Réponses à dix questions (Justine Landau, 1)
1. Quel est votre premier souvenir en lien avec la nourriture ?
Il y a bien sûr les gâteaux au chocolat et autres desserts maison, mais mon premier souvenir authentique est celui d’un aliment « par extension » : une crème pour le visage qu’utilisait ma mère. Je m’en gavais dès qu’elle avait le dos tourné. Entre tous les comestibles discutables que j’ai pu expérimenter petite, c’est ce goût-là qui m’est resté. Peut-être qu’il me plaisait tout particulièrement. Un goût fleuri un peu doucereux, une texture épaisse. Je n’ai pas idée du nom de cette crème, conditionnée dans un pot vieux rose. Ma mère en a changé peu après, possiblement pour cette raison, et je ne l’ai jamais retrouvée depuis. Si on me la montrait aujourd’hui, je ne pourrais la reconnaître qu’à l’odeur.
2. Quelle est la première recette que vous ayez réalisée ?
Un gâteau au chocolat ? Des cookies avec ma mère ? Des varenyky avec mon père ? Je n’ai pas de souvenir précis de la première recette que j’ai réalisée. Plutôt un souvenir générique : de la farine partout dans la cuisine, et en bouche, le goût de pâte à gâteau pas cuite.
3. Quels sont les livres (en tous genres – pas seulement les livres de cuisine) qui vous ont le plus inspiré ?
Proust bien sûr, Proust toujours – À la Recherche du temps perdu grand champion hors-catégorie ! Au-delà, c’est difficile. Cette lecture m’a rendue insensible aux romans plusieurs mois d’affilée, peut-être davantage. Jusqu’à ce que je décide de prolonger par la lecture de la correspondance de Proust, une merveille. Heureusement, elle est tellement fournie qu’il m’en reste encore.
Après, il y a des moments, des périodes. Lewis Carroll, sans doute. Et puis en vrac, Henri Michaux. Le Michaux de La Ralentie. Jacques Roubaud, encore aujourd’hui. Quelque chose noir. Mono no aware, Trente-et-un au cube. Mais aussi Le Grand incendie de Londres. Tokyo infra-ordinaire et Churchill 40. Les troubadours, que j’ai découverts et aimés dans sa traduction, parue chez Seghers. D’autres poètes, plein de poètes.
Dans un tout autre registre, Kaputt de Malaparte – le récit expressionniste et halluciné de son expérience de correspondant sur le front de l’Est en 1941 ; un malaise persistant.
Et puis, s’il s’agit de champignons : Lamelles, de Christophe Till Geissler, sorte d’autobiographie « par » les champignons – un texte tout à fait surprenant. On passe de l’émerveillement enfantin à une passion de connaisseur faite de quête raisonnée et de rencontres fortuites. Les lignes de vie sont à ce point mêlées de mycélium qu’on en vient à s’émouvoir de la rencontre de l’auteur avec une oronge. À mettre entre toutes les mains.
4. De quel plat auriez-vous envie, mais que vous ne pouvez plus manger (l’ingrédient est introuvable, la personne qui le cuisinait n’est plus...) ?
Il n’y en a pas un mais plusieurs : les spécialités de mon père. Une purée de marrons entièrement faite main. Sa mousse de pruneaux. Ses foies de volaille au beurre manié. Des Marillenknödel… Je peux réaliser les recettes moi-même, mais ce n’est plus le même plat.
5. Quel livre de cuisine offririez-vous à celui/celle que vous aimez ?
Ma Cuisine d’Iran de Najmieh Batman. Les recettes sont exposées très simplement et légèrement adaptées aux produits disponibles en Occident. Du coup, du khoresh-e holu (ragoût aux prunes) au zereshk polo (riz au poulet et épines-vinettes), les plats sont tous à peu près inratables, même si l’on n’a pas grandi dans une famille iranienne.
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