Sentiment que face à face, la classe et moi, nous n’étions pourtant pas là, en présence. Qu’il nous manquait un lieu, un vrai, un temps, un vrai, pour que quelque chose se dise et s’entende. J’ai pris des pages et des pages de notes, tentant d’analyser nos difficultés, celles des Troisièmes B et les miennes, en ce début d’année. J’ai vu disparaître Rémi, qui n’en pouvait plus, puis Yedmel. J’ai vu Diego s’attrister, Thomas se décourager, Tom répéter qu’il ne comprenait rien, Luc dormir, Nicolas perdre classeur, cours puis cartable. Je me proposais des explications rationnelles de ce que je vivais comme un échec de classe, de groupe ; aucune n’y suffisait. Il m’était peu souvent arrivé de rencontrer une classe d’adolescents bloquée, à quelques exceptions près, sur une telle position, démonstrative, de non savoir et de non vouloir. Je savais que cela cachait quelque chose, je craignais les analyses rapides, je formulais des hypothèses mais en les joignant les unes aux autres elles ne me satisfaisaient pas.

J’écrivais, en tout début de rentrée scolaire, amusée alors, car encore persuadée qu’ensemble nous trouverions un bon mode de faire :

Surarticulant les maladies de l’âme, celles de Julien Sorel et de Gregor Samsa, les lamentations d’Ariane et les jeux de construction syntaxique dans lesquels ces douleurs se disent, je cherche dans le vacarme (ou le silence ennuyé), toujours parlant trop fort, ou parlant trop, ou parlant seule, un moment de grâce… Je suis celle qui hurle que m’émeut le moment où Ariane, délaissée sur l’île où l’oublia Thésée, après qu’elle l’a traité de sale bête, se tait pour donner la parole à Ovide qui nous fait le coup du paysage, de l’hiver, du lieu qui permet la parole et les larmes : « C’est le temps où la terre est semée d’une vitre / De neige, et cachés sous les feuilles, les oiseaux pleurent. »

Ce que je peux formuler aujourd’hui, c’est que, malgré une bienveillance réciproque, j’avais l’impression que ça ne passait pas. La parole ne passe pas. Ce que je dis n’atteint pas les adolescents, ou rarement. Les idées, les textes, les explications ne vont pas jusqu’à eux. Je me sens empêchée de donner. D’eux, parfois, en revanche, je reçois quelque chose.
Parallèlement à ce sentiment, j’ai la conviction contradictoire que ça pourrait passer, que je ne suis pas seule en jeu et en erreur, qu’ils ne sont pas seuls en jeu et en erreur, que chaque élève de cette classe, résultats scolaire conformes ou non à ce qui est attendu, est capable d’entendre, de comprendre et même de prendre goût et plaisir à la compréhension et à la connaissance.
Voici ce que j’écrivais alors, nous étions déjà à la fin du mois d’octobre :

Quand j’ai raconté aux troisièmes la vie dans l’Allemagne nazie, de 1933 à 1945, de Victor Klemperer et de sa femme Eva, quand nous avons lu le passage où un fonctionnaire vient fort courtoisement prévenir Victor et Eva qu’il faudra laisser la maison et faire piquer le chat, nous nous sommes interrogés sur la politesse du fonctionnaire. Nous avons commenté la force de l’obéissance aux ordres, la banalité du mal, l’absence de méchanceté radicale. Nous avons évoqué la nécessité de la désobéissance dans certaines circonstances. Puis j’ai demandé à Romain de tenter une phrase qui résume nos propos afin que nous puissions tous l’écrire.
Je n’ai pas compris, a dit Romain. Je n’ai pas compris a dit Marie T. suivie de Jenna, Thomas, Antony, Michaël. Deux heures plus tard et dans le couloir, Romain venait me trouver : madame, j’ai compris. Et il proposa une phrase très claire résumant nos paroles du matin. Je pensai qu’il y avait une pudeur à comprendre devant tout le monde, que l’incompréhension posée en préalable était une posture de refuge, de protection, que cette posture était en fait une demi-posture parce qu’à force la compréhension venait, était venue peut-être – ce que je ne savais pas mesurer.
Le groupe posait bien problème. Comprendre dans un groupe pose problème. Écouter en groupe aussi. La collectivité pose problème. Il se trouve que nous ne savons pas faire de celle-là, collectivité scolaire, une belle chose pleine de batailles, de désirs et de conflits productifs.

En grec, le souci de soi, on le dit epimeleia heautou. Avoir souci de soi ne veut pas dire que l’on s’intéresse exclusivement à soi-même ni que l’on se mette à la recherche d’un vrai soi à trouver ou retrouver sous les décombres des apparences. La responsabilité qu’a un monarque pour ses sujets, les soins portés par un médecin à un malade, l’attention qu’il convient d’apporter à son patrimoine, on l’appelle en Grèce antique epimeleia. Lorsqu’on peut prendre soin de ce qui est à nous et de ce ou ceux qui dépendent de nous, lorsqu’on fait attention à l’autre, qu’on soigne, qu’on réfléchit, qu’on revient sur un geste, une idée, lorsqu’on est capable de changer d’avis, lorsque on s’enrichit de connaissances, on a souci de soi.

Ce n’est pas chose aisée. L’attention, l’activité et la connaissance se pratiquent, il y faut des exercices réguliers. L’écriture est l’un de ces exercices. On appelle, dans la Grèce antique, hupomnêmata les cahiers de notes, les registres et les livres de compte où se mêlent citations, anecdotes, aphorismes et bribes de réflexions. Ce sont des matériaux destinés à la relecture, à la pensée et à la méditation ultérieure. Ils ne cherchent pas « à traquer l’indéchiffrable, à révéler le caché ou à dire le non-dit. Ils cherchent à rassembler le déjà dit, dans le but de la constitution de soi-même ».
On collecte, on fait recueil, se recueille. En réalité, rien que l’école ne tente ! Simplement, ici, chaque connaissance ou réflexion passe par soi, son prisme, son expérience et son activité. Les exercices sont toujours à inventer. La promenade méditative d’Epitecte consiste, à propos des objets et personnes rencontrées, à s’examiner soi-même, à guetter ses réactions. Les abstinences, les mémorisations, les silences sont des pratiques comme l’est la récolte des rêves, des colères, des souvenirs, des règles que l’on pense s’imposer, de celles que l’on refuse.

Sans prétention, nous avons imaginé, avec Maïana et Clarisse, que nous pouvions mettre en œuvre, dans l’espace du collège, une petite promesse de constitution de soi-même, passant par des exercices de paroles, d’écriture et de fabrication d’images. Cela constituerait une ébauche, un début de travail vers la connaissance, la (com)préhension, et donc l’estime de soi. Ce tout petit travail en cours était une étape. Nous n’attendions pas des résultats immédiats. Nous savions que ceux-là sont de toute façon les moins intéressants.

Cet atelier, nous ne l’imaginions que dans l’espace de l’institution.
On ne se constitue pas tout seul, hors cadre, mais le cadre, posé une fois pour toutes, ne suffit pas à nous construire. Il fallait qu’entre soi et le cadre, il y ait du jeu. Oui, on pourrait, puisqu’on s’élevait en son sein, puisqu’on en avait besoin, puisqu’on la souhaitait suffisamment bonne, interroger l’institution, la mettre en critique. Quant à moi, qui savais pourtant tout ce dont elle est capable, je la trouvais de plus en plus, à tort ou à raison, malade.

Nous n’envisagions pas nos hupomnêmata du XXIème siècle sans l’image.
L’image a ceci de particulier qu’elle s’exporte facilement. Que même si elle est saisie dans le but de se constituer soi-même, elle est, plus qu’une autre forme d’expression, destinée à être vue par les autres. Qu’elle est une des rares formes d’expression qui puisse être si souvent subie. Il est peu question de la méditer, d’y revenir. Maïana montra aux adolescents qu’il était possible de la regarder et de la re-regarder. Puis, qu’on pouvait fabriquer, avec ses propres codes, une image devenue alors, comme l’écriture, une technique ou une pratique de soi. Une de ces pratiques de soi visant à vivre, individué, auprès des autres, et à finir par apprendre à se gouverner soi-même.

Nous n’avions pas encore, à la fin du mois de novembre 2010, une idée de ce que les adolescents feraient de nos réflexions d’adultes, comment ils prendraient et transformeraient, pour le faire leur, le projet que nous proposions. Maïana n’était pas encore venue dans la classe lorsque, le 27 novembre, j’écrivis, dans mon cahier de notes concernant ce travail mené à Fal :

Une heure c’est peu.
Les adolescents sont partagés en deux groupes : nous sommes 12, et nous pouvons nous permettre un peu de liberté.
Je place les tables en vis-à-vis.
Erreur : le vis-à-vis est gênant, on n’écrit pas « en face ».
En revanche, on parle en face.
Julien veut la dépénalisation du cannabis, il a des arguments, il les écrit vite, vite.
Il n’a pas envie des consignes d’écriture, des règles contraignantes que j’ai données. Je le laisse faire.
Paul voudrait des canapés et de la chaleur à l’école. Il ne trouve pas normal que les profs aient une salle où se réfugier alors que les enfants sont dans la cour par tous les temps.
Il l’écrit, vite. Puis : ça y est.
Yedmel : rien, rien, rien. Pas un mot. Pas un mot non plus hors sujet ou hors contexte. Le regard posé nulle part, dans ma direction le plus souvent, peut-être par hasard, je suis soulagée du sourire qu’il lance à l’un de ses camarades, un sourire complice, je pense qu’il est quelque part et qu’il n’y est pas si mal que ça. (Il a un crayon et une feuille devant lui, dont il ne fait rien. En cours il n’a souvent ni l’un ni l’autre et si je l’interroge, sans défi il me dit : pas envie).
Il finit par me tendre un bout de papier brouillon. Au crayon il a écrit : rien à écrire, je n’ai aucun problème.
Luc, Rémi R. : des filles sur les canapés. Du coca cola et des bonbons.
Antony : je me révolte contre tous les racismes.
Nicolas : ce qu’on fait là, il faut faire ce qu’on fait là, des choses comme ça, à l’école.
Ce n’est qu’un début
Nicolas parle de l’abîme d’incompréhension entre profs et élèves.
C’est ça, dit Thomas, on ne nous connaît pas.
Ils ne nous connaissent pas.
Fin.
On n’aura pas beaucoup écrit.

Chacun semblait impliqué. C’était beaucoup. Bien sûr je le savais, il serait difficile de passer de ces notes à des textes et de ces moments à d’autres moments. J’avais prévu cette difficulté. Et je ne pouvais m’empêcher de me demander quelles étaient les limites de notre projet, et comment nous pourrions les repousser. J’avais prévu pour la deuxième séance que nous nous servirions du « I remember » de Joe Brainard, du « je me souviens » de Perec, du « je sais » de Ito Naga. De la transformation de Myrrha en arbre chez Ovide. D’autoportraits célèbres, de Dürer, Courbet, Frida Kahlo, Duchamp. Il fallait attendre. C’est vrai, je tâtonnais. Nous avons lu Les Tambours de doléances, parus dans la revue Vacarme à l’automne 2010. J’avais avec moi, à côté de Michaux, Perec, Ovide, plusieurs revues et des quotidiens.
Voici des extraits de ce que j’écrivis au début du mois de décembre :

La deuxième fois, Julien avait envie de tout faire sauter plutôt que d’écrire.
Les adolescents se jetèrent sur les journaux, les lisant ou parcourant, se hélant pour commenter un titre, une photo.
J’ai dit : quitter la plainte personnelle ou plutôt, puisque c’est là que nous semblons aller, la rendre politique.
J’ai pensé : ce qu’on a à dire est peut-être écrasé par ce qui est écrit déjà, dans les journaux.
J’ai dû ranger Perec Michaux etc. : une autre fois.
Les enfants voulaient écrire leurs doléances, sur le modèle de celles que proposait la revue Vacarme. Ils se montraient enthousiastes. Je laissai faire. Dans un deuxième temps je proposai ici et là de petites chevilles littéraires (anaphores, coupes).
Et ça, on peut le dire ?
Et ça, on peut l’écrire ?

Récemment une amie, professeur de lettres en lycée professionnel, regrettait que les jeunes en face d’elle s’occupent davantage de leur téléphone portable que des textes qu’ils désignaient, s’adressant à elle, ainsi : « votre truc, là ».
« Tu comprends, je n’ai rien contre le téléphone portable, disait-elle, mais l’espace de l’école, c’est protecteur. Sans portable, on ne risque pas de recevoir une mauvaise nouvelle, de subir une rupture sentimentale en pleine lecture de Diderot. Je pense que c’est bon d’être ici, vraiment, sans lien avec l’extérieur - c’est-à-dire complètement ailleurs. »

Je la comprenais, si bienveillante, qui souhaitait que les enfants diffèrent leur rapport au monde pour avoir accès à une réflexion sur le monde. Je comprenais ce qu’elle disait de l’isolement, du silence et de la solitude, qui sont autant d’exercices et de techniques de soi. Je pensais au paradoxe de l’hétérotopie, lieu physique de l’utopie, cabane où s’abrite l’imaginaire. Je savais ces lieux bénéfiques et nécessaires, et j’avais, de plus, une tendance personnelle à les rechercher. Mais je savais que leurs fonctions, si les lieux ne sont pas régulièrement repensés, avec le temps varient. Je savais que les prisons et les cimetières sont aussi des hétérotopies.
N’empêche : quand Halima, professeur en lycée professionnel, m’a parlé ainsi, j’ai pensé à ce qui me faisait souffrir depuis le mois de septembre, à ce que je pouvais dire de cette souffrance : le lieu (l’espace de la classe et les alentours) et le moment, ne nous rendaient pas, les enfants et moi, pour des raisons que je ne savais pas démêler, présents les uns aux autres. Le lieu n’était pas ce lieu clos où quelque chose s’échange et où l’imaginaire se libère. Et pourtant il était clos.

J’ai eu envie de classes aux portes ouvertes. De salles de classe multiples. Si les adolescents rêvaient de fauteuils chauffants et massants, je désirais, moi, des bruits feutrés, des cercles à qui parler, avec qui chercher, des cours sur la pelouse devant les grands arbres, des murmures, une attention partagée, du bon thé, du travail de groupe, et que nous prenions notre temps. Des questions, des questions à poser, à poser aux collègues, des questions à poser aux enfants. Des débuts de réponse, des variations et des tentatives.

En parlant d’un texte distribué, une de ses élèves disait à mon amie Halima : « Madame, votre truc, là ». Comme Halima, je souffre que « mon truc, là » ne soit pas partageable. Ou plutôt, qu’en face de moi, se trouvent une vingtaine d’enfants qui jugent que tout ça n’est pas à eux, n’est pas pour eux, qu’entre « mes trucs, là » et eux, il y a un fossé infranchissable. J’ai fait l’expérience de moments différents. Je mesure que ces moments sont structurellement différents : au collège Lapierre de Lormont je suis récemment intervenue comme « écrivain ». Les adolescents de Troisième étaient vifs, leur attention n’était jamais donnée ; cependant, entre nous, quelque chose s’échangeait. Ils n’aimaient pas écrire, ils l’ont dit tout de suite. Lire non plus. Parce que c’est fatigant. J’étais d’accord. Ils ont raison, écrire et réfléchir, demeurer avec soi pour réfléchir, lire ou écrire, c’est fatigant. Cet échange-là a été suivi d’un puissant travail d’écriture.
« Mon truc, là » était partageable. Nous avions quelque chose en commun. Ce n’était pas la culture ni les connaissances : mais une façon de faire, une façon de pouvoir faire, des difficultés communes, des questions préalables et communes. C’est une toute petite chose que celle-là. Elle est selon moi le socle de tout le reste. Je sais que mon statut « d’écrivain en visite » a permis cela. Je voudrais, à l’école, auprès d’élèves rencontrés cinq heures par semaine, pouvoir m’appuyer sur le même socle. Un socle installé dans la durée, dans une bienfaisante durée. Et alors nous accepterions, outre la fatigue qu’il y a à penser, les quelques moments d’ennui inhérents aux répétitions, à l’exercice.

Une école qui ne part pas de l’idée, même floue, même non exprimée, que nous avons, professeurs et jeunes adolescents, des questions préalables communes, me semble en voie de maladie.

Les élèves de Troisième B du collège Fal à Biarritz ont fini par écrire et photographier.
Si les textes revendiquaient quelque chose de l’institution, faisaient retour sur le monde, conformément à ce que nous avions mis en place, les images, elles, montraient des corps en fugue, en fuite, sur les arbres (du collège), à cheval sur les portails (du collège), en salto sur les murs (du collège), en course, ou des corps réduits au silence, corps pris en tenaille ente les portes des couloirs (du collège). Les images et les moments où furent prises les images, moments très importants du processus visant à prendre souci de soi, ont été de vraies échappées.

L’exposition a été présentée début mai dans le hall de la Villa du Collège.
Un peu plus de dix familles sont venues ce lundi soir. Douze élèves, sur vingt-cinq. Des amis de ceux-là. Les parents se sont émus de la capacité de leurs enfants à formuler les plaintes, à mettre en scène les corps. Les parents ont dit : et maintenant, qu’est ce qu’on fait ? J’ai compris alors que ça ne faisait que commencer, que la question, on l’avait simplement posée, en cet endroit de hasard où ces adolescents, Maïana, Clarisse et moi nous nous étions rencontrés.

Qu’est-ce qu’on fait ? On en parle ?

Je n’oublierai pas le regard d’Anaël, les capacités extraordinaires de Luc, le sérieux de Kevin, l’application de Mickaël, la gentillesse de Rémi, l’aide précieuse de Marie T., la douceur d’Elisa et de Jenna, la pudeur touchante de Romain, le sourire échappé de Diego, les réflexions passionnantes de Julien, le rire de Chiara et de Mathilde, la coopération de Pauline, son sens artistique, l’originalité de Sophie, l’intelligence de tous, le sourire de Nicolas, la précision de Marie L., l’intelligence de tous, les prises de parole d’Antony, la timidité de Tom, les fugues en haut des arbres de Thomas et celles au sous-sol de Paul, la patience et la présence continue de Paul, l’intelligence de tous, l’accompagnement de Marie O., son regard, notre bonne humeur à tous. Je n’oublierai jamais le professeur de maths de la classe dire que oui, elle le voit, les élèves sont beaux.

Certains professeurs du collège, la plupart il faut le dire, ont préféré, dans un premier temps du moins, trouver scandaleux que parmi les plaintes ou doléances ou prises de notes des adolescents, certaines concernent l’école. Scandaleux que les adolescents revendiquent le besoin de s’occuper, en ce lieu, d’eux-mêmes. Ils ont pris comme attaques personnelles le fait que les élèves revendiquent pour eux, par écrit, quelque chose de bon, quelque chose de mieux. Ils ont pensé qu’on ne pouvait pas poser une critique de l’école dans l’école. Ils ont pensé qu’on s’en prenait à eux. Ils en ont sans doute même été peinés. Je le regrette. Rien de plus admirable selon moi que celui ou celle qui devant des corps adolescents, année après année, exerce. Encore faudrait-il, diraient les philosophies antiques, qu’ils n’oublient pas de s’y exercer. Certains professeurs, la plupart il faut le dire, du moins dans un premier temps, n’ont pas regardé les photos, n’ont pas pensé possible que les enfants les aient eux-mêmes fabriquées. Certains n’ont même pas regardé l’exposition avant de la trouver, pourtant, scandaleuse.

Le quotidien Sud-Ouest a titré l’article rendant compte de l’exposition : « Les adolescents du collège Fal exorcisent leur mal-être ». Quelques professeurs du collège, la plupart pour tout dire, ont, dans un premier temps du moins, trouvé scandaleux que l’on évoque un malaise d’adolescents vécu au collège. Les réactions de ceux qui se sont scandalisés (à voix haute ou plus basse) que le malaise soit ainsi nommé, qu’il soit circonscrit au collège où ils enseignent, disent, me semble-t-il, quelque chose du malaise qu’eux-mêmes vivent sans pouvoir, comme les adolescents de notre exposition, l’exorciser.

Ce malaise, je le vis aussi, les pages qui précèdent et suivent ainsi que le besoin de les donner à lire le prouve. Parmi mes collègues, combien ont-ils trouvé cette année que nos Troisièmes B respiraient la joie de vivre, étaient des adolescents heureux et épanouis, loin de mal-être, loin de malaise ? Combien pourraient-ils soutenir simplement, sans se trouver immédiatement malhonnêtes (tout, leur expérience et leurs propres enfants, leur indique que cela ne suffit pas à expliquer), que ces élèves-là n’ont qu’à se mettre au boulot ?

Il s’est trouvé des parents d’élèves, des lecteurs de Sud-Ouest, des amis, des collègues, des collègues de Fal, des écrivains, des principaux de collège, pour trouver qu’un adolescent qui exorcise son mal-être par l’art, c’est mieux que le contraire, et qu’une institution qui permet cela prouve qu’elle tente de rester suffisamment bonne, comme le disait Winnicott d’une mère.

J’aime ce métier qui est le mien. J’ai de l’admiration pour ceux et celles qui le font avec une énergie incroyable, ce qui n’est pas mon cas. Quand je pense d’une manière (trop) générale « aux profs », je pense d’abord à nos luttes de 2003, à la création d’un Réseau d’Education Sans Frontières, je pense à ceux qui refusent la précarisation du métier, qui refusent la monté de la xénophobie, et qui refusent que l’éducation devienne un marché à deux vitesses.

Quand je pense d’une manière (trop) générale « aux profs », je pense aux différentes fermetures dont nous sommes capables, difficiles, certes, à apercevoir quand nous sommes tellement dedans. Je me souviens de ces manifestations où sous la banderole du SNES les enseignants refusaient ostensiblement certains tracts car ils étaient rédigés, côté verso, en basque, et ils l’affirmaient bien fort, je ne comprends pas le basque, montrant par là qu’il était question pour eux de revendiquer une identité qui peut-être n’était pas acquise, était en danger, était précaire. Quand je pense « aux profs », dont je suis, je pense aussi à cette incapacité, parfois, à se soucier de soi, à mettre en œuvre l’epimeleia dont je parlais - en choyant les autres, en s’exerçant, en recommençant, en s’interrogeant sur les choses menues qui en font de grosses, au final, en écoutant sans se scandaliser a priori, en lisant, en écrivant.

Alors, comme disait un parent d’élève, maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Quand je pense à l’institution qui nous rassemble, je me dis qu’elle connaît au fond la même difficulté d’identité que ses membres : elle a pu craindre que trois filles voilées la remettent en question ; elle sait que la violence des adolescents répond parfois à celle des adultes et elle ne le dira jamais ; elle craint de tomber sous la critique de ses membres – et en cela peut-être rappelle-t-elle d’autres institutions, plus autoritaires, en tout cas elle ne ressemble plus à l’hétérotopie, lieu réalisé d’utopie qui pourrait être, qui fut et qui est encore, parfois, le lieu d’heureux apprentissages. Et en cela, plus encore, elle signale qu’elle a peur, qu’elle est malade, qu’elle est en perte. Hélas, elle n’est pas la seule. Mais c’est elle qui s’occupe de nos enfants et il est de notre devoir et de notre intérêt collectif de l’aider à garder souci d’elle-même.

Je lis dans un article sur Médiapart concernant les difficultés vécues par les salariés de Pôle emploi : « Pôle emploi devient un lieu en souffrance où des gens en souffrance reçoivent d’autres gens en souffrance, le tout sur fond de pression grandissante ». On pourrait dire : l’éducation nationale est un lieu en souffrance où des gens en souffrance reçoivent d’autres gens en souffrance… Contre cette souffrance si bien partagée, tentons de lutter. D’abord, en la reconnaissant. Ensuite…

Il y a une façon de faire, que nous connaissons tous, qui est celle que j’ai tenté, imparfaitement, d’expliquer en début d’année scolaire aux adolescents de troisième B : votre plainte, il faut la porter sur la scène publique. Votre malaise, qu’il devienne politique.



Je joins ici les textes écrits lors du projet – tous n’avaient pas été retenus pour l’exposition – le flyer la présentant, le lien renvoyant au film et celui renvoyant à l’article de Sud-Ouest.

Voici les textes au complet :

Je souhaiterais que l’éducation nationale change le mobilier scolaire contre des fauteuils chauffant et massant. Les chaises en bois nous abîment le dos au fur et à mesure du temps que nous passons dessus.

Je souhaiterais le remplacement de la stridente sonnerie par une douce musique qui nous donnera l’envie de changer de cours et sera plus audible que ce long bruit continu.

Et que faire de nos tables de bois dégradées sur lesquelles nous ne pouvons écrire après que des générations d’élèves ont creusé dans celles-ci des trous aussi profonds que leur ennui ?

&

Que penser d’un enseignant qui affirme que nous pouvons lui rendre le devoir le lendemain puis qui met en retenue les élèves qui ont tous entendu la même chose ?

&

Je voudrais tant que le collège soit rénové pendant les vacances d’un coup de baguette magique : les murs de la classe s’effritent, les classes sont tristes, les couloirs sont sombres, l’eau s’infiltre partout, ça sent la frite…

&

Je ne comprends pas que des personnes se croient supérieures aux autres alors que d’après l’article I des Droits de l’homme « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

&

Je suis née loin d’ici, très loin. Les autres sont nés ici, ils réfléchissent et ils vivent ici. Ils sont presque arrivés à effacer la mémoire de moi, ils ont presque fait couler ma différence, doucement entre les vagues souvenirs, barque braquée sur le monde, divagante peut-être mais moi-même. Ils l’ont fait couler, ma différence.

&

On est enfermé dans ce qu’on a toujours cru être mais finalement on n’a peut-être jamais été.

&

Je ne comprends pas : certains sont avec vous et vous font croire qu’ils vous aiment mais derrière ils gâchent votre vie, quand ils ont eu ce qu’ils voulaient ils vous prennent pour une p… sur qui compter quand ils en ont besoin. On croit en lui, on oublie tout, on s’éloigne de sa famille, des amis qui ont toujours été là pour vous et on se retrouve sale et salie !

&

Je voudrais que les relations avec nos parents soient beaucoup plus simples. Je voudrais que les histoires de couple soient beaucoup plus simples.

&

Je regrette que la question de l’eau ne nous intéresse pas davantage : les français sont de gros consommateurs de douches alors que l’eau potable est rare, que l’écologie est un immense problème pour la planète.

&

Je ne comprends pas que le cannabis ne soit pas légal en France alors qu’il est moins dangereux que l’alcool. Il est légal dans de nombreux autres pays, ce qui libère les prisons. Le cannabis légalisé, c’est deux fois moins de délinquants.

&

J’en ai marre que les proviseurs, professeurs, conseillers d’orientation orientent les élèves sans les connaître en se basant sur des notes et des appréciations qui n’ont qu’une valeur ponctuelle. Les seules personnes à savoir ce qu’ils sont capables sont les élèves eux-mêmes, c’est à eux de juger où ils doivent s’orienter. Les chefs abusent de leur pouvoir. Tout dépend de leur humeur. Les chefs agissent de façon arbitraire pour prouver qu’ils sont chefs.

&

Quand le professeur prend ton carnet de liaison, tu lui demandes pourquoi il le fait, il te répond : ferme ta gueule.
Quand le professeur te demande : quel est le premier verbe dans la phrase « je m’appelle Damien », tu lui réponds « appeler » et il te dit de ne pas faire le malin.

&

Je ne comprends pas que quand des personnes s’opposent à l’Etat et le disent haut et fort ils soient mis en prison, comme Auhg San Sukuy qui a passé quinze ans en détention pour opposition à la dictature birmane.

&

Surprenant et déplacé qu’un professeur, agacé par les bavardages d’un l’élève envoie sur cet élève la brosse du tableau en déclarant : j’ai fait exprès de te rater, la prochaine fois je te viserai.
Surprenant et déplacé qu’un professeur fouille dans son armoire métallique à la recherche d’un rouleau de scotch tout neuf et en ficelle la bouche de l’élève.
Surprenant et déplacé que tout le monde trouve cela drôle.

&

Rien à écrire, je n’ai aucun problème.

&

Je ne comprends pas que l’on se moque des différences, je ne comprends pas le racisme, je ne comprends pas l’humiliation, je ne comprends pas les remarques sur les handicaps ou maladies, je ne comprends pas que souvent la vie soit si injuste.

&

Je voudrais tant revoir un ami à moi, Jean Mendiboure.
Je voudrais tant refaire un voyage à Madère.
Je voudrais tant repartir en Afrique du Sud.

&

Je voudrais :
Avoir du temps libre
Faire du sport
Pratiquer de nouvelles activités
Passer du temps avec mes amies
Avoir moins de devoirs
Avoir un jour entier dans la semaine rien qu’à moi.

&

Nous aimerions tous avoir un père.

&

Je voudrais tant que les gens pauvres et démunis, qui vivent la misère profonde, soient entendus.

&

Je déplore que les niveaux de vie soient tellement inégaux de part et d’autre du monde ou à l’échelle d’une ville moyenne. Que des enfants n’aient pas accès à l’eau potable, à des soins médicaux, à une bonne éducation quand d’autres se plaignent continuellement qui vivent une vie luxueuse.

&

Je me souviens de ma rentrée au primaire, je ne connaissais personne
Je me souviens de ma chute de vélo, je me suis ouvert au menton
Je me souviens mon premier Ipod qui a fini dans la machine à laver
Je me souviens de mon premier long voyage à l’île de la Réunion et à l’île Maurice
Je me souviens des longues dictées tous les mardi, CM1 et CM2
Je me souviens de fous rires en classe en 4ème avec Manon et Mathilde
Je me souviens de ma double fracture qui m’a empêché de partir au Mexique pour Noël
Je me souviens de mon premier chat, il s’appelait Koukou
Je me souviens que j’ai appris qu’un homme avait étranglé sa femme, ils vivaient dans le même village que moi
Je me souviens de mon premier stage chez le vétérinaire
Je me souviens de mon voyage en Afrique du Sud, un lion m’avait regardé de très près
Je me souviens avoir pleuré devant le Roi Lion à la mort de Moufasa
Je me souviens le jour où j’ai poussé ma sœur contre la poignée de la porte

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Je me souviens de ces après midi où le temps s’arrêtait, au final il était encore trop court
Je me souviens de ces jours à l’hôpital, à me demander que diable se passe-t-il dans ce corps
Je me souviens de ces déménagements
Je me souviens de ces amis perdus de vue, des bons moments passés ensemble
Je me souviens de cet énorme bébé poupée grandeur nature que je trimbalais dans la maison
Je me souviens des stickers sur mon lit quand j’étais petite
Je me souviens de ces après midi au collège où la chaleur l’emportait largement sur le travail
Je me souviens

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Tu es parti à Tahiti pour rejoindre ta famille
Tu es reparti au Canada en nous laissant des souvenirs
Tu es sur ce lit d’hôpital, on te regarde les larmes aux yeux de peur de te perdre
Tu es sur ton chantier en train de travailler et je pense à ce soir, je t’aurai dans mes bras
Te voici là devant nous pour notre premier Noël en famille
Te voici à l’arrêt du bus, tu as froid et tu râles car ton bus est en retard

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Tu pars au cinéma avec tes amis pour aller voir le film que tu attendais tant, arrivé devant tu te retrouves comme un con car le film est annulé
Tu es dans la rue tu marches et là tu vois des personnes handicapées qui passent à côté de toi ; juste en face, tu vois des jeunes qui se foutent de leur gueule
Tu es chez toi en train de regarder un film d’horreur tu es tellement dedans que quelqu’un sonne à la porte et tu cries…. Et là tu te sens trop con….

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Je me souviens des Noëls que j’ai passés en famille avec toi
Je me souviens des mercredis en ville avec mes amis
Je me souviens du jour où je t’ai rencontré
Je me souviens du 24 juillet, je fêtais le soir sous les feux d’artifice
Je me souviens de la fatigue des lundis matin
Je me souviens de la première fois
Je me souviens de ma chienne endormie dans mes bras
Je me souviens le jour où tu n’as plus été là pour moi
Je me souviens le jour où tu m’as dit que c’était fini, je ne pouvais pas t’imaginer loin de moi
Je me souviens de la mort de Mickaël Jackson, je n’étais même pas triste
Je me souviens du jour où je suis repartie et je ne reviendrai plus jamais comme avant

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Je me souviens de mon enfance
Je me souviens du premier jour de classe, de la douleur qu’était de quitter les bras maternels
Je me souviens de la question posée : « maman, ta couleur préférée ? »
Je me souviens de la télévision, toujours allumée qui répandait la tristesse et les mauvaises nouvelles.
Je me souviens de l’annonce : hier les tours jumelles de NY ont été attaquées
Je me souviens de l’école primaire et de la grande qui m’avait prise sous son aile et du bracelet de perles vertes qu’elle m’avait fabriqué
Je me souviens de l’annonce : Bertrand Cantat, incarcéré hier soir
Je me souviens d’avant l’école, quand on écoutait de la musique, quand on dansait
Je me souviens de l’eau salée sur la peau de mon père en été
Je me souviens de l’insouciance, qui était mienne avant
Je me souviens des malheurs qui nous sont parvenus
Je me souviens que j’ai changé et je me souviens du pourquoi
Je me souviens de ce que j’aimais

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Te voilà en Antarctique et un geyser pousse un soupir
Te voici sous un arbre et d’un trou en sort un écureuil
Tu es au Jura et d’un coup le sol tremble
Tu es à la maison lorsque ta mère hurle comme une folle
Tu es dans ton lit et des milliers d’araignées surgissent
Te voici en haut du chêne et une bataille de glands s’organise en ton honneur
Te voilà parti pour l’Australie et tu vois un koala à côté de toi
Tu es au bowling et ton amie part avec la boule et fait un strike

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Ses jambes ne forment plus qu’une seule qui au final se transforme en un socle gris foncé
Son sang se transforme en des électrons libres
Ses cheveux deviennent la matière protégeant l’objet
Sa peau se transforme en fils électriques
Ses bras deviennent des enceintes produisant du son
Ses doigts sont maintenant l’écran
Son cœur est devenu la mémoire de l’appareil
Ses yeux deviennent la couleur

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Je me souviens des lavandes qui poussaient près du perron de ma grand-mère
Je me souviens de tous les déménagements
Je me souviens de mon ancien voisin qui mangeait des glaces le matin
Je me souviens de mes premiers coups de crayon, premier rêve et première passion
Je me souviens de la soirée du nouvel an, il y a environ 7 ans à l’hôpital à cause de mon frère qui s’était ouvert la tête
Je me souviens d’une amie partie il y a deux ans
Je me souviens de moi, d’avant
Je me souviens de mon année de CP, la seule passée dans cet établissement et d’une ancienne amie oubliée
Je me souviens de mon chien quand il n’était encore qu’un chiot, ses premiers gémissements, ses poils soyeux
Ses yeux noirs, vifs
Je me souviens des disputes futiles avec mon frère
Je me souviens du concours de dessin que j’ai gagné à 8 ans

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Je me souviens de ma première vague prise au surf
De mon fou rire incontestable avec M en Français
De mon premier jour au collège, je portais une veste marron
Je me souviens de ma première médaille
Je me souviens de la ligne de bus 9 qui arrivait toujours en retard
Je me souviens des cadeaux de Noël dernier
Je me souviens de mes compétitions de gymnastique
Je me souviens de la chute des tours jumelles
Je me souviens de Toulouse
Je me souviens de mon premier regard
Je me souviens de la fatigue des lundis matin
Je me souviens de la poudre de la craie
Je me souviens du temps où je pouvais dormir le mercredi matin

Tu es à la plage, tu vois un dragon cracher des flammes
Tu es en Bretagne et tu vois une plage pour animaux
Tu es dans ton lit, ton voisin s’y installe à la place de ton mari
Tu es dans la voiture, un homme saute sur le pare-brise
Tu arrives en retard en classe, tu découvres les élèves avec les pieds sur la table

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Je me souviens de cette épidémie de grippe AH1N1 qui m’avait fait plus de peur que de mal
Je me souviens de cet événement le 11 septembre 2001 et de ces terribles images
Je me souviens de mon premier jour de gymnastique
Je me souviens de Madame Bardy qui avait de très longs cheveux
Je me souviens de la naissance de mon petit frère

22 septembre 2011
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