Katia Bouchoueva | Criques et Chat
Les courts textes (inédits) de Criques se rattachent à une idée d’aider, à l’espace maritime, protecteur et libre à la fois. A la présence de quelqu’un à nos côtés qui nous facilite sacrément les choses et par conséquent — la vie. Les criques comme petits miroirs qu’on nous tend où on se reflète ou ne se reflète pas du tout ou autrement, ou pas nous, autre chose, quelqu’un d’autre.
Chat est une prière pour un chat, pour un chat d’Alger. Ce poème est paru dans Alger céleste, éditions Publie.net littératures, 2019.
CONTRÔLE
à 7 euros 50 près
avec une vie en moins
avec ce sentiment que partout on nous vole
ne nous contrôle pas.
ton bras cache le soleil
je crois
que se réveille la mer en contre-bas
et roule tout droit sur nous
turquoise
et qui jamais ne paie
les fautes des autres
qui se cramponne à la roche ?
comme une chauve-souris à la nuit
comme une connerie à son cerveau
comme un pépé pervers au sein en silicone
un ange à son dieu
deux petits serpents luisants
deux petits serpents
fiévreux
longeant comme des malades la mer
guérissent et redeviennent étoiles
la roche est anxieuse au son
mais rassurante au goût
et nous en sommes déjà la greffe
le cœur d’un Dieu un peu perdu
les restes vivantes de son repas
en contrebas :
POISSON –
jumeau de ton wagon, ta sœur, ton frère et ton papa
au nom du Saint Patron de la SNCF
Ne nous contrôle pas
PENSÉE TRISTE / PENSEE JOYEUSE
Dans les toilettes de la gare Saint-Roch
une pensée joyeuse pisse un coup. Toc-toc :
entre une pensé triste,
sert de toutes ses forces
le menton mouillé du lavabo,
dis : c’est moi ? Ah bon ? C’est moi –
dans ce lieu horrible, et la mer pas loin ?
Absolument ! La mer est notre minimum vital.
Au secours, au secours, – crie qui sait demander,
un petit être bipède,
demande un peu d’intelligence humaine,
demande pour lui et pour la pensée triste
socialiste, communiste, capitaliste, marxiste,
chrétienne, libérale, hindou et anarchiste.
La pensée du sable sali,
sors enfin de ces toilettes !
À l’aide de ta sœur viens là où ne s’arrête
ni la belle vague, ni la belle danseuse, ni la belle actrice,
ni le coup que pisse la pensée joyeuse,
ce gamin de la fontaine qui fait pipi
dans la mer cette fois-ci.
CHAT
CHAT
Chat – chat,
bonjour le chat.
Tu parleras ou tu ne parleras
pas / plus / point (?),
virgule.
À la tombée de la nuit roule et brûle
dans tes griffes,
jusqu’à l’entrée de ce fameux vagin,
(pardon, ravin de la sauvage
femme / flottille / lune)
une barque secrète
échouée sur une dune
du sable noir,
du sable fait des poils
provenant des barbes impures et des triangles sacrés.
Tout cela est maintenant de la cendre.
Nous sommes donc en décembre.
Allez, le chat, petit chaton poème.
Sacha et Chaïma réussissent l’examen
en ce moment même.
Et dans un mois obtiendront leurs papiers :
une signature en bas, petite araignée –
et de nouveau : virgule –
Pour tout énumérer ce qu’il y a de bleu, de jaune,
d’orange, de vert, de blanc,
ce qu’il y a de perdu, de mutilé, d’enlevé, de trafiqué –
revient. Une par une. Un par un.
Salut et re-salut, le chat.
Tu tueras ou tu ne tueras
pas / plus / point
et de nouveau : virgule.
Pour énumérer les salauds, les malfrats,
pour les sortir à la lumière,
à la lame plutôt de tes moustaches.
Chat, chat, c’est toi, tu,
tu es frère, tu
aimes celles qui t’appellent, te caressent, te supplient, te tannent.
Merci, je partirai et reviendrai sans avoir rien vendu :
ni mes organes, ni mon âme, ni mon cul.