Réponses à dix questions (Justine Landau, 2)
(Lire les réponses aux cinq questions précédentes.)
6. Quel mot relatif à la cuisine et à la nourriture (quelle que soit la langue) aimez-vous / détestez-vous / vous intrigue le plus ? Pourquoi ?
Les mots de la cuisine qui m’intriguent – donc me plaisent – le plus sont ceux qui ont une consonance familière et trompeuse, qu’on croyait bien connaître et auxquels on découvre soudain un sens technique tout à fait contre-intuitif, comme « appareil » pour désigner une préparation, « parer » pour un aliment, « dresser » pour un plat, « foncer » appliqué à un moule à tarte… En règle générale, il s’agit d’enlever lorsqu’on croit devoir ajouter, et de textures quand on pense couleurs. Les mots prennent alors une dimension supplémentaire. Par la force des choses, ils épaississent.
7. Un beau matin (ou soir, au choix) vous vous retrouvez transformé en repas… En quel plat vous êtes-vous transformé ? Pourquoi ?
En cèpe de bordeaux. C’est le roi des champignons, l’idée suprême de champignon. Il en a tous les attributs. Même son goût, puissant, est marqué du sceau de l’indécidable : végétal ou animal ? Viande ou légume ? On ne saurait déterminer à quel règne il appartient dans l’échelle du vivant.
Précision : si je suis transformée en cèpe, c’est un plat principal et cuisiné aux échalotes, non à l’ail qui écrase le goût.
8. Avec quel auteur (vivant ou mort, tous genres littéraires confondus) voudriez-vous dîner ? Et autour de quel plat ?
Je rêve de manger de nouveau avec Liliane Giraudon. À Marseille. En été. Des rougets tout frais et un vin léger. Et bien sûr, je veux encore dîner souvent avec Ryoko !
Si c’est avec un auteur mort, ce serait Avicenne, pour qu’il m’explique un peu son système des tempéraments et des aliments « chauds » et « froids », encore très vivace en Iran.
9. Dans quelle langue voudriez-vous être traduit (ou êtes-vous heureux d’avoir été traduit) ? Pourquoi ?
Dans une langue, quelle qu’elle soit, que je ne connais pas. Pour voir le texte que j’ai écrit me devenir incompréhensible.
10. Demain c’est la fin du monde – que voudriez-vous manger pour votre dernier repas ?
Une nourriture roborative et régressive et anglo-saxonne au possible (les trois pour moi sont synonymes) : un bon porridge d’avoine à la crème ou un peanut butter and jelly sandwich (beurre de cacahouète – confiture de fraises) – double épaisseur s’il vous plait.