Poésie et faits divers (2) : Laure Gauthier reçoit François Bordes
Le 15 décembre 2019, j’ai reçu à l’Achronique l’historien et le poète François Bordes pour évoquer le lien entre poésie et faits divers et ce que peut ou non la poésie face à ce que j’appelle la « fait-diversification de la langue ».
Cela a été l’occasion de parler avec lui du lien si discuté entre la poésie et ce qu’on appelle communément le réel, de la valeur du document d’archives dans le travail du poète, et de celle de la méthode de l’historien dans un travail poétique.
François Bordes a lu des extraits de son livre "La dénoyée", paru aux Editions de Corlevour en 2019, un texte construit à partir d’un dossier d’archives évoquant une femme qui a été internée en asile psychiatrique et qui aurait pu finir dans une rubrique de faits divers. Cette lecture nous a amenés à nous demander en quoi un travail poétique à partir d’archives permet d’envisager autrement le fait divers.
Cette discussion nous a permis également d’évoquer l’importance de la question du regard qui est à l’œuvre dans le fait divers et celle de l’image que l’on « se fait du fait » à la lecture de la presse imprimée ou online, ou encore dans les médias audio-visuels. Cette question concerne la position du "spectateur-lecteur", sa passivité ou non : enchaîner la lecture de plusieurs faits divers suppose une accoutumance voire une forme de complaisance. François Bordes ne plaide pas pour l’idée qu’il y ait aujourd’hui un « trop de réalité » (pour reprendre le titre de l’essai d’Annie Le Brun), mais au contraire un défaut de réel que la poésie, en se ressaisissant du fait divers, peut réparer et réarticuler. Ecrire à partir d’un fait divers en poésie apporte donc un surcroît de réel, rapproche les rives, crée une nouvelle vigilance.