Au-delà de l’actualité littéraire
Marianne Rubinstein est en résidence à la librairie Le Divan (Paris 15).
Ces dernières années, elle a aussi été accueillie par les librairies Atout Livre (Paris 12) et l’Atelier (Paris 20).
Pourquoi avoir choisi cette librairie en particulier comme lieu de résidence ?
Le Divan est une grande librairie, fortement implantée dans son quartier, avec un espace de rencontre dédié et chaleureux (le divan au milieu de la librairie, où l’on accueille les invités). Il y a donc déjà un public, celui des habitués du Divan qui viennent aux nombreuses rencontres proposées par les libraires. C’est aussi une librairie proche de chez moi, ce qui facilite la coordination de l’ensemble des projets de ma résidence d’écriture (atelier d’écriture dans un lycée ; intervention en jeunesse avec les élèves d’une école primaire ; cycle de rencontres).
Comment cette collaboration s’est-elle construite, comment évolue-t-elle au jour le jour ?
J’ai contacté Philippe Touron pour lui proposer ce projet de résidence. Je ne le connaissais pas, mais savais qu’il avait aimé mon livre Detroit, dit-elle à propos duquel il avait publié une chronique sur les réseaux sociaux. Il n’avait jamais accueilli de résidence dans sa librairie, et s’est montré intéressé. On s’est rencontrés et on a monté le projet ensemble, pendant les mois de confinement. Puis il m’a présenté Lucie Lisant, qui coordonne le projet avec moi pour tout ce qui concerne les rencontres en librairie.
Que vous apporte la présence du ou de la libraire ?
Lucie et Philippe me proposent des livres qui pourraient fonctionner avec le thème de la résidence. Leur connaissance approfondie des parutions est précieuse. C’est par exemple Lucie qui a attiré mon attention sur Hors gel, le roman d’Emmanuelle Salasc que j’ai invitée par la suite. De nouveau, pour la quatrième rencontre en avril/mai, ils m’ont proposé plusieurs livres qui leur semblaient convenir et que je suis en train de lire. Pour l’organisation des rencontres, l’aide des libraires est également importante : ils ont l’habitude de contacter les éditeurs, et prennent en charge la partie pratique, ainsi que la communication avec leur propre réseau.
Quelle influence cela a-t-il sur votre création en cours ?
Je suis en train d’écrire un roman d’anticipation, ce que je n’avais jamais fait, et les rencontres m’aident. La prochaine, avec l’économiste Robert Boyer, va me permettre d’approfondir la partie prospective en économie. Celle avec Emmanuelle Salasc m’a conduite à réfléchir sur la construction de mon roman, par rapport aux procédés utilisés dans Hors gel. Celle avec Jean-Claude Grumberg est davantage en lien avec mon travail sur le génocide juif, et la manière dont il « travaille » le présent et le futur (j’ai publié deux livres à ce sujet, aux éditions Verticales, et continue d’écrire des articles, le prochain pour la revue Europe).
Y a-t-il des différences pour vous entre les rencontres et lectures publiques habituelles, et celles organisées dans ce cadre ?
D’abord, je suis en cours d’écriture et j’interroge des auteurs ayant écrit des ouvrages en lien avec ce que j’écris, sur la manière dont ils s’y sont pris pour raconter ceci ou cela, pour surmonter telle ou telle difficulté, etc. On partage donc nos difficultés, nos obsessions, nos combats. Ensuite, précisément parce que l’on parle du travail d’écriture, cela nous amène à évoquer l’ensemble de l’œuvre, sans se cantonner au dernier livre. Le fil thématique des rencontres est aussi une différence par rapport à des rencontres portant sur l’actualité littéraire. Enfin, le fait que les rencontres soient filmées, et donc archivées, leur donne peut-être un caractère particulier.
Cette proximité prolongée avec une ou un libraire change-t-elle votre regard sur son travail et son approche ?
Cela complète la vision que j’avais des compétences riches et multiples des libraires : lire, conseiller, organiser des rencontres, les animer — confrontée moi-même à la nécessité d’animer des rencontres, j’ai assisté avec admiration à celles animées par les libraires du Divan — gérer les stocks, commander les livres, accueillir les clients, faire l’inventaire, etc.
L’intérêt de la résidence en librairie (outre le fait que c’est un lieu rempli de livres, que les libraires accompagnent les rencontres, qu’ils savent les organiser, attirer l’attention de l’auteur sur tel ou tel livre en lien avec le thème de la résidence, qu’il y a un public dédié, etc.) est aussi qu’elle est le point de convergence non seulement du travail de l’auteur (le livre à produire qui, on l’espère, se trouvera bientôt en librairie), mais aussi du travail fait pendant sa résidence avec d’autres publics : l’idée, avec les écoliers, sera d’organiser en avril/mai une rencontre au Divan perché, à la fois avec moi et la/le libraire, afin que les enfants comprennent aussi ce qu’est une librairie et le métier de libraire. Cette fois-ci, pour les lycéens, la restitution va se faire au lycée pour tout un tas de raisons, mais la restitution de l’atelier d’écriture de ma résidence à Atout livre s’était faite en librairie, ce qui avait été l’occasion d’y faire venir les lycéens et un certain nombre de parents.