Maryse Hache et Christine Jeanney | rataboumboum la suite a six minutes
Elles avaient préparé le texte ensemble, lu avec intensité. Mais avant et après la lecture... deux gamines, je vous assure. Pensées à Maryse en forme d’hommage ce soir. Et amitié à Christine. (SR)
Hommages sur les sites Halte là, Abadôn, fragmentslointains, fenêtres open space, liminaire, Le Tourne-à-gauche, Le blog ePagine, Analogos, les confins, le jardin sauvage, Matériau composite, Fragments, chutes et conséquences, pendant le week-end / carnets de Pierre Cohen-Hadria et sur jourlejour de Christine Jeanney.
Lire aussi Les 807. Déclinaisons d’un aphorisme d’Eric Chevillard, affichage des messages dont le libellé est Maryse Hache.
CJ
Qui je suis
(d’abord en admettant qu’on mette de côté le palpable le concret, petites cellules implicites qui font leur travail d’ouvrières, ouvrières qualifiés, et vas-y que je te pompe, les clapets à ouvrir, les œufs mollets à digérer, éternuer pour éradiquer la poussière, enfin, ce qu’elles savent faire en pleine autonomie et réussissent souvent (ou la plupart du temps) (ou presque) (ou pratiquement), et moi, ingrate d’en parler seulement lorsqu’elles foirent, ah le joli remerciement, mais je suis bien punie, allez, car elles se vengent, et pèsent sur qui je suis quand je le suis)
Qui-je-suis
(si de côté maintenant c’est admis je pose le sac du corps avec ses fermetures éclairs zippées ou dézippées plus ou moins efficaces)
Quijesuis
celle qui se sort du sac le-je
et qui part à cheval de-je
sur le dos d’un rebond
(rebond : on s’arrête un instant sur sa définition, rebond
c’est un mot que tu m’as appris. Au je (J E) du Quijesuis, on place le mot rebond au centre, centre-soleil, on suit ses bras brillants, saillants, bras légitimes, qu’on trace en traits cheveux de feutre jaune, rayons, rayonnements, sautillements et éclatures dorées, éclaboussures aussi, reçues, pleines poignées, on veille bien à leur place vacante, attentif on se penche, ils z’ont l’air du bien être, ils z’ont l’air du malaise, ils z’ont gémissements, claquement de portes, grelottements, se réchauffent, se marrent, enfin, beaucoup de choses ils z’ont, ils font ces bras, en attendant le son, son du rebond, et qu’il sonne juste)
Quijesuis
je suis la pie et le chat roux, la pie vient boire à une flaque, le chat se pose sur tes genoux
mh
qui quoi comment pourquoi
regarde
je suis la pie et le chat roux
qui quoi comment pourquoi
écoute
je suis pinson et mésange
qui quoi comment pourquoi
jeu de écrirelir jeu liberté de raté ratera ratera pas ratera mieux
boum
suis d’ici là côté rue côté jardin côté mixed border
miette pour rien pour presque rien sauf être là
être avec toi être avec vous bleu de présence dans l’écrirlir
pour les roses ouvertes dans le jardin du monde
pour force en faiblesse sauvage herbes citadines
pour triturer la langue en lumière matin
pour humer terre des hommes
reste
tant de choses à faire
reste
boum
te couche déchiquetée ortie ou pivoine sur visage de guerrière / mort meurt poupée tourterelle enfant / elle était rose la fumée bombardement de la vole explose immeubles poussière / te réveille loin de moissonneuse en rosée lumière soleil d’un char dans la carrière
par la fenêtre écoute ceux qui poussent ceux qui fanent ceux qui butinent ceux qui hurlent ceux qui meurent ceux qui chantent ceux qui te regardent anne joachim christophe mathilde tilleul syrinx magnolia soulangeana cuisse-de-nymphe-émue chat roux hérisson musaraigne noisetier mésange écoute qui lance respir fragrance légère ou capiteuse trouve dans les plis l’invisible du présent de la langue et travaille l’insu qui accompagne tout doux tout doux
au fond d’un antre enfle quelque fleur vorace
donne de la voix haute lire à voix que veux-tu donne de la voix aux txt que aux txt qui aux txt pissenlits
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mange-moi d’amour si tu pouvez
tout doux tout doux
boum
tu dis : "- ne peut se dire cette heure si précise où les pensées déboulent en gestuelle arrêtée, reviennent ceux qui passaient, en soi enfouis animaux invisibles, le visage la joie la main le regard le merci le sérieux le départ non ça ne peut se dire"
boum
de la carcasse ne peut se dire elle flanche abricot au soleil, gonfle exhalaison joyeuse des petits animaux cellules viscères tuyauteries chimie belle usine, ne peut se dire fait mal pattes mains malléoles poplités des buffles amers, ne se disent vaisseaux flottés du fond des mers venus minces à surfaces frissons et éclatures, ni jaune fatigue articule, ni vert décourage neurones, ni rouge rouge la vie des mesdames mesdemoiselles messieurs moindres
ah on vient
Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant.
ça fait son remuement dans les profondeurs, on vient d’un bond sur la scène..
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CJ
boum
boum par la fenêtre écoute
ceux qui poussent
(mais attends,
parenthèse,
j’ai menti,
on n’enlève pas le corps ici, on ne pose pas sur le côté le zippé dézippé du corps qui clinche, corps flanche, corps assidu, corps érudit, corps fresque, corps creux creusé de ceux qui meurent le manque, meurent de ce qui pousse le manque, repousse le manque, le corps qui trime et qui insiste, on ne repousse rien parce qu’il parle à voix haute,
écoute, je laisse la parenthèse ouverte,
écoute si ça sonne
par la fenêtre boum
tu dis dans les plis l’invisible du présent de la langue et travaille l’insu
le malgré
le qui n’a pas parlé, qui n’a pu dire, et la gorge enfle, ça se bouscule dans les veines, les globules grosses de sommeil s’étirent elles se réveillent bonjour elles disent mais vont pleurer
le temps presse
regarder l’infinitésimal du quijesuis, petit, petit,
regarde ce qu’il y a
il y a l’épaule éblouissante quelqu’un marche à l’étage clac du bruit dans les tuyaux bruit dans les limbes, les vêtements dans les armoires s’agitent, robes de bal qui furent portées dentelles et sobres guipures bottines boutons à délier et les cols moirés de perles que les mains des mains des anciennes mains cousent rafistolent au jardin se recousent végétales et se mélangent d’humeur humus avant que les fils s’enchevêtrent tiges chèvrefeuille tendre s’endorment doucement
aussi dans Quijesuis tu-me-dis et je vois
la place noire grise bitume le noir et blanc chante cela, le noir&blanc en est le ton exact, sur la place une remorque qu’un camion a laissée, quand la remorque s’ouvre c’est une baleine, immense, elle est posée comme une déesse facile, une virgule lourde, elle en son ventre contient toutes les viscères de la terre, avec des teintes franches, qui tintent, bleu dur, rouge terrible, et du blanc, ce blanc n’est pas une couleur, ce blanc un contenant, blanc aimant aimanté, a capté plus que la lumière, des gens vont dire que la baleine est morte parce qu’elle est immobile, perdue à l’arrière d’un camion, ils ne savent pas le blanc, ce qu’il charrie, ce blanc et la baleine maintenant dans mon corps zippé et dezippé s’installe confortable
pour durer
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l’artiste travaille sans filet messieurs dames et porte une baleine en pendentif
balance balance
hop
mh
hop ça a fait hop
voltige clavicules chèvrefeuilles
saute dru le bonheur
orchestre boumboum
il n’y a pas de filet il n’y a pas de filet
lions panthères biches et loups
dans la sciure brille mica
tambours sonnailles et cuivre
il n’y a pas de filet
boum
aux bords des mondes circulaires tournent blanches figures sphères célestes en compagnes ça remue des lumières vertige
fouet dompte ensauvageries des fonds de bois
marlaguette déploie son mouchoir mouillée de rivière
une blessure trouve un ange
il n’y a pas de filet
boum
le pire n’est pas toujours sûr
balancelles l’une l’autre et devant frissons à l’épaule trapèze effroi et bonheur en sautoir
ici parce que
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CJ
balancelles
l’une l’autre
et devant les trapèzes hop !
cordages lisses et des paillettes de chaque côté là où poser ses mains, rétablissements, figures, évolutions de corps zippés, apesanteur, pas sûr le pire
(même si les crépitements échardes calcinées font du bruit, tant de bruit, parfois le son de nos voix se recouvre, attends)
Quijesuis je te suis, verbe suivre, rebond du rebondir sur ta définition, rebond sert à atteindre à entendre rebond, accessoirement aussi à braver les dragons, tu m’étonnes
assises en haut du chapiteau, regarder, malgré que (chars & poussières) malgré que (ce qui ne peut se dire) regarder
la longue traine de clowns et acrobates, et sur la place la baleine danse, grosses fleurs voraces sous ses nageoires et qu’elle effeuille l’air de pas y toucher, voltiges-clavicules-chèvrefeuille
depuis dans le jardin les fleurs comptent, les fleurs sont pas décoratives
elles comptent
pas un deux trois ce qui serait bien emmerdant
elles comptent rataboumboum
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comptent en chapelet merlettes zé gazelles lignes zélectriques, tuyaux dentelières tambours, comptent en formant, forment en comptant par-dessus vide et sur lui collent une sorte de parade, un outil, un filet toile d’araignée serré de pêcheur d’écrevisses-lions-panthères-biches, ne se fatiguent pas de compter, de fileter, travail de petites mains petites ouvrières méticuleuses bien obstinées, cycliques, qualifiées les cellules, il suffit de poser sa tête pour voir
rataboum
boum
Dévore la suite
mh
il suffit / il suffit d’être / devant / dans sa voix / de passer / passer par lire / passer pour voir / écouter / tentatives / devant je suis devant / sonore / entamer le volume / ouvrir la faille / dire :
boum
cabrioles saut de biches grand jeté - ça danse - le panache qu’il y a là-haut - voici le grand défilé voltige- clown de paillettes à farine - boum - lanceuse de couteaux à cran de poissons - boum - dompteuse de crinières à quelques choses - boum - fantôme des serpillères abattoirs - boum - démineuse de goupilles entrechats - boum - arracheuses d’ornières à gradins - boum - planteurs de limaces à silo - boum - tueuses de fourmis à charbon - boum - fumeuses de cigares d’existence - boum- déterreuse d’énigmes à sorbets - boum - cracheuses de soufflets à crapauds - boum - déchiqueteuse de ponctuation - boum - écornifleuse de catastrophes à limaille - boum - strip-teaseuse de vérité cratère - boum - renaisseuse de cendres à fontaine - boum - chanteur de botanique effervescente - boum - traducteur de forêts assassines - boum - avaleuse de trompettes phosphorescentes - boum - transporteuse d’ânes à piano - boum - zinzineuse de mort - modeleuse de jouissance - pisseuse de fond - colleuse de trac - fildeferiste de cave - siffleur d’enseignes - couleuse de sang - leveuse d’aube - bordeuse de monde - dévoreuse de rose hantaï -
suiveuse a six minutes
boum
À l’écoute, la nuit remue 6
Christine Jeanney sur remue.net