Roberto Juarroz, Quinzième poésie verticale

Les livres de poésie de Roberto Juarroz portent tous le titre générique de "poésie verticale" et sont numérotés. Parole extraordinaire, comme trait-d’union entre deux perspectives croisées du langage lorsqu’il est mis à l’épreuve du silence, de son irréductible noyau de chair.

Car la parole de Roberto Juarroz est un corps, étendu les bras en croix sur le dos, les yeux portés vers le haut par le voyage, et l’intelligence plantée comme une racine dans la terre ; une main est allongée en direction du combat de Roger Laporte, vers "la tâche secrète d’écrire l’épreuve qui réduit au silence" (R.L., "Moriendo"), une main tente de saisir celle d’un autre grand gisant, la main légère de Joë Bousquet qui voltige et dessine des oiseaux d’air dans la nuit, pour "traduire le silence" (J.B., "Traduit du silence").

Le langage et le silence sont inséparables. Il n’y a pas de langage sans silence car chaque mot a une charge de silence. Ce n’est pas seulement le silence qui surgit, comme une limite, quand s’achève quelque chose. Le silence est au-dedans des mots, au-dedans du poème. Le silence, en premier lieu, c’est l’inconnu que nous portons en nous. Je dis parfois que la première condition du vrai poète consiste à donner des mots au silence intérieur. Pas seulement celui du poète, mais aussi celui des autres. Je crois qu’il n’y a pas de poésie sans une constante invocation au silence. C’est pour cela que je reviens souvent à l’idée du silence. Je voudrais, d’une certaine manière, le concrétiser dans la poésie.

(Entretien de Jacques Munier avec Roberto Juarroz pour "Les Lettres Françaises", avril 1993).

20

Y aura-t-il un rythme dans la mort,
au moins un rythme ?

Peut-il y avoir quelque chose sans rythme ?

Toute l’énigme, sans doute,
consiste à le trouver.

Nous pouvons commencer
par le silence.

("Quinzième poésie verticale", trad. de Jacques Ancet, Corti 2002)

28 mai 2005
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