« Et je vous parlerai de cette mince virgule… »
« Je déballe ma bibliothèque. Voilà. Elle n’est donc pas encore dressée sur les étagères, le léger ennui du classement ne l’a pas encore enveloppée. Je ne peux non plus marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis », écrivait Walter Benjamin en 1931, nous apprenons qu’une autre bibliothèque, privée elle aussi, a été, il y a peu, « perquisitionnée » et nous nous en inquiétons, chacun devra-t-il bientôt dissimuler ce que contient la sienne : ce qu’il lit, ce qu’il écrit ?
en appelant plutôt à la métamorphose et aux turbulences, le Cavalier Pensant de Catherine Pomparat a inscrit deux nouveaux titres dans ses Bibliothèques artistes envisagées tour à tour « comme paradigme théorique, matériau plastique, protocole de recherche et processus de création » : La liberté de passage des matériaux d’Hubert Duprat et De la mécanique des fluides et de ses effets et conséquences dans l’œuvre de Paul-Armand Gette
cependant que les chaussures peintes « avec obstination » par Martine Drai la menaient vers des lieux de travail et d’amour, peut-être bientôt vers une bibliothèque, elle nous le racontera, ce texte est à suivre…
Et toujours pendant ce temps-là ils écrivent…
d’Enzo Cormann on lira d’abord Exit, talking blues, poème parlé qu’il s’est plu à « phraser » avec ses amis musiciens Jean-Marc Padovani et Olivier Sens, et on les écoutera ; on lira ensuite Phraser. 7 notes sur la joie de dire qui conduit le lecteur vers « cette pratique commune de la joie de l’altérité » où les mots sont « jetés dans l’espace de l’assemblée »
aussi dans le cahier de création de la revue, les Croquis-machines de Patricia Cottron-Daubigné, comment on vide une usine, un ouvrier après l’autre, chacun désigné à son tour, et trois textes de Catherine d. Chantilly qu’accompagnent toujours les images de Philippe De Jonckheere – ce qui relie ces images il nous le dira un jour
ils disent et ils lisent ce qu’ils ont écrit
au Festival de Poésie sonore qui commence le 8 mai à la Maison de la poésie, au cours duquel on entendra, au cours de ce beau et long programme, Alvaro Garcia de Zuniga dont nous parle Eric Pessan, et Fred Griot lors d’une scène ouverte avec Xavier Brossard, Arnaud Guy et Arthur Ribo le mardi 12 mai à 21 heures (entrée libre)
et nous les lisons…
François Bon a lu Le dernier des Romains de Michel Chaillou, « nouvelle digression romanesque où le fonds autobiographique ne devient fiction qu’en se faisant visite de bibliothèque, arpentage pédestre des livres », il cite :
« J’arrivais d’Algérie, de la guerre. J’enseignais les lettres dans un vieux lycée pacifique à Montauvert, modeste bourgade poitevine que peuple une pauvre rivière moitié torrent qui irriguait aussi mes pensées.
« Et je vous parlerai de cette mince virgule, dans le six-trois de la première phrase, et comment le mot guerre vient ronger non pas l’Algérie, probablement, mais le je initial. Et puis, dans cette phrase qui nous amène à Montauvert, qu’on découvrira sur la Gartempe, je vous signalerai comme en passant le long et doux adjectif pacifique, mais appliqué au lycée, et non la phrase qui brosse la ville comme d’une aquarelle suspendue, et sans ce déport il n’y aurait pas la liberté de résonance que prend, tout à la fin, ce mot pensées. »
Jacques Josse a lu Liquide de Philippe Annocque
Dominique Dussidour a lu Figures Balzac. Trente-six portraits de La Comédie humaine vus par trente-six artistes, occasion de rappeler le riche dossier de liens que tierslivre consacre à Balzac et de lire ses textes publiés dans la collection Domaine public aux éditions publie.net.
Revenons près de nos bibliothèques, non seulement perquisitionnées, mais aussi « piratées » :
dans le dossier Création sur Internet : droit, auteurs, pirates et lecteurs, Olivier Cazeneuve, dans La numérisation par Google et les auteurs français, en appelle à notre vigilance sur « la vaste opération de numérisation sans droit ni titre » entreprise par Google, un « piratage » organisé à échelle mondiale, des millions de livres copiés comme ça, hop, avec une finalité directement commerciale – amis écrivains, rendez-vous sur le site de la SGDL, il est encore temps de vous y opposer -, ce « piratage » à échelle industrielle intervenant au moment où le gouvernement s’apprête à faire voter les lois Hadopi qui ne touchera que les simples particuliers, vous et nous…
Phare sur l’île de Vassivière, architectes Aldo Rossi et Xavier Fabre.