Olivier Rolin s’amuse

Serais curieux de savoir réactions de lecteurs (et de lectrices aussi) sur le dernier opus d’Olivier Rolin.

Les as de l’autofiction devraient se garder d’y entrer, puisqu’ici le personnage réel de l’auteur sert de prétexte à un constant dérapage dans la fiction la plus échevelée, et d’autant fascinante qu’on reste à distance, comme à se souvenir d’un livre autrefois lu d’une traite, et dont il ne reste que cette sensation.

C’est même ça l’intérêt du livre, et on aurait aimé qu’il puisse être mis dans les mains de collégiens (c’est pas le cas, l’ami Olivier ayant l’érotisme hard et à fleur de tout le livre). On part de Perec, et de son inventaire des "chambres" pour un fractionnement qui a priori paraît un défi, tant les chambres d’hôtel partout au monde se ressemblent. Sauf lorsque la description d’Olivier s’acharne aux dimensions, aux meubles, aux lampes, au téléviseur et au téléphone, plus le minibar, dont son personnage connaît bien aussi les contenus.

Alors, pour chaque chambre devenu théâtre de la fiction, s’explore une figure précise de la narration romanesque. Convocation du roman d’espionnage, jeu avec les personnages récurrents, jeu avec le roman érotique ou le roman d’aventure, ce qui est impressionnant c’est que vient en avant du livre, comme son objet même, non pas la fiction elle-même (toujours coupée au moment où nous on marche, on est en pleine attente), mais cet usage narratif, et toutes ses "ficelles"...

Reste que si on fait de ça un jeu technique, c’est nul et sec. Mais que si l’auteur n’a pas lui-même réglé son compte avec tous ces mirages (aujourd’hui il s’envole pour la Sibérie), sa passion des corps, son goût extrême des livres (on croise aussi Borges et Durrell et plein d’autres : comme ce personnage qui passe sa vie à lire les livres dans les chambres où ils ont été écrits et seulement là), c’est notre propre goût du roman qui est frotté à vif...

On rigole tout seul, on crie de loin à Rolin que c’est pas possible, non, on n’a pas le droit de se comporter comme ça, même avec des tigresses de papier, mais allez-y, ça marche...

Voir aussi le dossier Olivier Rolin

François Bon

16 décembre 2004
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