Ella Ravage | Descendre du ciel les étoiles

À peine, à peine. Avec ce que je ne sais pas d’eux, des plis dans les bâillons qui respirent, à peine, je marche. Ils avaient des rêves. Dans la nuit des sables. Des noms que d’autres leur donnaient. Noms de méprisés, petits surnoms. C’est par ces noms que nous nous sommes rencontrés. J’avais huit ans, une lettre envoyée au président d’amérique, pas plus d’adresse que cela, mais qu’il se mettre en quatre pour défendre leurs droits. Depuis, je marche. Je n’ai pas reçu de réponse. Alors je marche. Avec ceux qui n’ont qu’à peine un nom, un visage imaginé. Quand le sang tape le corps à bout. Ils en ont vu ces corps. Nous aimons leurs rides que nous ne voudrions pas. Ils sont nos images, nous fûmes enfants. Avec des désirs somme toute de guerre. Ils pouvaient tomber par milliers, le décor se prêtait à nos désirs. Qu’importe le sang ou même flamboyant, quel décor. Merles morts dans la prairie. Chiens dans la prairie. Je ne suis plus sûre que nous nous soyons rencontrés. Ou comment. J’écris d’une zone de confort comme on dit. De bander l’arc il est temps. De chanter je marche, je laisse des traces, guerre froide, sous toutes les lunes.

De chanter étrangère, je marche. Les danses folles ont com- mencé. Même les insectes désertent leurs terres aujourd’hui. Les cerfs mulets grandes oreilles, on ne les nomme plus. On n’a de nom que pour ce qui ne veut rien dire, ou obstrue. De bander l’arc il est temps. Je parle une langue étrangère aujourd’hui tailladée, déformée. Les fantômes s’éloignent silencieusement. D’ici partie il y a longtemps, si longtemps. Descendre du ciel les étoiles. Perdre la direction. Suivre le vent. À cru sur un cheval appaloosa, sous le soleil, vertical. Fumer la pipe. Perdre la tête et l’héritage. Effacer les traces. Il restera toujours le souffle. Et de ceux dont j’entends la voix, ou peut-être un instant de la voix. Nous avons des mots différents. Dans vos mots, souvent il n’y a pas le vent. Dans vos mots, il y a des rouages. Dans vos mots, il y a des aiguilles aimantées. Des alarmes, armes. Des crimes. Alors, avec les loups, je marche.

14 avril 2015
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