Jolanda Insana | Poèmes



Jamais eu si froid

La beauté meurt et l’envie s’embrouille
quand le deuil couvre les yeux
et on ne voit rien du manège au-delà des grilles

narcisses effrayés et abîmés frétillent
autour du puits du cloître
et ils ne franchissent pas le seuil

comment amener l’eau aux terrains desséchés
dans la fiumara de Monforte
qui n’est que craquelure ?
Il fut un temps où on y descendait
femmes et enfants
laver le linge avec la cendre
et avec un peu de chance
on attrape les ranci ‘i ciumi
les crabes de rivière
pour la soupe du soir

je n’ai même pas une photo d’elle enfant
trop occupée dans l’étable avec l’âne
qui porte ses poids
ou avec la petite chèvre en pâturage
car la mère morte en couche
le petit frère était resté sans lait

chassée je quitte la maison
alors qu’encore poussent
les ongles aux orteils et les cheveux sur sa tête
et qui sait ce qu’on voit dans cette obscurité
quelle voix perce le silence où elle gît
rien que par la pensée elle pourrait
disposer les lentilles dans le plat avec l’eau
et les ranger à l’intérieur du placard
pour qu’elles germent sans vert
et le jeudi saint de Paques qui vient
c’est moi qui ferai un sépulcre de pâles et fines tiges
et je dresserai son autel

jamais eu si froid
et je noue au cou
ses amples foulards des journées endeuillées
pour les garder au chaud et qu’ils ne refroidissent pas
si jamais elle revenait et qu’elle avait le cou froid
comme elle revient en rêve, son menton tremble et elle claque des dents
et il n’y a pas de chaleur du mois d’août qui puisse la réchauffer et la réanimer

je reviendrai
je reviendrai vite
à ce maudit lopin de terre
plein de serpents épines et scorpions
et j’en ferai un jardin de néfliers et cerisiers
pour la floraison de son dernier printemps
de son dernier automne

je range son panier
entre pelotes de fils de soie et de coton
et je les sépare par couleur
pour qu’elle retrouve le rouge Cucirini Cantoni
le bleu clair Astro Toison d’or
ou le violet nacré égyptien
et je récupère une à une
les aiguilles du crochet et du tricot
il me reste les rideaux aux fenêtres
les nappes brodées pour la table de la fête

je n’ai appris ni le point de croix ni aucun autre point
car la fille qui sentait bon la lavande
s’est aperçue que je n’avais pas la tête au métier
et elle m’a conduit dans le potager et m’a laissée là
devant la poule qui couvait

assise par terre je voyais
des poussins sortir de l’œuf
et avide j’attendais

vraiment elle s’est éloignée sans aucune couleur
aucun bon parfum
et je m’obstine à donner l’eau au jasmin
planté face à sa dernière maison
dans le silence brisé par la nuit des criquets

je retrousse mon pantalon sur les couvre-chaussures
et je me fais paysanne pour elle
qui voulait voir purgé labouré et retourné
sans pierres et sans mauvaises herbes
ce pauvre petit bout de terre
pour que germe la graine du blé
et devienne épi dans la famine de la guerre

et ce furent les pilleurs et les grappes de bombes
éclats chauds et mères à l’estomac amputé
et je frappais aux portes et je continue à frapper
et j’en prends plein la figure

car m’enchantent le grésillement et la brise de la mer
au milieu des nageurs flottants
mais ils se noient et ils taisent leur parole

j’aime les moules crues
mais elle ne me laisse pas en manger
parce que du typhus on meurt
et elle en sait quelque chose

il n’y a pas de médicaments et la quinine pour la malaria
comme le tabac corsé et le demi-cigare
on l’achète au tabac

avec le sachet de blé
en file indienne tous les carusi des catoi du coin
descendaient au moulin en sortant de Porta Terra
est sur le chemin on faisait main basse de fruits pas mûrs
et là entre ruelles et rigoles
je connus la pervenche violette
et je l’appelai violette

aucun petit chef jamais ne surgit
aucun jamais s’empara
du blé de l’allée ou de la farine du retour
car il n’osait pas enlever de la bouche des enfants
le bout de pain
rêvé

au jeu des noisettes lancée dans le trou
avec un coup sec du pouce et de l’index
je perdais toujours et je ne pleurais jamais
les autres étaient plus âgés
et ils avaient plus de force dans les doigts
plus de force dans la bouche et ils broyaient
car ils n’avaient pas mes petites dents de lait

je porte ses pulls noirs
parce qu’elle n’était jamais sortie du deuil
et le noir était devenu sa couleur
tant qu’on ne lui avait pas enlevé de force
pour l’habiller de bleu clair
couleur de ses yeux

j’ai vu ses larmes
et je ne pouvais pas la guérir
par ses propres pas elle n’arrive pas au bassin
où l’eau bouillonne de soufre
et il faut que quelqu’un la soulève et la plonge
avant que le pire ne se produise
mais le pire ne sont pas l’impureté et la saleté
le pire pour elle ce sont l’inimitié et l’aridité

j’ai renversé le sac
et je revois les fragments d’une vie
le manteau d’avant-guerre le chemisier en soie
taillé dans un parachute américain
lancé avant le 10 juillet 1943
les chutes de flanelle les ficelles colorées
les rubans blancs des tabliers noirs
et je n’arrive à jeter aucun de ses chiffons

le passé frémit et s’effrite
s’agite et craque
tant que le temps se casse
sans plus de transition
et les chevaux d’Achille sont en pleurs

sourde la pensée
sourde la chair
assourdie par le tumulte des voix
sourde la pensée
qui n’écoute pas la voix du cœur et de l’esprit
je l’accroche à mon esprit cannibale
avec des aiguilles vénéneuses et je l’écrase
ou je brise son crâne
pour qu’elle ne transmette pas de messages mensongers
au foie et à la rate

là où le pas s’arrête
et où le détroit s’ouvre
sur l’autre rive
à l’autre chant
aux autres pleurs
replonge le regret
et remonte la douleur à la surface

Tiré de La tagliola del disamore (Garzanti 2005)

Mai sentito tanto freddo

Muore il bello e la voglia s’imbroglia
quando il lutto tappa gli occhi
e nulla della giostra si scorge al di là delle sbarre

narcisi atterriti e squamati zampettano
attorno al pozzo della chiostra
e non varcano la soglia

come portare acqua ai terreni riarsi
nella fiumara di Monforte
che è tutta un cretto ?
ci fu un tempo che lì si scendeva
donne e bambini
a fare il bucato con la cenere
e se siamo fortunati
prendiamo ranci ’i ciumi
granchi di fiume
per la zuppa della sera

non ho manco una fotografia di lei bambina
troppo occupata nella stalla con l’asino
che le leva i pesi
o a portare la capretta al pascolo
perché morta di parto la madre
il fratello neonato era rimasto senza latte

sfrattata lascio la sua casa
mentre ancora le crescono
le unghie ai piedi e i capelli alla testa
e chissà cosa si vede in quel buio
quale voce arriva nel silenzio dove giace
solo con il pensiero potrebbe
disporre lenticchie nel piatto con l’acqua
e riporle nel chiuso dell’armadio
perché germoglino senza verde
e sarò io per il giovedì santo di questa Pasqua
a fare sepolcro di esili pallidi steli
e apparecchiare il suo altare

mai sentito tanto freddo
e m’annodo al collo
i suoi fazzolettoni dei giorni di lutto
per tenerli al caldo perché non si raffreddino
se mai tornasse e avesse il collo freddo
come torna nel sogno e le trema il mento e batte i denti
e non c’è calura agostana che la scaldi e la rianimi

tornerò
tornerò presto
al fazzoletto di terra maledetto
colmo di serpi spini e scorpioni
e ne farò un giardino di nespoli e ciliegi
per la fioritura della sua passata primavera
del suo passato autunno

metto ordine nel suo cestino
tra i gomitoli di seta e di cotone
e li divido per colore
perché ritrovi il rosso Cucirini Cantoni
l’azzurro Astro Vello d’oro
o il viola perlé egiziano
e a uno a uno raccolgo
gli aghi dell’uncinetto e del ricamo
mi restano le tende alle finestre
le tovaglie ricamate per la tavola delle feste

il punto in croce né altro punto mai imparai
perché la ragazza che profumava di spigo
s’accorse che non avevo testa sul telaio
e mi portò nell’orto e lì mi lasciò
davanti alla chioccia che covava

seduta per terra vedevo
pulcini schiudersi dall’uovo
e avida aspettavo

davvero s’è allontanata senza più colori
senza più buoni aromi
e io mi ostino ad annacquare il gelsomino
piantato davanti alla sua ultima casa
nel silenzio rotto a notte dai grilli

mi arrotolo le braghe sopra le calosce
e faccio la contadina per lei
che voleva spurgato arato e rivoltato
senza pietre e senza erbacce
lo scarso campicello
perché il chicco di grano germinasse
e fosse spiga nella fame della guerra

e furono predoni e grappoli di bombe
schegge calde e madri gastroresecate
e bussavo alle porte e continuo a bussare
e prendo pesci in faccia
perché m’incanta sfrigolìo e brezza di mare
in mezzo a nuotatori sgalleggianti
ma sono annegati e negano la parola

mi piacciono le cozze crude
ma non me le fa mangiare
perché di tifo si muore
e lei ne sa qualcosa

non ci sono medicine e il chinino per la malaria
insieme al trinciato forte e al mezzo toscano
si compra al tabacchino

col sacchetto di grano
in fila indiana tutti i carusi dei catoi vicini
scendevamo al mulino uscendo da Porta Terra
e sulla strada facevamo razzia di frutta acerba
e lì tra i carruggi e i canali d’acqua
conobbi la pervinca viola
e la chiamai violetta

nessun caporione mai c’intercettò
nessuno mai ci sequestrò
il grano dell’andata o la farina del ritorno
perché non osava strappare di bocca ai bambini
il morso di pane
sognato

al gioco delle noccioline lanciate in buca
con un colpo secco di pollice e indice
perdevo sempre e non piansi mai
gli altri erano più grandi
e avevano più forza nelle dita
più forza nella bocca e schiacciavano
perché non avevano dentini da latte

indosso i suoi maglioni neri
perché dal lutto non era mai uscita
e il nero era diventato il suo colore
finché non glielo strappammo di dosso
per vestirla d’azzurro
il colore dei suoi occhi

ho visto le sue lacrime
e non potevo guarirla
poi che con i piedi non arriva alla vasca
dove l’acqua ribolle di zolfo
e ci vuole qualcuno che la sollevi e la cali
prima che succeda di peggio
ma il peggio non è l’impurità e la sporcizia
peggio per lei è l’inimicizia e l’aridità

ho rovesciato il sacco
e ripasso i brandelli di una vita
il cappotto d’anteguerra la camicetta di seta
ricavata da un paracadute americano
sganciato prima del 10 luglio del ’43
i ritagli di flanella i nastrini colorati
i fiocchi bianchi dei grembiuli neri
e non riesco a buttare nessuna delle sue pezze

fibrilla e si sfalda il passato
si strapazza e s’incrina
finché si spezza il tempo
senza più transito
e piansero i cavalli di Achille

sordo pensiero
sorda carne
assordata dal tumulto di voci
sordo pensiero
che non ascolta la voce del cuore e mente
lo infilzo alla mente cannibala
con aghi avvelenati e lo schiaccio
o gli spacco la testa
perché non porti menzogneri messaggi
al fegato e alla milza

dove si ferma il passo
e si apre lo stretto
all’altra riva
all’altro canto
all’altro pianto
si riattuffa il rimpianto
e riaggalla il compianto

20 mai 2024
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