Thomas D. Lamouroux | Variations sur une phrase de Rosmarie Waldrop

Corners, de Dan Flavin



Le sens entre dans le miroir.
Le miroir est traversé par le sens.
Le sens avance ses mains nues dans le miroir.
Le miroir est une forêt pour le sens.
Le sens est trouvé dans l’eau du miroir.
Le miroir coule entre les doigts du sens.
Le sens s’éparpille en milliers de flammèches dans le miroir.
Le sens brûle au loin dans le noir dans le miroir.
Le sens brille sur une barque dans la brume dans le miroir.
Le sens se consume dans le miroir et le miroir glace le sens.
Le sang reflue au visage du sens dans le miroir.
Le sens est une bougie dans un tableau de Georges de La Tour dans le miroir.
Le sens est comme un fantôme vivant dans le miroir.
Le sens hante le miroir.
Le miroir boit le sens.
Le miroir est embué par le sens.
Le miroir n’est pas un miroir pour le sens.
Le sens point dans le miroir.
Le sens s’abîme dans le miroir.
Le sens est coupé du sens dans le miroir.
Le sens est en 2 dans le miroir.
Le sens est un roseau courbe dans le miroir.
Le miroir fait miroiter le sens dans le miroir et le sens rebondit hors du miroir.
Le sens retombe en éclats au pied du miroir.
Le sens rentre dans le silence hors du miroir.
Le miroir est un puits pour les échos du sens.
Le sens glisse à la surface sur les bords sur les aspérités mates du miroir.
Le sens pose son regard sur le miroir et le miroir réfléchit le sens dans son image.
Le sens plonge dans son image dans le miroir.
Le sens dépose son corps au bord du miroir.
Le sens désire le miroir.
Le corps fait route hors du sens dans le volume sans poids du miroir.
Quelque chose du sexe affleure dans le sens dans le miroir.
Le sens s’aveugle dans les profondeurs du miroir.
Le sens est comme un mouvement de poisson dans le miroir.
Le miroir ignore qu’il est l’objet du sens.
Le sens ignore qu’il est l’illusion du miroir.
Y compris le non sens finit par prendre un sens dans le miroir.
Le sens fait passer plusieurs cadres d’horizons dans le miroir.
Le sens ne laisse pas de traces dans le miroir.
Le miroir est une nuit pour le sens.
Le sens est une ombre dans l’ombre du miroir.
Le miroir crible le sens et le sens plie le miroir.
Le sens est une pluie dans le miroir.
La peau du miroir est plissée par les ondes du sens.
Il reste le souvenir du sens au bord du miroir.
L’absence de miroir coupe le sens.

« L’absence de sens brise le miroir. » [1]

26 novembre 2021
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[1En voie d’abstraction, p.15, Éditions de l’Attente, trad. Françoise de Laroque.