Ivar Ch’Vavar & camarades | Le Jardin ouvrier

La revue de poésie Le Jardin ouvrier a été animée par Ivar Ch’Vavar de 1995 à 2003, soit neuf années, trente-neuf numéros et quelques suppléments. C’était une revue au tirage confidentiel dont on découvrait un numéro par hasard chez un ami, dont on tournait les feuilles par curiosité, surpris par la mise en pages, par la langue picarde… étonné peut-être d’y lire les noms des « camarades » Lucien Suel, Christophe Tarkos, Rüdiger Fischer, Charles Pennequin, Nathalie Quintane et même une certaine Évelyne « Salope » Nourtier.
On n’hésitait pas, on s’abonnait.
Mais on pouvait aussi bien arriver trop tard, la revue avait pris fin, Ivar Ch’Vavar s’était lancé dans l’aventure de kminchmint, il ne restait plus qu’à demander à tel ou tel de vous prêter un ou deux numéros de ce mystérieux Jardin ouvrier.

« Il y a un art spécifique de la revue, qui participe bien sûr du travail du créateur, de celui de l’éditeur et de celui de l’inventeur, mais est aussi un peu plus que tout cela, quelque chose qui ressortirait, si cela avait vraiment un sens, à un art de la rencontre, rencontre avec un public, avec des artistes, avec une histoire en marche. Dans le domaine particulier de la poésie, les revues importantes ne valent pas seulement par leur contenu, mais aussi par tout ce qui y cristallise ou s’y reflète. Ainsi en est-il du Jardin ouvrier, une revue encore insuffisamment connue mais avec laquelle il faudra désormais compter », écrit Philippe Blondeau dans sa présentation intitulée « 1995-2003 : neuf ans de Jardin ouvrier ».

La collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno fait paraître une anthologie du Jardin ouvrier, 407 pages de textes choisis par Ivar Ch’Vavar qui a réalisé la maquette en respectant le format, la mise en pages et la typographie d’origine de la revue.

« Partisan » de Christophe Manon, dédié à Michel Valprémy, a paru dans le n° 30 en octobre 2001 :

premiers mots ainsi venus seuls, oui
dans nuit premiers mots perçants
orgies origines des sables des
trompes mamelles plates fripées
premiers mots pas posés sur sol
mouvant premiers soubresauts de
poitrine sans suite sans savoir où
premiers mots premières misères
premiers tangos sortis des gouffres
premiers sons sans ni quoi ni
comment premiers mots première
putréfaction premier sourcier première
montée d’argile ainsi choux blanc
première semelle percée premier
échec premier pas vers tombe déjà
première phrase bien bouillie
ratatinée tordue qui croasse premier
os à ronger puis plus tard premières
tensions torsions escarmouches
qu’embrasent marsouins merle
manchot et tout ça casse soudain
croule jacasse dans quoi pourquoi qui

sait ça et puis voici celui fils d’orage et
des hémorragies et voici sa toux et
son crachat et sa parole jetée ainsi
huile bouillante aux visages des
convives et ses mots des tournesols
dans vent de nuit ses mots crécelles
battoirs braises et voici qu’il porte sur
épaules sac sans regard ni estomac
chaudron d’haleine et né de pierre et
de mer marche bancal face torve
range aphtes aux greniers ulcères
sans vase des étangs couve orties et
ronces de son ventre nu rampe dans
herbes disputant charognes aux
fourmis né nu oui dans ventre torve
d’ortie tantôt moucheron pris de fièvre
tantôt métal sans partie molle de main
ou du bois planté tantôt ombre
infusée au soleil court autour des
camisoles applaudit montreur d’ours
éclate rire sec qui cloue horizon aux
métamorphoses des acrobates oui ça
[…]


Lire aussi « Ma vie avec Ivar Ch’Vavar », texte inédit de Lucien Suel.

La revue Plein Chant a consacré un numéro à Ivar Ch’Vavar, Nathalie Quintane a lu Cadavre grand m’a raconté.

8 mars 2008
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