Sismo·paragraphe [23 10]
On ne sait jamais quand commence une saison, c’est la surprise. Je suis trop confiante. Je m’occupe des urgences. Faire les choses dans l’ordre ou le désordre, c’est parfois choisir entre la vie et la mort. Il faut laisser du temps aux processus chimiques. Tout est chimie. L’art des petites choses. L’eau, le hasard, c’est déjà en train de m’échapper. Tout ce que je sais, c’est que l’eau et le plâtre, quand ils sont en contact, se transforment en pierre. Tout à l’heure, on va dépouiller cet objet, je n’aurai aucun contrôle sur aucune forme, c’est l’eau qui va agir pour moi. Je suis toujours à la recherche de procédures qui minimisent mon intervention. Ça n’a l’air de rien. De l’orange. Un couteau. Ici, dans une ville fermée, je cherche la couleur. Quand j’étais petite, mon impression de la ville était très étrange. Il me semblait qu’elle était vide et j’avais toujours envie de la colorier. J’ai toujours aimé la couleur et les histoires sans intrigue, mais construites autour de la couleur. Quand j’étais petite, je peignais sur les murs. Et puis, lorsque je suis devenue adulte, je me suis souvenu de cet état. L’ordre était très ennuyeux, c’était un ordre qu’on aurait aimé ne pas écouter. J’ai pensé que j’allais continuer le travail de mon père. Au départ, tout ce qui n’était pas conforme était muselé. Il fallait être gris et réaliste. J’ai eu envie de casser les vitres, j’ai capturé ce sentiment, ce moment. Parfois, tout simplement, je ne veux pas de sujet. Si le plafond faisait cinq mètres de haut, ce serait mieux. J’ai des totems. Ils font partie du paysage. À un certain point, je me suis rendu compte qu’il y a une énorme différence entre le Nord et le Sud. Je ne veux pas être un artiste du Nord. C’est comme un signe, un signal. Je ne peux rien faire sans me déplacer. J’écoute beaucoup les gens. Je prends des photos, je prends des notes. Il a fallu que j’apprenne tout, mais vraiment tout, vous ne pouvez pas imaginer. Qu’est-ce qui attirerait mon attention ? Que quelque chose déclenche ma curiosité. Tu le ressens, c’est tout. Est-ce que c’est une bonne question ? La réponse est un peu délicate. C’est l’arbre qui donne la vie, moi je suis là pour pas grand-chose. Ce ne sont que des inventaires. Je n’aime pas la lumière. Mon espace de travail est là-bas, quelque part où personne ne peut venir. La nécessité est troublante. Pour moi ce n’est pas du travail. Je suis allée à Aurora. Une goutte de lait est devenue une couronne. J’ai fait semblant d’être un type bizarre. Je crois que la vie d’un artiste est sans doute deux ou trois fois plus intéressante que son travail. Les perspectives sont minces. L’élite a très vite compris le pouvoir de l’image. Le pharaon était toujours représenté plus grand que les autres. Décoder, c’est une chose que je voudrais apprendre. J’aime le mot désordre parce que c’est un mot réel. Les artistes ressentent ce mot. Et puis, bon sang, il y a la bombe atomique. Les histoires des trente prochaines années devront être les nôtres. Je suis terrible, je n’ai jamais fermé un bâtiment de toute ma vie. J’ai des centaines de bouches à nourrir. J’ai une longue expérience. Je parle aux morts. Tous les jours, il se passe des choses impossibles.
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mode d’emploi d’un sismo·paragraphe