Septième et huitième ateliers

1. COMPTE-RENDU

2. LECTURE DU BONHOMME PONS


1. COMPTE-RENDU

Alors que le dernier compte-rendu publié, voici deux semaines, racontait un instant de flottement dans la lecture collective du Cousin Pons (nous en étions à la toute fin de l’exposition), voici deux ateliers que nous retrouvons émerveillés la liberté toujours fulgurante de Balzac, en s’attardant cette fois sur sa capacité à anticiper la moindre réaction, le moindre questionnement de son lecteur, afin d’en jouer.
Mais avant toute chose, on revient sur la précieuse contribution de Pierre Rosenberg au projet. Son intervention à la Maison de Balzac, le samedi 24 mars dernier (voir ici), aura été précieuse. Elle relance d’ailleurs la discussion sur la collection de notre Bonhomme Pons - il se précise qu’elle devrait se constituer à partir de l’art de l’entre-deux-guerres (période pour laquelle « le tri » n’a pas encore été vraiment fait, à l’exception de quelques grandes figures comme celle de Picasso, ainsi que l’a rappelé notre invité). Lui-même collectionneur, Pierre Rosenberg ne s’est pas contenté d’apporter anecdotes et portraits de collectionneurs contemporains ; il a également commenté plusieurs passages lus par les deux comédiens, Eric Jakobiak lui-même et son élève Anne Knops. Par exemple, cela lui a permis de rappeler que Chardin, en 1846, n’avait pas encore été réévalué par les historiens d’art et qu’il continuait de passer pour un petit maître, ce qui explique pourquoi, dans le Cousin Pons, c’est un tableau de Chardin que les escrocs substituent à l’œuvre de Sébastien del Piombo qu’ils emportent, beaucoup plus précieux à leurs yeux - vu d’aujourd’hui, cela pouvait en effet paraître saugrenu... Par ailleurs, cette rencontre a permis qu’un contact soit établi avec un collectionneur privé qui a l’âge de notre personnage. Ce collectionneur a constitué au long des quatre dernières décennies une collection de dessins de l’époque classique, dont plusieurs sont actuellement exposés dans un grand musée de province et tenus pour des chefs-d’œuvre. Il a toujours, lui aussi, évité les ventes publiques ou les circuits codifiés, préférant la chasse chez les antiquaires. Il a accepté de se raconter ; voilà qui devrait nourrir le processus.
Après cette entrée en matière, nous reprenons la lecture à voix haute. Elle se poursuit avec le somptueux passage où Pons se fait brutalement renvoyer par la famille Camusot. Il est accusé d’avoir ourdi une vengeance détestable en leurrant sa cousine Cécile sur la possibilité d’un beau mariage avec Fritz Brunner. C’est une fois de plus du grand théâtre, où les personnages principaux en viennent d’une page à l’autre à affirmer une chose et son contraire sans que jamais le texte cède sur une logique implacable, plus forte qu’eux.
Les remarques fusent, après la lecture. On note la manière dont une loi sociale mise en œuvre peut être définie explicitement dans le même moment, et comment cela renforce encore l’effet de vérité de la scène ; à titre d’exemple, le retournement complet du comportement de la présidente Camusot vis-à-vis de Pons est commenté ainsi : « Tout le monde trouvera la conduite de la présidente horrible ; mais en pareille circonstance, chaque mère imitera madame Camusot, elle aimera mieux sacrifier l’honneur d’un étranger que celui de sa fille. Les moyens changeront, le but sera le même ».
Enfin, on note l’omniprésence du mot artiste, qui revient quatre fois en une dizaine de pages pour qualifier tantôt le cousin Pons tantôt ses façons lorsqu’elles sont dénoncées par la famille. Le passage est suffisamment important dans l’ensemble du roman pour que cela conforte l’hypothèse émise plusieurs fois : le sujet profond du Cousin Pons est bien l’art maltraité par la société de 1846, l’artiste assassiné par les parvenus obéissant à leur insu à des lois implacables, et qui les dépassent.


2. LECTURE DU BONHOMME PONS

Lecture est donnée en fin d’atelier d’une nouvelle version du début de notre Bonhomme Pons, celle qui est publiée en ligne cette semaine (voir ici). On en discute avec bonheur, ainsi que des différences, parfois importantes, parfois mineures, avec les précédentes versions, dans la recherche d’un équilibre difficile entre une forme de fidélité à l’original et une liberté à construire, nécessaire pour que l’écriture elle-même soit contemporaine. Tenter de faire, en somme, du Cousin Pons non plus à proprement parler un modèle, mais la source où puiser l’énergie et l’inspiration d’une création véritablement nouvelle. La discussion est nourrie, sur l’emploi du « je », sur la décision prise de renverser le début pour s’écarter de l’original et marquer tout à la fois l’écart et la fidélité à l’esprit du roman : ce pourquoi le scooter de notre bonhomme prend autant d’importance que le fameux spencer que porte le cousin Pons chez Balzac ; là où ce dernier en tirait une longue leçon sur le vêtement, on en tire une autre qui n’a rien à voir, mais le principe et son intrication avec l’intrigue restent les mêmes.
A suivre...



Prochains ateliers après les vacances parisiennes, le lundi 30 avril ; l’inscription se fait auprès du service réservation de la Maison de Balzac : 01.55.74.41.80.

12 avril 2012
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