La source du Silence, un atelier d’écriture par Cathie Barreau
De plus en plus, j’aime animer des ateliers d’écriture où l’on travaille le texte au point d’en faire un objet qui pourrait être publié. Pour une raison : celle de l’exigence. Ecrire, réécrire, relire, abandonner, peaufiner, écouter, choisir, confronter, voilà de quoi avancer dans une voix qui peut être singulière.
Depuis bientôt vingt ans que j’anime des ateliers d’écriture, j’ai expérimenté de nombreuses entrées ; de l’OuLiPo aux promenades sensibles, de jeux jusqu’aux travaux à partir d’un auteur, j’ai traversé des heures de construction et d’observation. Il ne me reste en main qu’une seule évidence : la qualité du silence au moment où chacun est dans son propre travail. C’est un silence peuplé, un silence où se réunissent les éléments épars de chaque vie, un silence ensemble, un silence qui permet de sourire quand le temps de l’écriture s’achève. Dans une classe, en prison, à l’hôpital, dans la rue même (le souvenir des yeux bleus d’un vieil homme à qui je proposais trois mots pour écrire un texte, ses yeux bleus quand il me dictait lentement la phrase, mon carnet dans mes mains, ses mains sur ses hanches et son regard dans le lointain qui n’était que le bout de l’avenue, le silence et nous deux immobiles dans le travail du texte qui se faisait), je retrouve toujours ce silence qui étonne chacun.
D’où vient que le silence se fait alors qu’il était improbable (combien d’enseignants m’ont dit leur étonnement, combien de soignants psy m’ont dit le calme retrouvé un instant) ?
Je ne le sais pas. Je cherche. C’est ce qui je cherche en ce moment. La source du silence.
L’atelier de deux jours que j’ai animé fin janvier a réuni une dizaine de personnes.
Voici ce que j’ai proposé.
Le personnage dans une nouvelle
Une silhouette entrevue, un ami, un fils, une femme de l’autre coté du quai, un écrivain aperçu au détour d’une rue nantaise… qui se transforment, l’un ou l’autre, en un personnage à inventer. Voilà de quoi écrire la première phrase d’une nouvelle, ce genre inépuisable de la littérature, multiforme, comme une fulgurance qui n’en finit pas.
En deux jours, aller au bout d’un texte. Travailler pas à pas. Lire Vladimir Nabokov, Marguerite Yourcenar, Annie Saumont, Geneviève Brisac, Henri Bauchau, Arnaud Cathrine... mais aussi Philippe Longchamp, Hélène Lanscotte, Marie Cosnay et confronter, trouver les chemins inattendus et dire ainsi, dans l’écriture, quelque chose du monde, quelque chose de nous.
Nous avons d’abord passé toute une matinée à lire des nouvelles, à discuter, à comparer, à relire. Nous n’avons pas trouvé de définition idéale de la nouvelle et cela nous a aidé.
Puis nous avons construit des phrases qui pouvaient être premières ou dernières dans une nouvelle.
Heures d’écriture. Lecture d’extraits de temps à autre à voix haute.
Ecoute de chacun, proposition de modifications, questions…
Heures de réécriture.
Et les textes sont advenus en fin du deuxième jour. Les voici.