Vianney Lacombe | Série Tarkos #4 | Donne

Donne est écrit dans une langue qui ne dit pas ce qu’elle dit, et qui se dissimule sans cesse derrière l’indétermination, la fausse reconnaissance, elle se berce de mots et de sons qui nous permettent de reconnaître l’origine de cette langue, mais sans jamais la découvrir, elle reste en retrait, dans l’abri du non-sens qui lui garantit son existence irresponsable, avec une jubilation qui ne peut durer qu’une vingtaine de lignes, puisqu’il est toujours temps de recommencer ou d’en finir.

En fait, Donne est la tentative sans cesse renouvelée d’inventer l’écriture avant qu’elle ne cesse d’être, de la retirer du réel avant qu’elle ne se saborde sur l’écueil du sens.
Donne est une jubilation réfléchie sur l’écriture se mouvant en elle-même et pour elle-même : elle est le poème non conçu, la langue sonnante et trébuchante qui ne cesse de se prendre dans les propres rets et lacs. Elle est à l’orée du poème, de l’endroit clos dont il ne s’échappera pas, dans lequel il répètera indéfiniment les mêmes charmes et les mêmes erreurs, pourquoi pas vingt ou trente fois, puisque Donne est conçu comme cela, dans la fausse reconnaissance d’une parole primordiale oubliée dans laquelle la langue officielle se confond avec celle de notre désir.

Christophe Tarkos, « Donne », Écrits poétiques, P.O.L. éditeur, 2008, p. 317-349.

2 décembre 2017
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