Quatre remarques à propos de
Rosmarie Waldrop
La revanche de la pelouse
Les Éditions de l’Attente
2012
Traduit de l’américain par
Marie Borel et Françoise Valéry
Titre original
Lawn of excluded middle
Quatre remarques
à propos de ce livre
Indiens à l’écart, MBB, Marie Borel 2013
E
1
Écrire en anglais
2
Écrire en anglais
les mots font des écarts
3
Écrire en anglais
le moindre écart est tout un
événement
Rosmarie & Keith Waldrop
Un cas sans clef
Éditions de l’Attente, 2010
Trois INDIENS et un tiers exclu ALLAIENT CAR
1. comme les oiseaux les Indiens situent la revanche de la pelouse dans le domaine du langage. La dimension constitutive de l’acte se fonde à l’écart des racines de l’herbe.
La pelouse est un gazon de décorum, une couverture, une surface insipide, une apparence, un masque, un artifice imposé à l’espace dans certaines circonstances de la vie et dans certains lieux. [note1]
L’espace s’arrête où les yeux du premier indien [le deuxième au pied de la lettre] se cognent au côté gauche du rectangle de l’image et font un trou hors champ.
Rendre la pareille nécessite les armes d’un métier d’ignorance et de silence.
Deux doctes ignorantes lisent à la lettre ce qui est écrit dans un lieu tiers identitaire dans un lieu tiers relationnel dans un lieu tiers historique. Un lieu commun en quelque sorte veut tout dire son contraire et aussi une voix tierce.
Les principes ne sont plus ce qu’ils étaient, « la philosophie on ne devrait l’écrire qu’en poésie » remarque Wittgenstein.
En mêlant les qualificatifs du jour et de la nuit Rosmarie fait un maelstrom de racines à la pelouse qui n’en a cure.
La logique n’est d’aucun secours quand tu ne connais pas les postulats.
(RW, lRdlP, 76)
Trois INDIENS et un tiers exclu ALLAIENT CAR
2. comme les oiseaux les racines de la pelouse ne sont pas visibles dans la terre. L’existence souterraine du sol est simplement expressive.
Les racines qui ne sont pas des squelettes fixent le végétal sur une existence antérieure dont elles n’ont pas ressouvenance.
L’oubli prédispose les intervalles de silence à la tristesse. Les affinités d’humeur de la pelouse avec celle des Indiens viennent de l’absence de passé reconstitué avec leur langue propre.
Rendre la pareille nécessite Clef [note 2] pour comprendre la langue de l’Amérique.
L’étude de la langue indienne débute par l’image d’une frise pochée qui ramène à la vie l’histoire d’une volée d’oiseaux. Une image en quelque sorte rend tout visible ne montre rien et aussi un tourbillon de résistance.
Une explication est une fausse piste, il suffit de « remplacer image par le mot image » remarque Royet-Journoud.
En mêlant quatre mouvements ornithologiques Rosmarie renouvelle l’air entre les plumes des Indiens en file sur le sentier de la guerre.
L’écart entre expression et intention m’inquiétait, j’avais peur que le monde ne voie qu’une enseigne lumineuse où je voulais faire apparaître un visage . (RW, lRdlP, 24)
Trois INDIENS et un tiers exclu ALLAIENT CAR
3. comme les oiseaux le sentier de la guerre est l’histoire à quoi se cramponner. La ligne narrative ne trouve rien derrière le mot pelouse.
Le sentier bifurque en prenant une lettre au passage. De law à lawn un relent de “N” renifle le vide spatial d’un corps à la fois plein et creux. Le troisième n’est pas donné.[note 3].
Le futur soi-disant jette les restes d’une femme dans l’abîme et s’éloigne en courant du bord violent. Il y a quelque chose devant le mot “haine” : une odeur à l’écart de la pelouse.
Rendre la pareille au tiers exclu nécessite que les choses qui arrivent arrivent quoi qu’il arrive.
Demain on nagera l’indienne. Le vieil ermite qui habitait l’excavation d’un ventre vient de mourir d’hydropisie. Un chagrin d’amour en quelque sorte an airing of emotion et aussi la phrase engendre une troisième voix.
Les choses arrivent, « il faut que la fable soit composée de manière que celui qui ne fait qu’entendre les choses qui arrivent, quoiqu’il ne les voit pas, frémisse pourtant à ce récit » remarque Aristote.
En mêlant les effets d’être une personne humaine et une femme Rosmarie découpe son corps en l’imprimant.
C’est pourquoi les comparaisons, même boiteuses, vont bien plus loin que la distance de la beauté, rose aurore aux doigts de rose, ou celle du souvenir des contrats scellés dans le sang. (RW, lRdlP, 39)
Trois INDIENS et un tiers exclu ALLAIENT CAR
4. comme les oiseaux l’art de la découpe représente une suite logique et dialogique. L’utilisation de la technique du pochoir comprend le choix du motif, du matériau et la découpe proprement dite.
Le pochoir reproduit à plat le creux d’une forme. Faire les contours du motif en sélectionnant les parties évidées et celles qui sont pleines.
La béance se remplit toujours. À chaque vague l’augure trace une forme de pomme sur le sable mouillé pour y faire voler les ombres des oiseaux. Les volatiles doutent des quatre points cardinaux mais leurs ailes sont sûres de la dimension quatre.
Rendre la pareille aux battements d’ailes nécessite une carte stroboscopique.
Le tiers exclu possède la faculté de voir les choses dans les qualités passagères qui les sauf-conduisent. Chaque séance de travail beaucoup de travail en quelque sorte beaucoup de paroles et aussi beaucoup de rires.
Le poème ressemble à la vie, « monsieur l’inspecteur, il ne s’agit pas de comprendre mais de chercher sans fin à comprendre » remarque Rouletabille.
En mêlant la coupe au pli Rosmarie produit un effet heuristique sur la perception de l’espace du poème : le système monofocal éclate, les points de fuite se multiplient, les écarts sont synaptiques.
Tu étais occupé à fixer dans la tête de ton enfant ton image de l’univers . (RW, lRdlP, 64)
note 1
« Dans une rue spacieuse, aux maisons pimpantes [la maison des Waldrop] tranche par son caractère sombre, enfouie sous des arbres trop proches, et par son refus de
la culture de la pelouse et de
la tondeuse à gazon. »
Paol Keineg, Elmgrove Avenue, rbl, revue de belles lettres, 2012, 2
dossier Keith et Rosmarie Waldrop, Éditeur Société de Belles-Lettres de Lausanne, p. 76.
note 2
Rosmarie Waldrop. Clef
Traduit de l’américain par Paol Keineg
Vacarme 54 - hiver 2011
note 3
Tertium non datur
Texte écrit par
Marie Borel
en présentation de La Revanche de la pelouse dans
le dossier Keith et Rosmarie Waldrop
cité note 1
(pp. 141-142)