Je, cheval | Albane Gellé

Publication de "Je, cheval" d’Albane Gellé aux Editions Jacques Brémond.


Ce qui frappe, d’emblée, dans l’écriture d’Albane Gellé, c’est ce mouvement perpétuel qui non seulement se transmet de livre en livre mais de plus s’accentue, s’amplifie, faisant bouger ses lignes avec une apparente légèreté. Pas de rupture, de cassure, de reniements. Elle avance, questionne. Cela remue dans des textes qui se situent totalement du côté de la prose poétique.

Dans un récent entretien publié par la revue "Décharge" (n° 132), elle disait être "partie dans un nouveau chantier, si nouveau que ça n’a rien à voir avec ce que j’écrivais avant. Il ne s’agit pas du tout d’un roman ni d’un récit, plutôt pour l’instant d’errances/pensées/poèmes (?) qui s’étirent dans de la prose beaucoup plus longue que d’habitude... On verra bien où ça me mène, en tout cas, jusqu’à maintenant, je suis bien dans ce chantier-là, alors je contimue..."

Cette sensation d’être bien dans le travail en cours elle l’a, sans nul doute, fortement éprouvée (la transmettant par heureux ricochets au lecteur) lors de l’écriture de Je, cheval. On y découvre, en courtes proses, une complicité, une harmonie fugace mais indéfectible entre le (ou la) cheval et celui (ou celle) qui prend le temps de respirer à son rythme, de regarder à sa hauteur, d’écouter, de vibrer, de sentir...

« Le mot cheval au-dedans. Les mouvements, les muscles quand au galop, cette chaleur dessous. Quand tout se rassemble, est rassemblé, pour faire vivant le cheval à deux têtes que nous sommes. »

Cette connivence circule constamment dans le livre. Le besoin de deviner ce que vit l’animal dans les différentes situations (pré, forêt, box, champ de course) auxquelles il peut se trouver confronté s’affirme également dans plusieurs des scènes brèves du recueil. Au final, c’est lui, (il se présente : "je, cheval"), qui tient d’invisibles rênes et dit (si tant est qu’il parle, et il le fait) avec son corps en éveil, frissonnant, cognant le sol ou agitant la tête ou les oreilles, qu’on lui fiche, simplement, la paix.

« À défaut d’être libre, il veut être tranquille, à tourner en carré, suivre les petites lignes qu’il a tracées par terre, ses repères, son territoire, qu’on l’oublie. »

Entre douceur et tension, Albane Gellé réussit à nouer des liens entre le cheval ("l’animal vivant, le corps, le sauvage") et l’écriture ("l’indomptable l’équilibre l’inconnu le jamais acquis"). Le corps est constamment sollicité. C’est lui qui résiste, s’obstine, s’habitue ou s’incline.

« À cheval je suis d’emblée au coeur des choses, désencombrée, réunie. Débarrassée des entraves périphériques, des noeuds stériles. Je me rejoins, dans une extrême présence à ce qui m’entoure. Dénouée. »


Albane Gellé : Je, cheval, éditions Jacques Brémond.

5 octobre 2007
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