Comment passer le feu – du rhizome et des liens vivifiants
Si le livre n’a pas encore à céder sa place comme support à la littérature, l’outil internet nous emporte vers des liens nouveaux et disons-le, vivifiants, entre écriture, image et son. Certes l’infini espace de l’écran peut l’air de rien, engloutir rapidement l’internaute étourdi mais ce territoire nous offre la possibilité d’agencements aux lectures multiples. A l’image du rhizome, cher à Gilles Deleuze et Félix Guattari :
un rhizome ne commence et n’aboutit pas, il est toujours au milieu, entre les choses, inter-être, intermezzo.
Question centrale du numéro spécial des Cahiers de la librairie : Le livre à l’ère du numérique. Et de cette évidence : le numérique n’est pas seulement un nouvel espace de médiation mais il crée une irréversible mutation des différents rouages de la chaîne classique du livre. Signalant au passage (et le glissement par lien à l’écran est aussi une ouverture) le blog d’Olivier Ertscheid, affordance Lequel Olivier Ertscheid est également l’initiateur de cette page de présentation de ce qui se prépare à La Roche sur Yon à propos d’Henri Michaux
Michaux encore, cité par Ronald Klapka : « Quelqu’un roule, dort, coud, est-ce toi, Lorellou ? » - cet extrait de « La Ralentie », cet extrait pour lier (car coudre c’est encore lier) Michaux à Unica Zürn, elle aussi peintre et écrivain, qui elle-même se questionne de façon émouvante : « Est-ce une folle ? »
Agencements et glissement entre le texte de l’Allemand Ernst von Salomon paru en 1951 Le Questionnaire et celui de Cécile Wajsbrot sur ce que peuvent mémoire et conscience, lorsqu’il est question de bien et de mal.
Glissement et agencement de la mémoire, autour du travail d’Anne et Patrick Poirier, artistes et archéologues et l’une de leurs œuvres centrales Domus Aurea, au sous-titre évocateur : la fascination des ruines.
Et-ce folie ou voyage heureux que de convoquer à la même table virtuelle le penseur Sade, l’artiste Marcel Duchamp, l’écrivain Pascal Quignard et tenter de répondre à la question : pourquoi Juliette était-elle une femme ? soulevée dans le dernier ouvrage d’Annie Lebrun, On n’enchaîne pas les volcans.
Découvrir ou redécouvrir, qu’importe, le travail de Jean-Michel Palmier chez qui résonne la voix de Walter Benjamin. Et que cela donne sacrément envie de lire et relire, l’un et l’autre dans le partage des lectures et des strates de souvenirs.
Entre Jean-François Hamel, dont l’essai Revenances de l’Histoire
questionne le temps dans son épaisseur, via question à la narrativité, et le blog contretemps d’Arnaud Maisetti, expérience de langue avec et contre le flux dans le quotidien, il y a aussi du lien, souligné ici.
Glissements toujours vers celui qui « n’est ni poète, ni traducteur, ni philosophe, pas plus qu’il n’est enseignant, critique, éditeur, directeur de revue, de collection ou d’instituts. Il est cycliste » : Michel Deguy, dont le livre Donnant donnant
vient de paraître et à qui l’on donnera le dernier mot de cette lettre :
Communiquer, dites-vous ? Mais pas des informations. Non, mais le feu. Or j’ai beau avoir la tête et les joues en feu, le langage ne brûle pas, parlant de feu, de flamme, de fièvre. Comment passer le feu ; mettre en feu la bibliothèque ?