Laurent Contamin | Effacer
C’est la neige qui m’a accueilli, ce premier jour de résidence.
Elle avait commencé de tomber la veille, comme une cendre claire, et puis ça recommençait, de gros flocons cette fois, depuis Melun, sur la forêt - et le chemin, de la gare de Montigny jusqu’à L’Empreinte, devenait cotonneux, les trottoirs et la route fraternisaient sous un même suaire épais, je marchais dans la farine d’une minoterie à ciel ouvert - sous le grand blanc disparaissaient les pavés, les brins d’herbe, les bouches d’égout en fonte, peu à peu ce qui s’offrait à moi, c’était une page blanche, lisse, vierge : cette résidence d’écriture commençait par un grand coup d’effaceur d’encre, curieusement, un effacement progressif et impérieux des traces, une inflation du silence.
Tout était blanc quand j’arrivai à la librairie, le monde était devenu muet, j’avais en tête cette phrase de Jaccottet : "L’effacement soit ma façon de resplendir" [1] - un mantra, peut-être, pour les mois à venir.