Lésoualc’h, clandestin / de nulle part et simultanément
Autour de Théo Lésoualc’h (1930-2008).
Clandestin, Lésoualc’h l’aura été sa vie durant. Après avoir parcouru très jeune, multipliant les interventions spontanées, poursuivant « un théâtre du geste à réinventer », à une époque (début des années cinquante) où cela se faisait peu, l’Italie, la Suède et la Scandinavie (où il rencontre le mime Marceau qui le dirigera vers une école de mime à Paris), il sillonne le Maroc, la Tunisie, la Turquie, l’Iran en proposant là où il passe un spectacle auquel il associe toujours des acteurs locaux.
Plus tard, il partira en Inde puis au Japon où, passionné par le théâtre Nô et par les estampes érotiques, il séjournera plusieurs années. Il en rapportera deux livres qui restent encore des références : Érotique du Japon (l’édition Pauvert en 1968 fut retirée de la vente et censurée avant d’être rééditée par Henri Veyrier en1978) et Les Rizières du théâtre japonais ( Denoël, 1978).
De retour en France en 1965, il vivra un temps à Paris avant de se poser d’abord en Ardèche puis dans le Gard où il s’installera définitivement, ne quittant Le Mas-brûlé (situé sur la commune de Rousson) que pour de courtes escapades en Bretagne (sa famille est originaire de Douarnenez) et une ultime tournée japonaise.
Attiré par le théâtre Nô, bunraku puis kabuki, Lésoualc’h a longtemps préféré s’exprimer par le langage du corps plutôt que par l’écriture. Il ne commença vraiment à s’intéresser à celle-ci qu’aux environs de la quarantaine. Il publia dès lors, coup sur coup, des livres tels La Vie vite (Denoël, 1971), Phosphènes (Denoël, 1972), Marayat (Denoël, 1973) et Oui poisson-lune (Christian Bourgois, 1976) qui le mirent, un temps, sous les feux de projecteurs littéraires qu’il s’empressa de fuir au plus vite.
« Je me lève à cinq heures du matin sur des soleils qui n’existent plus à Paris, qui sont la réalité physique d’un temps à danser comme un alcool et quand je lis mes textes décortiqués dans leurs rubriques je me demande ce qu’ils veulent dire... Même s’ils veulent être sympa.... ils me traitent comme de la littérature. »
A partir des années 80, Théo Lésoualc’h, vivant à son rythme, gardant intacte « l’énergie de la marge », passe aisément du récit (L’homme clandestin, L’Instant, 1988) aux poèmes, ne publiant ceux-ci qu’avec parcimonie, dans de rares revues amies (Mai hors saison, Bunker, Révolution intérieure, Tout est suspect, RegArt...).
« La clandestinité, je ne crois pas qu’elle n’ait été pour moi qu’un simple choix. Mais plutôt une décision obligatoire, urgence de chaque seconde à travers les impératifs de mes instants vécus. De mon îlot de terre sèche, la mer de mes enfances me possède et me réenfante. M’obsède, crachins, lames de fond. Aspiration à vivre par delà les frontières définies. Contre la rigidité frigide des institutions. »
Lésoualc’h, clandestin / de nulle part et simultanément, Mai hors saison (Le livre - 18 € - peut être commandé chez l’éditeur, 8 place de l’église – 53470 Sacé).