Thomas Pietrois-Chabassier | Souvenirs de l’oubli
C’était sur le ciment, le ciment éperdu d’un grand soir de l’été, au beau milieu d’un songe, allongé sur l’osier, soudain, je revenais. J’avais les os liquides, et je m’évaporais. Ma langue filait hors de ma bouche, elle se changeait en gouttes, et la goutte en nuage, et le nuage en rien. La chaleur attirait les mouches autour de moi, de mon corps transparent, qui glissait doucement vers la forme d’une flaque. Aux autres, un peu inquiets, je criais mes secrets, mais il était trop tard. Et les heures effaçaient lentement de la plaine le détail que j’étais dans ces errances noires. Ma main n’écrivait plus et s’évanouissait au profit d’aucun ciel. Mes yeux n’existaient plus, mais je voyais encore, comme un fantôme de dieu. Sur le ciment, l’osier, les herbes de la plaine, mon cœur se reposait sur un tas de cailloux. Et puis un enfant vint, courant depuis le premier hiver, et s’arrêta devant le gravier chaud. Soudain, je revenais.