Gérard Haller | Nous qui nous apparaissons / Gérard Haller et Alain Willaume | Face’s End
Remue.net vous propose de découvrir des extraits de deux nouvelles parutions de Gérard Haller aux éditions l’Atelier contemporain, Nous qui apparaissons, et Face’s end, composé avec le photographe Alain Willaume.
Nous qui nous apparaissons
Présentation de l’éditeur
Nous qui nous apparaissons trace une voie dans l’inconnu, dans la nuit des sombres temps. Pour affronter cette nuit, Gérard Haller invoque la compagnie des poètes qui lui sont chers, comme Nelly Sachs et Paul Celan, dont une formule aussi obscure que limpide est placée en exergue : « vers nous et devant nous et vers nous ». C’est ce battement qui scande Nous qui nous apparaissons, comme il scande tout cheminement dans l’inconnu. Lire la suite de la présentation sur le site de l’éditeur.
Extraits
chers amis chers autres de moi vivants re-
spirant avec moi sur la terre et chers
morts déjà sans personne à la fin
avec vous pour être l’autre part
de vos mains vos yeux être l’au-
delà ici où aller je ne peux pas
respirer a dit george floyd
le 25 mai 2020 à minnea-
polis face contre terre et
nuque écrasée par le ge-
nou du policier tueur I
can’t breathe il aura pu
crier malgré tout 16 fois
à la face du monde entier
pendant les 8 minutes et
46 secondes de pur in/
humanité avant d’ex :
pirer
mama il a dit
I’m dead
et please please
d’incomptables fois
comme s’il priait
dieu en personne
please sir
don’t kill me
et rien
p. 25-26
(…)
c’est chaque jour chaque nuit
maintenant sur la terre
quelque chose a commencé
visible par tous maintenant – l’ob/
scène agonie de l’empire occident
sous nos yeux interminablement
qui se décompose femmes en/
fants hommes en/
semble hurlant comme un seul
trou déjà seule bouche en tas &
milliers d’yeux sans
face ex/
orbités déjà fouillant
la nuit cherchant un
autre dans la nuit nous
regardant depuis l’autre
côté de nous ici à la surface
de l’image et c’est comme si
c’était notre propre naufrage
soudain qui re-
surgissait tout l’en-
foui primitif de l’espèce face à
nous de nouveau qui fuyait qui re-
montait depuis l’autre bord de la nuit
dans nous fuir la mort le sang-
noir de la mer dehors demander re/
fuge
help ! help ! crier vers
nous là-bas dans le trou à cris
et c’est nos propres cris
de nouveau qui se sont tus
quelque chose devient vrai écrit Celan
p. 41-42
Face’s End
Présentation de l’éditeur :
Écrire, photographier : deux façons de se tenir au bord du monde.
C’est ce bord, immémorial et intime, que le photographe Alain Willaume arpente, dont il relève obstinément les traces et fait retentir l’écho. Et c’est là que l’accompagne, par moments, depuis plus de trente ans le poète Gérard Haller.
Face’s End est né de cette compagnie à éclipses, éphémère et fidèle.
Livre à deux cette fois – deux écoutes, deux regards. Mais, d’un phrasé sur image à l’autre, un seul et même poème. Un film au ralenti. Le temps devant chaque image de la laisser entrer en résonance et s’ouvrir, se diffracter, nous exposer ainsi à la nuit du monde qui nous précède comme à l’inouïe aurore qu’elle appelle.
partage
lumière, lumière ! - éclats finis de la lumière -
dispersée - feu du ciel dispersé au
commencement - c’était au commencement
déjà, c’est venu comme ça - séparé, tout de tout,
et mourant - feu, matière émue déjà vide dedans
soufflée comme ça dehors - étoiles et cendre -
lave lait larmes et tout ça - souffles oui - corps
là-bas jetés nus projetés loin dans nuit et criant
(Ingrid Bergman, tu sais, criant mon dieu mon dieu
etc. au sommet du Stromboli) et ça recommence -
lumière, lumière dans noir - poussière éblouie -
partage sans fin de la lumière
Gérard Haller sur le site de l’Atelier contemporain.
Gérard Haller sur Remue.net.