Rêves de bonheur

Toutes les stratégies de résistance, même les plus concertées, se trouvent inévitablement prises dans les structures du discours dominant [1]. Autrement dit, venu de son pied léger à Paris du département des Pyrénées-Orientales, avec une somme de onze francs pour tout viatique, il [un célèbre peintre de paysage] y avait en quelque sorte oublié les misères de son enfance et avait échoué sur l’« Île pour mauvaises herbes » au cœur des mondes perdus. Livré à lui-même, il dut y faire preuve d’ingéniosité, de persévérance, de courage et de dissipation pour survivre dans ce monde sauvage. Jusqu’au jour où il rencontre un peintre pour le moins inattendu : « l’irrationnel est de mise, l’iconographie de l’heroic fantasy truste la nouvelle peinture. ». Le prototype d’île exposé seul dans la dernière salle de l’aile latérale gauche de l’Entrepôt Lainé, galerie sud du CAPC où l’on peut voir jusqu’au 16 septembre 2007 l’exposition Des mondes perdus est ici regardé comme un conceptacle. [2]

Les pratiques de Simon Starling sont produites à partir de déplacements le long de paysages improbables. La géographie, la botanique, les savoirs constitués de l’histoire de l’art, en fait ici on s’en moque ; c’est le caractère inépuisable des relations entre les choses, les classements qui ne durent pas, les mises en ordre caduques qui comptent et les moments de regard parmi ou à travers un espace insulaire provisoirement circonscrit d’une lisière de granulats concassés de silice cristobalite blanche obtenus par calcination de galets de silex de mer.

Le personnage du célèbre peintre de paysage, membre de l’Institut et officier de la Légion d’honneur s’oppose au stéréotype du peintre fouriériste que Balzac campe sous les traits de Dubourdieu, en 1845 dans Les comédiens sans le savoir.
Neil McWilliam termine le chapitre 7 de son
étude impressionnante de l’« art social » au début du 19e siècle en citant et commentant cette étude de mœurs balzacienne qui réprouve l’ « art humanitaire » dont le tableau Rêves de bonheur est emblématique. Comme tel, le titre de cette toile est repris par l’historien d’art, accompagné du sous-titre : L’art social et la gauche française (1830-1850).

À la fois d’une complexité ridicule et d’une maladresse comique cette composition pompier Rêves de bonheur, exposée au Salon de 1843, peinte par
Dominique-Louis-Féréa Papety, prix de Rome en 1836, représente une figure allégorique de l’Harmonie fouriériste. Une reine lovée dans les plis immaculés de sa tunique blanche et dans les tonalités moites des corps humains contre lesquels elle s’étend, tenant un bâton symbole d’un agrandissement utile aux hommes, règne auprès d’un « énorme chou frisé (…) image de la concorde » et au milieu de prêtres et de vestales plus ou moins dénudés dont les sourires suaves s’accordent aux saintes harpes qui glorifient la félicité terrestre porteuse des bienfaits de la famille, de l’amour, de l’activité industrielle et de tous les bons sentiments de la terre.
Au regard de Balzac —et aux regards actuels, ce genre pictural est une représentation ratée de l’ “orgie harmonique”. La fonction rituelle de l’assemblage d’une pluralité de corps, loin d’être chez Fourier l’expression d’un libertinage confus ou d’une sentimentalité cucul, traduit la portée symbolique d’une puissance communautaire. Servi par des regards sensuels sur les choses du monde, Le nouveau monde amoureux suggère une « théologie du voir ». Le visuel est prépondérant dans le jeu des correspondances dont les analogies sensorielles sont inséparables d’une « orgie de musée ».

Sans autre cohérence historique que l’effet produit par le dispositif d’une installation —le “ça-m’a-fait-ça”, Île pour mauvaises herbes ouvre des liens inédits entre deux « mondes perdus » : les formes du « socialisme » français dans la première moitié du 19e siècle et les formes d’une recherche artistique dans la première moitié du 21e siècle. Dans une société privée de certitudes “spirituelles” et politiques chacun à leur manière et dans leur temps rêvent de bonheur.
Simon Starling organise le sauvetage de plants d’orchidées (Rescued Rhododendrons ), danger pour l’écosystème d’Ecosse (la bruyère et la tourbe). Contre ce “nettoyage ethno-botanique” cautionné par une bonne conscience écologique, l’artiste rapatrie plusieurs plants dans le sud de l’Espagne, où cette fleur fut découverte et rapportée en Ecosse au 18e siècle par un savant suédois. Il réalise ensuite un prototype d’île pour sauver les rhododendrons sauvages. « Une utopie à rebours ou la possibilité d’un île » écrit Charlotte Laubard, commissaire de Des mondes perdus dont un parti pris notoire est de présenter l’ensemble des œuvres de l’exposition sans cartel.


– Et que deviendra donc alors la peinture ? demanda Gazonal.
– Elle sera plus grande, répond Dubourdieu.
– Et aurons-nous des yeux plus grands ? dit Gazonal en regardant ses deux amis d’un air significatif.


Mais Dubourdieu n’est pas Fourier, il est un peintre fouriériste. Les “utopies” sont d’abord des œuvres d’art et des livres : des constructions de choses tangibles (Île pour mauvaises herbes) ou de choses écrites (Les comédiens sans le savoir). L’organisation des lieux mêmes de la représentation ne s’accomplit pas pleinement : une île sans mer autour, un Paris sans plan de circulation dans l’espace urbain. Dans leur cohérence même les règles de vision et d’écriture —des règles d’assemblage, mettent en jeu les représentations construites. Il reste de l’inaccompli, il y a des espaces de dérapage. Les procédés de création se font là où ça dérape (en ouvrage de dame, dans le sud-ouest de la France, ça s’appelle “faire des
margagnes”)
Le regard du spectateur dérape de fait sur le socle de la pièce de Simon Starling, se brouille (to blur) et émerge littéralement sur des flotteurs. Le dérapage des regards contrôlé (par l’artiste, l’écrivain) est à la fois portée critique et création : “the blurring of art and life”. « À 83 ans, il sait que continuer à vivre, garder sa colère intacte, écrire, lire, réfléchir, revenir sur certains détails de son œuvre et de sa vie, tout cela demande déjà beaucoup d’énergie et qu’il vaut mieux ne pas en rajouter. »

– Il est fou ! dit Gazonal.
– Et ce n’est pas le seul que les idées de Fourier aient rendu fou, dit Bixiou.

Marx et Engels remarquent dans L’Idéologie Allemande que les écrits d’un auteur “conservateur” comme Balzac peuvent pourtant laisser transparaître des idées subversives. C’est la “fonction légitime de l’art” et sa capacité à se mettre au service du changement social qui sont interrogés dans Les comédiens sans le savoir.
Claude Simon et François Bon sont des lecteurs de La Comédie Humaine assurément plus fréquentables, ici dans ces circonstances, que les auteurs du Manifeste.
C’est aussi l’ « invention de la réalité » qui préoccupe à leur manière les fouriéristes. Ils attribuent trois rôles sociaux principaux à l’artiste : il est un baromètre du climat idéologique ambiant, un annonciateur des nouvelles tendances de la société, un serviteur des réformes. « Tel art, tel peuple », en résonance avec une philosophie du bonheur et du plaisir, l’art devient une expérience globale, sort du musée, des salons, « le luxe devient social » et les pratiques culturelles une source inépuisable de délices pour tout un chacun.
Aujourd’hui quand des allumés [3] font dériver des pratiques artistiques au gré d’un estuaire, l’art comme levier de développement économique et vecteur de cohésion sociale semble remplir tout à fait un rôle fouriériste et métamorphoser, par exemple, l’image d’une île au cœur de la ville. Tout en découvrant des formes artistiques les citadins redécouvrent le patrimoine urbain et industriel et « se forgent une identité culturelle commune » en participant à la fête. Durant l’été, 35 passagers pourront voyager ensemble sur l’île au moyen d’un “grand éléphant” de douze mètres de haut.

Des réminiscences idéologiques saint-simonistes brouillent le regard sur ces pratiques artistiques tout autant que sociales. Dans un monde disloqué par des conflits politiques, économiques, collectifs et individuels semblant insurmontables, la valeur positive attribuée de façon générale à l’art, son utilité sociale, sa capacité “prophétique” : l’artiste expert de la sensibilité et du sentiment, guide moral, agent de propagande (le talent au service de la propagation d’idées), catalyseur d’énergie citoyenne, etc., génère de nouvelles croyances.

– Sauvons-nous, dit Bixiou, Léon moralise.
– Et cet homme était de bonne foi ? s’écria Gazonal encore stupéfait.

Il y en a plein les rues actuellement à Bordeaux de la bonne foi avec les sculptures monumentales d’acier rouillé de Bernard Venet qui cassent la perspective parfaite des rues et des jardins de la ville. Mais les passants ne sont pas choqués, ils ignorent les monuments de fer ou s’en amusent [4]. Au Jardin Public les enfants s’en servent de cage de but. L’art monumental est décidément de retour.

Un diverticule de l’œsophage provoque des nausées, la diminution de la quantité de nourritures avalées est urgente. Des “dispositifs de régurgitation et de décélaration” des mondes perdus retiennent les regards à l’intérieur du musée. « Certaines régressions s’avèrent salutaires, dit le texte de présentation de l’exposition du CAPC. Comme si il y avait urgence à ralentir les flux, jusqu’à créer une disruption temporelle. Les récits des mondes perdus produits par la littérature du 19e siècle se sont constitués autour de ce principe d’une résurgence non prévisible d’un objet ou d’une civilisation que le rationalisme triomphant aurait occulté. »
De Jules Verne à Steven Spielberg The Lost Worlds immergent l’île embidonnée. L’espace insulaire ovale sur pilotis est relié par des câbles mous à des bidons bleus, réserves d’eau de mer sans doute.
Le boomerang des Enfants du capitaine Grant n’a pas fini de retomber dans les mains de
Julien Gracq qui avait découvert dans Jules Verne cette arme magique. Je ne finirai pas de croire que l’auteur de L’Île mystérieuse est né au cœur de l’Île de Nantes. C’est aussi « une mer plus que sérieuse, encore parée de ses attributs les moins rassurants, où les canots de sauvetage ne chôment pas » qui fortifie chaque variété d’herbe perçue brin à brin comme au rythme linnéen d’un passage chez Paul-Armand Gette. Rhododendron hirsutum, arbuste à la fleur rose clair, accepte les sols neutres et tous les sols d’accueil où qu’ils soient quels qu’ils soient. Pas de politique de l’immigration sur l’île des arbres à rose.

Les feuilles bordées de cils vertes sur les deux faces, avec quelques glandes brunes sur la face inférieure et un pédoncule et un calice velus sont une sorte d’expérience esthétique et politique d’un déplacement anachronique, des Rêves de bonheur saint-simonistes, fouriéristes, républicains et socialistes, des espèces de représentations de mai 1968 en 1830. On rêve d’une étude aussi approfondie de nos “événements” (par Neil Mc William ou un de ses collègues) et voilà Suzanne Lacy en train de labourer l’île grâce au tracteur-performateur : Il y a des arbres à planter./ Un homme habillé s’arrête.


Vent aide à respirer parfois.
Travail oxyde régulièrement.
Un homme habillé s’arrête.
C’est l’étranger, ou l’inconnu.
Il serre une main.
Demande un repas.
Travail est derrière la maison.
Il y a des arbres à planter.
Homme prête la main ?
 [5]

« La “réflexion sur la popularité” est pratique. Elle désigne l’expérience d’une relation avec le public que chacun porte en lui. Chacun est le public. Ou le “public” est la suite des présences du nombre possible en chacun. Car chacun d’entre nous porte en lui la mémoire des idées du grand nombre inassignable auquel il appartient, “Peuple”, “Pays”, “Humanité”, quel qu’en soit le nom. Chacun se demande pourquoi et comment il est avec tous ceux dont il est séparé, et qui redoutent et aiment de façon analogue. Par “insociable sociabilité”. » répond Philippe Beck à Emmanuel Laugier.

L’histoire mouvementée des relations entre art et politique est bien une invitation poétique à l’oxymore. L’ art social apparaît autour des années 1830 dans un contexte idéologique et esthétique remarquablement décrit par Neil Mc William à partir d’un corpus de textes souvent inédits (journaux, discours, lettres) et d’une documentation érudite où les doctrines sur lesquelles cet art se fonde sont exposées. L’historien se garde de toute classification hâtive et met au jour les postulats des discours politiques et esthétiques au-delà de différences théoriques de surfaces.

– Il a de la main, il a du savoir... dit Léon ; mais le fouriérisme l’a tué. Tu viens de voir là, cousin, l’un des effets de l’ambition chez les artistes. Trop souvent, à Paris, dans le désir d’arriver plus promptement que par la voie naturelle à cette célébrité qui pour eux est la fortune, les artistes empruntent les ailes de la circonstance, ils croient se grandir en se faisant les hommes d’une chose, en devenant les souteneurs d’un système, et ils espèrent changer une coterie en public. Tel est Républicain, tel autre était Saint-Simonien, tel est Aristocrate, tel Catholique, tel Juste Milieu, tel Moyen-Age ou Allemand par parti pris. Mais si l’opinion ne donne pas le talent, elle le gâte toujours, témoin le pauvre garçon que vous venez de voir. L’opinion d’un artiste doit être la foi dans les oeuvres... et son seul moyen de succès, le travail quand la nature lui a donné le feu sacré.

Avec la virtuosité méthodologique des “joies de l’incertitude”, l’auteur procède à un examen point par point qui établit sur une durée de vingt ans (1830-1850) le fonds commun des croyances. Une écriture toute shandéenne travaille moins l’outil digressif que l’instrument de réserve scientifique : « c’est apparemment à [l’instigation de …] que […] mais [il participe également à …] ce qui suggère que […] il est plus difficile d’affirmer [l’attirance de … pour] car […] néanmoins […] peut-être […] il semble […] mais en dépit de […] ne semble pas le fruit du hasard […] », parfaitement servie par une remarquable traduction. Le contraire justement d’un discours idéologique —mais c’est catégorique et simplificateur voire simpliste de le dire ainsi. Aucune dichotomie abstraite réductrice dans cet ouvrage, mais en lieu et place de théories reconstruites a posteriori, des choix de personnalités représentatives. Gabriel-Désiré Laverdant, par exemple.

Afin de comprendre ce qui pousse Gabriel-Désiré Laverdant (1802-1884) qui publie en 1845 De la mission de l’art et du rôle des artistes à quitter en 1849-1850 le petit comité éditorial de La Démocratie pacifique, une biographie de ce personnage au caractère dogmatique et péremptoire n’explique qu’en partie les désillusions de cet homme converti au catholicisme en 1848 sous l’influence de sa femme et qui ne voit aucune incompatibilité entre sa foi et son engagement fouriériste. Cette lecture jubilatoire digne du meilleur récit de vie est agrémentée d’une longue lettre adressée en 1849 au comité éditorial de La Démocratie pacifique dans laquelle Laverdant s’enflamme : « Mettons que je n’ai pas été fort ; j’ai été bienveillant ; on sentait alors qu’à défaut de science, il y avait de l’amour. »
« Nonobstant la part d’amertume du critique, écrit Neil Mc William on devine à ces remarques que c’est le ton de ses articles qui a provoqué la rupture. »

– Ton tableau, dit Léon, est-il fini.
– Entièrement fini, reprit Dubourdieu. J’ai tâché de voir Hiclar pour qu’il compose une symphonie, je voudrais qu’en voyant cette composition, on entendît une musique à la Beethoven qui en développerait les idées afin de les mettre à la portée des intelligences sous deux modes. Ah ! si le gouvernement voulait me prêter une des salles du Louvre...
– Mais j’en parlerai, si tu veux, car il ne faut rien négliger pour frapper les esprits...
– Oh ! mes amis préparent des articles, mais j’ai peur qu’ils n’aillent trop loin...
– Bah ! dit Bixiou, ils n’iront pas si loin que l’avenir...

L’aventure saint-simonienne promettait d’éradiquer pacifiquement l’injustice en réduisant les antinomies constitutionnelles entre l’esprit et la matière, la science et l’industrie, la pensée et l’action, grâce à la puissance synthétique de l’amour, de la religion et de l’art. De même, selon les adeptes de Fourier, les divisions dont souffre chaque être humain devaient être abolies par l’élimination des “conflits ontologiques et épistémologiques”, mais de leur point de vue grâce à l’assouvissement du désir individuel, les déviances étant le résultat des passions réprimées. La liberté artistique est donc en quelque sorte garantie par les théories psychologiques sur lesquelles s’appuie le fouriérisme, ce qui semble aujourd’hui lui donner une crédibilité supérieure aux promesses des saint-simoniens hostiles à toute conception de “l’art pour l’art” et à une valorisation de la forme pour elle-même.

– Oh ! ce n’est pas un des moindres titres de Fourier à la vénération que d’avoir restitué la pensée aux plantes, il a tout relié dans la création par la signification des choses entre elles et aussi par leur langage spécial. Dans cent ans, le monde sera bien plus grand qu’il n’est...
– Et comment, monsieur, cela se fera-t-il ? dit Gazonal stupéfait d’entendre parler ainsi un homme sans qu’il fût dans une maison de fous.
– Par l’étendue de la production. Si l’on veut appliquer le SYSTEME, il ne sera pas impossible de réagir sur les astres...

Ce n’est pas le lieu [6]
d’énumérer les contradictions et apories d’un art social toujours provisoirement défini et souvent en discordance d’une part avec la pensée de référence (celle de Saint-Simon, de Fourier ou de républicains convaincus de l’autorité sociale de l’artiste), d’autre part avec les constructions théoriques éclectiques de ses différents acteurs. L’écartèlement entre leurs positions politiques et esthétiques est essentiellement du à l’affirmation simultanée et contradictoire de la liberté de création individuelle et de l’engagement de l’artiste au service de la société. La mercantilisation des œuvres est considérée asservissante, mais il faut, même un peu, manger tous les jours.
Parfois, certains artistes marginalisés sont séduits par la notion d’une « crise religieuse induisant une perte de créativité ». Les bohémiens du Quartier Latin attribuent leur sentiment d’échec aux carences présumées de la société. Une relation mutuelle et réciproque s’établit dans leurs esprits entre doute idéologique et désespoir personnel.

Tout ce qui s’est pensé en ce début du 19e siècle en matière d’ art social mérite vraiment l’effort à la fois fascinant et inquiétant d’une lecture des presque 500 pages (en comptant les notes et l’index) du livre de Neil Mc William, pour peu de l’accompagner bien sûr du plaisir du texte de Balzac.
Ainsi, on se souviendra que, si en 1830 l’Appel aux artistes à se faire propagandistes saint-simoniens ne touche qu’une minorité d’entre eux, un siècle plus tard l’ « utilité sociale de l’art » est un fait historique dans l’organisation unitaire et autoritaire stalinienne et hitlérienne.
Aujourd’hui,

« […] une autre culture de masse, plus envahissante que tout ce que l’on avait pu imaginer, prend le dessus. L’individu, constamment sollicité, dont on flatte sans cesse les goûts, mais qui n’est jamais satisfait, a troqué son rôle politique contre des plaisirs par procuration. L’art devient peu à peu le sous-produit d’un complexe médiatico-industriel tentaculaire, et les rêves de bonheur se réduisent désormais à quelques fantasmes complaisants, menue monnaie de la culture globalisée. » [7]

Pourtant sur L’Île les mauvaises herbes sont luxuriantes et ne défraîchissent pas car c’est un “lieu” fait pour elles.


Photographies, copyright Jean-Claude Princiaux

16 juin 2007
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[1Richard Terdiman, Discourse/Counter-Discourse : The Theory and Practice of Symbolic Resistance in Nineteenth Century France, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1985, p.190. Cité par Neil McWilliam, Rêves de Bonheur, L’art social et la gauche française 1830-1850, Les Presses du réel, 2007. p. 404.

[2Au sens de “matrice” et en référence à l’usage de ce mot par Francis Ponge dans le poème du Nouveau nouveau recueil intitulé “L’Opinion changée quant aux fleurs”.

[3Le renouveau culturel de la ville de Nantes a été marqué depuis 1990 par le festival des Allumées, l’ouverture du Lieu Unique, la Folle journée, les grands spectacles urbains de Royal de Luxe, etc. et actuellement la « découverte d’un territoire à travers des installations artistiques à l’échelle de l’ estuaire de la Loire. »

[4Article du quotidien Sud-Ouest du 12 juin 2007, cahier local p.2-9

[5Philippe Beck, Chants populaires, Flammarion, 2007, p. 192

[6De nombreux articles ont été écrits au moment de la première publication en anglais du livre Dreams of Happiness. Social Art and the French Left 1830-1850 ( Princeton University Press, 1993) et de nombreus textes peuvent être consultés. Pour en citer quelques uns :
Michel Cordillot,
– Marie-Claude Chaudonneret, Revue de l’Art, année 1995, Volume 107, Numéro 107, p. 97. (voir l’article en ligne :
Persée )
– Christophe Prochasson, Annales. Histoire, sciences sociales, année 1996. Volume 51 N°4, p. 817-818 (voir l’article en ligne :
Persée )
Voir aussi l’exposition de la BNF Le siècle des saint-simoniens : du Nouveau Christianisme au Canal de Suez.
En filigrane de ces recherches, l’œuvre de Paul Bénichou qualifiant la période de Temps des prophètes montre la glorification des écrivains, des peintres et des sculpteurs dont les productions impressionnent un large public souvent inculte.

[7Neil McWilliam, Rêves de bonheur. L’art social et la gauche française (1830-1850) Les Presses du Réel/Œuvres en sociétés, 2007, avril 2007. p. 440