Ivar Ch’Vavar, un « horrible travailleur »
Je regarde de près ma connerie en ce moment.
C’est une feuille de papier, on ne se voit pas dedans et encore pire c’est. - Tout ce qu’on peut pire de voir dans un miroir, on ressent vite un reste de tendresse pour sa plus sale gueule. Et un reste de tendresse, tout de suite c’est un début de tendresse, en quelque sorte... Une façon de pitié veule, qui a vite fait de prendre son élan, de se développer en tout sens, sur tous les tons et sur tous les modes, comme une fugue de Bach, tiens donc : ça se met en route mécaniquement et ça prolifère, disons, ça construit comme nécessairement/quoi ? - Un machin d’une complexité intolérable, d’une véracité inexorable, d’une justesse impitoyable, d’une justesse qui fait justice de tout. Et d’abord de la justice. - Oh ! je sais bien.
Certains auront découvert Ivar Ch’Vavar par ces premières lignes de Écrit en fumant du belge paru aux éditions Pierre Mainard en 2001, dans la collection dirty.
D’autres en lisant un numéro d’une des nombreuses revues qu’il a animées, la dernière en date étant Le Jardin ouvrier, 39 numéros de 1995 à 2003 (décembre) qui ont accueilli des textes de Lucien Suel, Stéphane Batsal, Jean-Hubert B., Christophe Tarkos, Charles Pennequin, Olivier Domerg, Nathalie Quintane...
Il y a peu de chances que vous n’ayez pas lu Ivar Ch’Vavar puisqu’il travaille sous 111 hétéronymes. En voici quelques-uns : Rolande A., Mamar Abdellaziz, Michel Acatebled, Sylvain Aoudja, Chislain Biblocque, Mathilda Boussemart, Charles-Mézence Briseul, Marie-Élisabeth Caffiez épouse Bournois, Riquier Carette... « Il n’est pas impossible que j’aie oublié un ou plusieurs noms... Si tel était le cas, que la (ou les) personne(s) concernée(s) veuille(nt) bien accepter mes excuses les plus sincères », précise-t-il.
Qui est Ivar Ch’Vavar ?
Il a écrit Écrit en fumant du belge, Dernier hommage à André Breton, Bander en automne, Feuillées d’Hypnos, Jour de glaire, Hölderlin au mirador, Sur la plage de Berck - sa bibliographie de dix pages impressionne.
C’est un écrivain, un poète, un nom, une voix, un monde, un fondateur de revues, un lecteur, un érudit amoureux de la langue picarde, un traducteur de l’américain en français (Sylvia Plath), de l’américain en picard (Emily Dickinson), du breton en picard (Paol Keineg), du français en picard (Alain-Fournier, Arthur Rimbaud, Georges Bataille, Jules Renard), du proto-picard au picard moderne (textes anonymes), du gaélique irlandais en picard (Lamentations de la vieille femme de Beare), du grec au picard (L’Évangile de Mathieu).
La revue Plein Chant rend hommage dans son numéro double 78-79 (hiver 2004-2005) à Ivar Ch’Vavar, « horrible travailleur » que célèbrent ses amis & complices Jean-Marc Aubert, Hélène Bacquet, Daniel Compère, William Cliff, Rüdiger Fischer, Yves Di Manno, Pierre Garnier, Laurent Grisel, Nathalie Quintane, Valérie Rouzeau, Françoise Racine, Yves Bonnefoy, Bernard Noël, Michel Valprémy, et d’autres.
Outre ces dédicaces et ces hommages, on lira de nombreux textes d’Ivar Ch’Vavar : Jour de glaire, Hölderlin au mirador (extraits), Lucie à’p plaje, Trois poèmes ruraux, Sur la plage de Berck et autres poèmes arithmonymes, une chronologie et une bibliographie complète ainsi que les adresses des éditeurs auprès de qui se procurer ses œuvres.
À lire à voix haute, Litanies du soleil en picard :
Solé ta.u
Solé taqtè
Solé tatchè
Solé tchènnson
Solé tchénui
Solé tcheudè
Solé tcheu.ète
Solé tchu-d’saù
Solé tchuloùt
Solé tchurè
Solé tchutchètes
Solé tédjè
Solé térchu
Solé tiloé
Solé toéyète
Solé toubacq
Solé touiyoù
Solé touyou...
Plein Chant, revue erratique de littérature, est imprimée et éditée à Bassac, 16120 Châteauneuf-sur-Charente. Il est encore temps de s’y procurer ce numéro de leur revue (16 euros plus frais de port).
Sur Ivar Ch’Vavar :
dans Le Matricule des Anges
le poème de Berck.
En illustration : portrait d’Ivar Ch’Vavar par Sébastien Morlighem ©.