Etre dans le regard. Entretien avec Luc Dardenne (2)
Entretien avec le cinéaste (seconde partie), à l’occasion de la parution de Au dos de nos images. Journal 1991-2005. Suivi de Le Fils et L’Enfant, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Paris, Le Seuil, coll. "La Librairie du XXIe siècle", 2005.
Une chose frappe en lisant ce Journal, c’est que, dans le fond, les ressorts qui sont à l’origine de vos films, la solitude et l’échec, sont ceux qu’on attribue assez souvent à l’écriture littéraire. Et cela frappe, parce qu’on aurait tendance à penser que le cinéma est au contraire un art qui n’est pas dans le retrait, mais dans le contact avec autrui, dans le lien direct avec le monde.
Effectivement, il y a un travail d’équipe. C’est sûr, le cadreur, le directeur photo, l’ingénieur du son, il y a un travail d’équipe qui est là, bien sûr c’est nous qui proposons au départ, bien sûr c’est nous qui dirons oui ou non, mais ça se trouve à plusieurs, le plan, et c’est quand même ça le cinéma, c’est tourner des plans, mettre en scène des plans, et ça se trouve à plusieurs. L’écriture du scénario, chez nous, c’est à deux. N’empêche qu’à deux, et même à plusieurs sur le plateau, la solitude est là, avec les symptômes que cela peut créer, des boutons, des démangeaisons, des problèmes de digestion... La solitude est là. Et ce n’est pas parce qu’on sent que les autres sont autour de nous et essayent de participer au même rêve que nous. Et même avec mon frère, on est solitaire, on n’est pas sûrs. On regarde le samedi les rushes de la semaine, et si l’un de nous a le malheur de dire je crois qu’il y a mieux, on peut faire mieux, on refait.
Lorsqu’on lit votre Journal, on a le sentiment que l’idée est importante. Mais aussi le détail, ce sur quoi va s’élaborer un film. Comment fonctionne ce va-et-vient entre l’idée, l’oubli de l’idée, et puis la réalisation concrète ? Quels sont les rapports entre l’idée, les idées et vos films ?
Pour faire un film, ce n’est pas une idée qu’il faut. C’est trouver un personnage, une situation, des accessoires. Quand on trouve pour Igor dans La Promesse le Tipp-ex, la mobylette, le go-kart, la cache à argent, les madriers à porter dans Le Fils, Rosetta et ses vers de terre, sa pêche, la caravane, la bouteille de Martini, c’est là qu’on commence à sentir qu’on entre dans le film. Les idées, par exemple Lévinas, Lévinas surtout, c’est pour me mettre dans une disposition d’esprit, pour sentir le personnage. J’ai lu Vie et destin de Grossman, pour Rosetta cela nous a orientés beaucoup, ou Le Rachat de Gorenstein, pour voir Rosetta, dans ce livre, il y a une fille, Siska je crois qu’elle s’appelle, ça aide pour définir un climat, une rugosité, un froid, parce que cela se passe en hiver, Vie et destin aussi, c’est la bataille de Stalingrad, et donc, ça aide à être dans un univers, à faire une clôture, dans laquelle on va imaginer un personnage, un univers fermé. Mais attention aux idées, il ne s’agit pas d’incarner une idée, un film, ce n’est pas ça, il faut partir de la matière.
Il y a une rupture alors...
Oui, mais c’est une disposition. Si je dois penser à un personnage qui est une jeune fille en hiver, qui a une vie très rude, difficile, j’essaye de lire des choses qui se passent dans des climats pareils, je relis Dostoievski souvent, c’est un écrivain important pour nous, on l’a lu en même temps et on le relit souvent en même temps.
Par exemple, une idée de Lévinas, une idée concrète quand il dit : La vie spirituelle, c’est la vie matérielle, ce sont les besoins, c’est là que les êtres humains ont des rapports entre eux, qu’est-ce que je fais de la tartine qui est sur la table, si je crève de faim, et s’il y a quelqu’un à côté qui a aussi faim ? Qu’est-ce que je ferai de la bouteille d’eau qui est là sur la table si je dois tenir une semaine, je vais essayer de voir comment je vais économiser, donc je vais essayer de ne pas transpirer, enlever mes vêtements pour conserver l’eau dans mon corps. Et si on est deux ? Comment est-ce qu’on gère cette bouteille ? A un moment donné, on se dit : Est-ce que c’est mieux qu’il y en ait un qui disparaisse et un qui reste vivant ? Là, ce sont les questions morales qui arrivent, quand on est seul ou pas. Et ça, c’est une idée de Lévinas de dire que la vie spirituelle, la vie morale, est la vie économique, elle se pose là, l’idée. Mais ce n’est pas une idée qui nous guide pour travailler. C’est après, que cela vient.
Quand j’ai parlé du regard, c’est après le tournage de La Promesse, que j’ai écrit ma note, c’est après que je me suis dit : Tiens, finalement, ce Lévinas, qui m’a tellement impressionné et dont j’ai tellement parlé à mon frère, voilà, la seule fois où Igor, le fils de Roger, regarde Assita et soutient son regard et n’a pas peur, c’est à la fin du film, parce qu’il a dit la vérité, sinon, il n’était pas capable de soutenir son regard, et là je repense à Lévinas. [extrait p. 56 : « 19/01/1996. Emmanuel Lévinas est mort durant notre tournage. Le film doit beaucoup à la lecture de ses livres. Son interprétation du face-à-face, du visage comme premier discours. Sans ces lectures, aurions-nous imaginé les scènes de Roger et Igor dans le garage [L’une des plus belles scènes de cinéma que j’aie vues : le père, que le fils a réussi, pour s’en protéger, à accrocher à une lourde chaîne et qui essaye d’attraper son fils, mais est réduit à parcourir l’espace que lui permet la longueur de cette chaîne, l’angoisse qu’il y arrive, la certitude aussi qu’il ne pourra pas, à cause de ce pied entravé par la chaîne. La force de cette image : le père qui est une menace, une sorte de chien dangereux, essayant en vain, dans la supplication et la tendresse, d’atteindre son fils qui lui tourne le dos ] d’Assita, et Igor dans le bureau du garage, dans l’escalier de la gare ? Tout le film peut-être vu comme une tentative d’arriver enfin au face-à-face. »
Sur la composition du livre. Est-ce que vous avez opéré des choix dans les notes ?
J’ai retiré environ 10 %, sur le tout, j’ai enlevé vingt pages je crois. Pourquoi ? Il y a le fait que parfois, cela se répète vraiment trop. J’ai condensé, j’ai réuni des notes ensemble. Puis il y a surtout que j’attaquais des gens, parfois bêtement, parfois méchamment, pour m’aider, pour nous aider, en disant : Machin nous a dit ça, il a lu le scénario, il pense que, il se trompe parce que. C’est inutile, c’est simplement un mouvement d’humeur. J’ai enlevé. Et puis des notes sur l’actualité, mais trop sur l’actualité, cela je n’ai pas mis. Cela ne m’a pas aidé, ni mon frère pour travailler un scénario ou un film. J’ai un autre cahier de notes, c’est beaucoup plus intime, personnel, et ça, je ne les publierai jamais, ça m’aide moi, parfois pour travailler.
On caractérise parfois un peu vite votre cinéma de « cinéma social », parce que sans doute les gens que vous mettez en scène viennent de milieux pour lesquels on parle de « social ». J’ai pourtant toujours eu le sentiment, et la lecture de votre Journal l’a confirmé, que la question « sociale » dépend, est subordonnée à des questions plus générales, qu’on pourrait résumer à celle que vous énoncez ainsi : que signifie l’être humain aujourd’hui ? Pourrait-on imaginer alors que vous filmiez un autre milieu, la grande bourgeoisie, par exemple, mais avec les mêmes questionnements à l’esprit ?
Nous, on aime filmer les gens que nous filmons, on aime ces personnages pour leur liberté et leur capacité à refuser leur destin. C’est sûr qu’on peut très bien filmer des gens qui vivent dans l’aisance matérielle, poser des questions, sans être psychologique, ailleurs. Il y a ce projet avec le père qui a tué quelqu’un et que le fils croit avoir vu, ça peut se passer dans tous les milieux.
Mais alors qu’est-ce qui fait que...
Ça ne m’intéresse pas trop de filmer ces gens-là. Cela doit être lié à l’enfance, mes voisins, les gens que j’ai connus. Dans ma famille, mon père était dessinateur industriel, il dessinait des concasseurs, tous nos voisins étaient ouvriers, notre père était employé, on avait une vie proche d’eux. Et on a regardé les grèves, les mouvements, on les a regardés par la fenêtre si je puis dire. On n’était pas dedans. Et cela nous a peut-être d’autant plus intéressés, fascinés, Nos parents, si vous voulez, leur rêve, comme pour les gens de la classe ouvrière, c’était qu’on fasse des études et qu’on réussisse, parce que, pour eux, la guerre avait tout interrompu. C’était ça leur rêve, qu’on réussisse, et quand mon frère a dit qu’il voulait être acteur, ils n’ont pas compris, ils disaient tu vas rater ta vie, matériellement, quoi... Et je pense que notre intérêt pour les gens de la classe ouvrière est venu du fait que c’était nous et pas nous. On prenait le train avec les ouvriers, on était avec tous ces gens, on jouait aux cartes avec eux, on parlait wallon, on parlait le dialecte, on ne parlait pas français tout le temps, à l’école oui, mais chez mes parents on parlait moitié français, moitié wallon. [Et si on chantait Li bia bouquet ? Comment dire ce qui se passe dans : C’est d’main li djou di mariatch, aprestez, aprestez tos vos bouquets, vos les mettroz au couartsage, des bauchelles de nos’ banquet...] En même temps, j’aime filmer ces gens. Mais vous avez raison, oui, on pourrait imaginer... dans une ambassade... mais bon, il y a des choses qui m’énervent aussi chez ces gens... leurs comportements, leurs préjugés et donc...
Mais peut-être que ces classes sociales-là que vous aimez sont plus porteuses des questions que vous voulez poser...
Je crois qu’en étant en dehors, en étant exclu de la société, à l’endroit où les choses continuent de bouger, d’évoluer, en étant en dehors, on peut peut-être mieux parler de ce qui se passe au milieu, c’est possible... Mais en même temps, j’aime bien ces gens parce qu’ils ont aussi beaucoup de liberté. Moi j’aime bien quand dans L’Enfant, Bruno dit : Le travail c’est pour les enculés. J’aime bien qu’il le dise, il se sent libre. Rosetta, elle, veut travailler, et elle a aussi raison. Mais ce sont des gens libres. Il y a peut-être cela qui nous fascine chez eux. Ils sont jeunes, libres...
Dans votre Journal, vous écrivez p. 118 : « Je lis Chalamov. Sa critique des procédés de la fiction a un rapport avec ce que nous essayons de faire. » Pourriez-vous expliquer un peu plus cela ?
Oui, Chalamov a dit que, ayant vécu ce qu’il a vécu, la fiction c’était une offense. Il voulait que ses écrits soient ceux d’un témoin, faire une photographie, de ne pas faire du romanesque, décrire et témoigner. Je trouve extraordinaire ce qu’il a écrit, j’aimerais avoir la même intensité dans nos films. Le danger, c’est de commencer à raconter, à créer du romanesque, des fausses intrigues, des faux secrets, des trucs qui marchent comme disent les scénaristes. D’où d’abord être dans le regard avant d’être dans l’intrigue. Et témoigner. C’est difficile d’arriver à trouver une situation où le personnage fait quelque chose qui témoigne plus de sa vie, de ses rêves, de ses inhibitions que de raconter un truc qui se passe avec des dialogues, des autres personnages. Non, essayer de voir, de regarder comment vivent les gens, comment on vit aujourd’hui dans les situations de nos personnages.
Vous avez d’abord fait des documentaires, puis vous êtes quand même passés à la fiction. Pourquoi alors raconter encore des histoires ?
Non. Moi, la question que Godard a posée, moi je ne comprends pas ce truc. Pourquoi une histoire ? On ne peut pas en sortir des histoires. Sauf à se raconter des histoires justement... L’histoire, on est dedans, et si on ne peut pas dire d’où on vient, où on va... On a nécessairement des histoires, à dire, à échanger. Mais il y a une manière, comment ne pas falsifier, comment témoigner, ne pas enjoliver, comment ne pas truquer, tricher, trafiquer, manipuler. C’est un peu tout ça. Comment être au plus près de ce qui se passe. C’est ce qu’on se dit tout le temps : mais là, on est en train de raconter, ça va pas. Le personnage n’a pas besoin de ça, le film n’a pas besoin de ça. C’est comme si dans Rosetta, avec Riquet, on commence à raconter la naissance d’une histoire, d’une idylle, ça n’a pas d’intérêt dans ce film. Ce n’était pas ça le rapport avec Riquet. Elle voyait un garçon et, son problème, c’était de prendre sa place, pas de l’aimer, elle aurait pu, mais ce n’était pas ça. Surtout quand on commence à raconter pour accrocher le spectateur, c’est une erreur, ou pour expliquer, comme dans les téléfilms, on explicite, on parle du personnage, de son histoire, de son passé, que son père n’était pas là, que sa mère était trop là, et le spectateur qui est devant le film, il va penser qu’il a l’explication au comportement du personnage, il va s’en satisfaire, et il va juger. Nous, on essaye que nos personnages apparaissent comme si vous ne pouviez pas les connaître. On ne peut jamais connaître quelqu’un de toute façon. C’est impossible, heureusement. Moins vous dites sur son passé, plus il vous intéresse, plus vous pouvez essayer d’imaginer des choses, plus il va vous surprendre. C’est pour cela qu’on n’a pas mis de père dans Rosetta, parce que sinon les gens allaient tout de suite dire, ah oui, c’est ça. Alors que ce n’est pas ça, il faut une opacité, un mystère. Mais attention, si on ne raconte pas un moment de la vie de Rosetta, ce n’est pas pour le plaisir de perdre le spectateur et qu’il ne sache pas qui est cette fille, c’est parce qu’il a à faire un travail vers elle.
Et puis surtout, un problème qu’on s’est posé souvent pour Le Fils, c’était aussi ça : il ne faut pas que le spectateur puisse s’apitoyer, car évidemment, on est toujours avec la victime comme disait Hitchcock, on s’identifie à elle, à Rosetta, à Francis, mais, justement, il faut que le spectateur qui s’est penché sur elle, à un moment donné, hop là, voilà que le personnage lui échappe, ah il est capable de faire ça, le salaud... Il faut emmener le spectateur entre ces deux images, qui correspondent à un jugement, il faut que le film l’emmène au-delà de ce jugement, qu’il sorte de ça et qu’il essaye de comprendre un être humain en situation. Sans juger.
C’est donc là, cette fonction critique.
Oui, pas simplement comprendre que la société aujourd’hui condamne les êtres humains à vivre comme Rosetta, essayer de comprendre comment un être humain en arrive à faire ça et ce que ça veut dire et qu’on puisse en parler après, sans que le film soit une leçon de choses qui dit : c’est cela la vérité, ce qu’il faut penser.
Ce qui est intéressant également à la lecture de votre livre, c’est d’assister à la naissance des films, de la petite idée, qui se développe, vers le projet, comme des rivières souterraines qui avancent, deux bras se rejoignant à un moment, puis se séparant à nouveau, le temps long aussi que cela prend... Avez-vous pour le moment un projet qui a des chances d’aboutir ?
Là, non. Je crois qu’on aimerait filmer plusieurs personnes. Mettre plusieurs personnes dans le cadre. Avoir un groupe, on en parle, mais on ne trouve pas. On a écrit dix pages avec l’histoire de cette femme qui croit que tout est possible, mais on ne va pas le faire, c’est la même chose, on est trop en elle, avec notre caméra, on est de nouveau dans une obsession. Il faudrait qu’on trouve quelque chose qui se passe entre les gens... mais plusieurs, pas l’un face à un autre, ou alors trois avec trois, ou quatre. La vie d’une maison, je ne sais pas quoi, je ne sais pas dans quel milieu, une famille peut-être, ou un restaurant. [Là, on rit, c’est peut-être l’heure du déjeuner qui approche...] J’aimerais bien qu’on filme là où on fait à manger. Et mon frère aussi, on en parle souvent. Parce qu’au départ, là où Olivier dans Le Fils fait de la menuiserie, c’était un atelier d’apprentis cuisiniers, sauf qu’on s’est rendus compte, on n’y avait pas pensé au début, qu’il y avait partout des couteaux... [Pour ceux qui n’ont pas vu le film, il met en scène un homme, Olivier Gourmet, formateur en menuiserie, qui retrouve comme apprenti un jeune homme qui a tué son fils dix auparavant.] Déjà la menuiserie, les scies, c’est limite, mais les couteaux... il y en a tout le temps des couteaux, des fourchettes avec des pointes, vous imaginez, tout est dangereux dans une cuisine, les machines à couper le jambon...
[On pourrait arrêter là en disant (facile) : Coupez... mais on repart pour finir vers la lecture...]
Qu’est-ce que vous lisez pour le moment ?
Je n’avais jamais lu L’Ile d’Arturo d’Elsa Morante, ça c’est ce que je lis en ce moment, je relis le Gorgias de Platon. Parfois, j’aime bien m’isoler dans un texte de philosophie, et je m’isole mieux avec la philosophie. Quand on a su qu’on allait à Cannes, la semaine avant, je me suis isolé dans des lectures de philosophie. J’aimerais bien lire le dernier roman de Modiano, et puis Daewoo de Bon, et pas parce que l’interview est pour le site remue.net...
Pour ceux qui connaissent vos films et ses livres, beaucoup de choses semblent vous rapprocher...
Et Coetzee, là j’ai trois romans de Coetzee, je commence dès que rentre. Et j’ai été fort impressionné par un écrivain israélien qui s’appelle Appelfeld, j’ai lu son livre, je ne sais plus le titre [Histoire d’une vie ?], c’est son histoire de rescapé. C’est formidable, une force d’écriture rare, et là je vais lire Tsili. C’est l’histoire d’un enfant caché pendant la guerre. Peut-être que je vais le lire en premier. Je n’en sais rien. J’aimerais lire aussi, parce que je ne les ai jamais lus vraiment, parcourus, mais pas vraiment lus, Les Pensées de Pascal. Normalement, fin juillet, j’ai lu tout ça. Je me mets des programmes, parce que sinon, je n’en sors pas. Je m’y tiens, et je ne lis rien d’autre. Là, je vais rentrer, et je me mets à lire.
Beau programme.
Fin juillet. Voilà.
Bon, d’accord, je vous rappelle fin juillet pour savoir si vous avez bien tout lu...
Post scriptum
Lors de la présentation du livre à la Maison de l’Amérique latine, la veille 13 juin, Luc Dardenne avait rendu hommage à Yves Bonnefoy (cf. Libre rêverie sur la courbure et Yves Bonnefoy, Les planches courbes ), qui était présent, en citant le poème « Les Planches courbes », extrait du recueil du même nom (Mercure de France, 2001) qui, pour lui, disait l’essence de leur film Le Fils. Il y est question d’un géant, passeur au bord d’une rive à qui un enfant perdu demande d’être son père :
[...] - Oh, s’il te plaît, sois mon père ! Sois ma maison !
– Il faut oublier cela, répond le géant, à voix basse. Il faut oublier ces mots. Il faut oublier les mots.
Il a repris dans sa main la petite jambe, qui est immense déjà, et de son bras libre il nage dans cet espace sans fin de courants qui s’entrechoquent, d’abîmes qui s’entrouvrent, d’étoiles.