Enlacements

« Créer de la vie commune si possible, bâtir une étreinte.  »

On voudrait reprendre ici les mots de Stéphane Bouquet pour dire la tâche du poète. Oui, il s’agit souvent en littérature d’essayer, dans un geste toujours inachevé, d’embrasser le monde, les autres, ou d’être soi-même étreint.

L’étreinte peut-être douloureuse, enlacement dernier d’une mère qui meurt, avec Fini mère de Gérard Haller dont Sereine Berlottier nous rapporte le souffle.

C’était un père qui mourait, rue de la Grange-au-Loup, dans la chanson « Nantes  », et qu’évoquent les photos de Dominique Hasselmann prises lors de sa dernière escapade.

L’étreinte peut aussi ouvrir le cœur, le dilater, selon ce mouvement décrit dans le dernier essai de Jean-Louis Chrétien, La Joie spacieuse dont Ronald Klapka livre quelques éclats.

Et ce qu’il a lu dans 1937 Paris Guernica de Thierry Beinstingel, nous rappelle les dangereuses embrassades de l’Histoire, en cette année 1937. Roman qui vérifie l’assertion de Dominique Dussidour selon laquelle « le genre romanesque est l’ensemble des romans existants  ».

Autre manière de dire aussi l’une des conclusions que donne François Rastier dans ses passionnantes Ecritures démiurgiques, dernier volet : « Suivons donc un principe d’immanence radicale : l’art consiste en ses formes et dans les systèmes de signes, il est fait de ses oeuvres.  » Et en ce qui concerne plus spécifiquement l’art virtuel, « dans la mesure où il abandonne les préjugés ontologiques, [il peut] déployer une inlassable et réjouissante activité "ontogonique" de création de mondes.  »

Embrassons-nous donc sur Internet ! Et bâtissons autant de mondes que d’étreintes.

5 mars 2007
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