Fictions beyrouthines et autres citadines (4)
IV
La salle d’embarquement est presque vide. Un homme marmonne une prière dans un livre usé. Yasmina s’assoit face au tarmac, elle ne comprend pas ce qui se passe, elle a traversé les portiques et les douanes sans penser, d’un pas volontaire et fermé. Il pleut et une bruine enveloppe l’horizon au-delà de l’aéroport. Seul, le cèdre de la compagnie Middle East s’impose derrière les vitres. Comme les autres depuis toujours, elle part.
On ne sait pas bien pourquoi on est si attaché à cette terre, grande comme un mouchoir de poche, bousculée, déchirée, ravinée. On ne sait pas pourquoi on l’aime d’amour avec ses tourments, ses angoisses la nuit, ses promesses qu’elle ne tient pas, ses massacres ineffaçables, son désordre et ses peurs de l’avenir. On l’aime pour ses yeux et toutes ses langues, on l’aime et elle murmure quand tu seras de retour.... On l’aime aussi pour la main trop ferme dans un geste comme un coup, ses cris acerbes sur les trottoirs, sa fureur qui roule trop vite, l’appel de la mer et l’empêchement. Yasmina sursaute, son téléphone affiche l’histoire ne finit jamais.
En pénétrant dans l’avion, elle entend le steward : Ahlan Wa Sahlan.
Comment lui dira-t-on bienvenue là-bas ?
Comment se tenir loin ?
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