S’ouvrir à d’autres problématiques
David Rey de la librairie Atout Livre (Paris 12).
Résidences de Marianne Rubinstein (2016) et Sabyl Ghoussoub (2020-2021).
Pourquoi, en tant que librairie, avoir décidé d’accueillir une résidence d’auteur ?
Nous avions réalisé une première résidence d’auteur, entre 2015 et 2016, avec Marianne Rubinstein. Il nous a semblé naturel de réitérer cette expérience, enrichissante à notre sens pour le quartier, l’auteur, et le public de la librairie.
Qu’est-ce qui vous a incité à choisir cet auteur en particulier ?
Sabyl Ghoussoub est venu naturellement nous solliciter, nous l’avions rencontré via son éditeur, les Editions de l’Antilope, à l’occasion de la sortie de ses deux premiers livres.
Son projet portant sur la question « d’être un être en diaspora » nous a semblé pertinent quant à une animation dans les lycées du quartier et quant à la réception d’auteurs étrangers de langue française, ou résidant en France.
Comment se passe l’accueil d’un auteur en résidence dans une librairie ? Comment cette collaboration se construit-elle, et comment évolue-t-elle au jour le jour ?
L’accueil de l’auteur fut un peu particulier, en ce sens que sa résidence a débuté juste avant la fermeture des librairies en raison de la crise sanitaire.
Il n’a donc pu que présenter une auteur « in vivo », les restrictions empêchant par la suite l’accueil du public à la librairie et l’accueil d’intervenants dans le milieu scolaire.
Voyez-vous des différences notables entre les différents auteurs accueillis ?
Le projet de Marianne Rubinstein était hybride, portait sur un travail à la lisière de la littérature et des sciences humaines, souhaitant sortir l’aspect scientifique de son carcan universitaire. En cela, la résidence de Sabyl Goussoub, qui a débouché sur un travail entièrement littéraire, différait très fortement.
Que vous apporte, à tout niveau, la présence de l’auteur ?
En ce cas précis, la présence de l’auteur s’est manifestée essentiellement de façon numérique, nous amenant techniquement à envisager autrement notre métier. C’est ainsi que nous avons notamment appris (modestement) à réaliser des podcasts et à repenser notre travail via des biais dématérialisés.
Au-delà de ces aspects purement techniques, la librairie peut jouir grâce à cette présence d’une belle notoriété, ne se limitant plus à l’invitation de grands noms des lettres.
Y a-t-il des différences entre les rencontres et lectures publiques habituelles, et celles organisées dans le cadre d’une résidence ?
La différence vient évidemment du dialogue instauré entre les auteurs, qui nous écarte, de fait, en tant que libraires, d’une lecture trop académique. On abandonne dans ces lectures l’analyse de texte qui parfois peut paraitre un tantinet scolaire à nos clients, et l’on s’ouvre à des problématiques qui n’ont pas vraiment lieu d’être habituellement, quant à la genèse des textes par exemple.
Cette proximité prolongée avec un auteur change-t-elle votre regard sur son travail ? et sur le processus de création littéraire en général ?
Une fois encore, cette proximité tendait en vérité vers l’abstrait, les contacts avec l’auteur ayant été quasi exclusivement virtuels. Ce que cette résidence a révélé sur son travail, ce sont surtout les moyens d’adaptation qu’il a pu mettre en œuvre pour mener à bien son projet, qui finalement, et par cette contrainte sanitaire, a différé grandement du projet initial. Ce fut un peu la démonstration de l’intelligence de la création littéraire par la contrainte.
Et qu’apporte, selon vous, ce genre de résidence à l’auteur ?
Déjà, un confort matériel, la résidence étant dotée, et je pense que c’est un aspect très important de ces résidences. Par ailleurs, tout comme l’auteur nous oblige en quelque sorte à sortir de nos coutumes d’animation, sa collaboration en librairie le contraint à envisager son travail de l’autre côté de la lorgnette, au plus près de son lectorat et de l’autre extrémité de la chaîne du livre.