Horizon du sol
Recueil de poèmes d’Étienne Faure.
« Il dort, en deuil,
rêvant les morts encore vivants,
par hypallage à son tour mort
à faire revivre les disparus
en leur temps étrangers par deux fois
naturalisés, plancher des vaches
qui mangèrent leurs racines. »
Ce perpétuel va-et-vient entre passé et présent n’a rien d’évanescent. La réalité y fait de fréquentes descentes. Gravant sur le motif le passage, très bref, des hommes. Soumis aux règles de l’art ou de la guerre. Se hissant ou s’abaissant, restant de toute façon infimes face à ce ciel qui les aspire et à cette terre qui les porte, en attendant mieux.
« La table, un tabouret, l’étagère où poser les thés
tout ce qui sert à vivre, eux aussi,
il faudra s’y pencher de temps en temps,
les soutenir encore, recoller, repeindre,
aider le meuble à nous survivre à mesure
que les saisons menuisent
jusqu’au néant, copeau de ce qui dure
un temps. »
C’est en s’appuyant sur cet éphémère, ce rien, cette fragilité d’être que Étienne Faure enclenche son poème, toujours bâti d’un seul tenant, assez court, décentré, partant assez librement là où les sonorités et les frottements de sens entre les mots les appellent. Ce n’est qu’en fin de texte qu’il tire brusquement sur la laisse, évitant la chute et ne sacrifiant jamais au pur automatisme.
« Les morts sous les pieds se taisent
à demeure, sans le texte ;
au-dessus on s’agite
pour quelques mots dans la boîte crânienne. »
Horizon du sol, troisième recueil de poèmes d’Étienne Faure, est une suite de tableaux vifs, donnant des morceaux de vies qui vibrent (malgré tout, malgré l’issue connue de tous), fragments clairs, parfois moqueurs, saisis par le regard et prompts à alerter tous les sens, en un éclair, en renouvelant les prises de vue et en créant un subtil emboîtement entre le quotidien (l’instant capté) et l’histoire en cours (avec petit ou grand h) dans lequel celui-ci s’insère.
Étienne Faure : Horizon du sol, éditions Champ Vallon.
(Logo : photo d’Étienne Faure)