La souffrance de l’acier

Un banc d’étirage, dans l’atelier d’étirage des forges de Syam - Crédit Catherine Gardone

Jean-Claude Vitton travaille aux forges durant quarante-sept années. Sa famille habite à Champagnole et tous les jours il se rend aux forges avec son père, ajusteur-outilleur. Lui aussi y entre comme outilleur. Il fabrique des filières pour étirer l’acier. La filière est constituée par quatre outils, deux traversins, en haut et en bas, et deux outils verticaux. À l’intérieur de ce cadre fixe, lui-même enserré dans une cage de filière, de multiples morceaux d’acier, qu’on appelle également « outils », coulissent les uns sur les autres, jusqu’à dessiner l’espace idoine à accueillir la soie. On usine ces outils à la main puis on les trempe dans un seau d’eau. La cage de filière est incluse dans le banc à étirer. De même, les profils sont taillés à la lime, à froid, trempés ensuite à l’huile pour les durcir. Les forges fonctionnent à l’électricité, fournie par une turbine animée par les rivières qui les enserrent. Mémoire des forges à travers le XXe siècle, Monsieur Vitton est responsable de l’atelier d’étirage. Il évoque l’invention de la filière en carbure de tungstène, qui marque un réel progrès. Des dizaines de tonnes peuvent être traitées avec les mêmes filières, dont les outils devaient, auparavant, être renouvelés après avoir travaillé 500 kilos. Les ponts roulants facilitent les chargements des camions, et surtout l’étirage, où la barre peut reposer sur le pont roulant. Sinon, les conditions de travail sont à peu près demeurées les mêmes. Jean-Claude Vitton et Michel Prost parlent de la tolérance, qu’il faut savoir calculer lors de la commande de la filière en carbure de tungstène, afin que la soie de la barre d’acier puisse y entrer, et des nuances de l’acier, dont il faut tenir compte car l’acier va plus ou moins se détendre à l’étirage, et donc « gonfler », selon qu’il est dur ou mou. L’acier nous apparaît comme une matière réellement vivante, susceptible, qui sait, d’éprouver de la souffrance sous le travail.


Jean-Claude Vitton - Exergue


Jean-Claude Vitton - Outilleur


Jean-Claude Vitton - Laminage et étirage


Jean-Claude Vitton - La Billette


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - L’Ecrouissage


Jean-Claude Vitton - Le Laminoir


Jean-Claude Vitton - L’Etirage


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - La Fabrication des soies


Jean-Claude Vitton - Le Décapage


Jean-Claude Vitton - La Filière d’étirage


Jean-Claude Vitton - Le Recuit


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Les Pinces pour le laminoir


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Les Machines et leur énergie


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Les Evolutions


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - La Tolérance


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Les Nuances de l’acier


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Aciers doux, aciers durs


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Une matière vivante


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Les Profils


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - La Filière d’étirage


Jean-Claude Vitton et Michel Prost - Transmission et adaptation des savoirs


Le prochain épisode : « Avec le fer on fait de l’or ! »
Le précédent chapitre : Le laminoir et l’étirage à froid

16 janvier 2020
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