La transparence n’est pas une couleur


La transparence n’est pas une couleur, tout juste un état éphémère qui traverse parfois l’air un jour de printemps. La transparence lorsqu’elle se décrète est une manière fourbe d’emprisonner le regard. Heureusement la littérature nous apprend à regarder en face la boue, la brume, la pluie, l’obscurité, la touffeur des émotions, l’éblouissement des rencontres... Ceux qui lisent et qui écrivent se méfient de la transparence car ils croient l’humain capable de penser la complexité. Pour preuve :

Les gens du pays savent que ce ne sont pas les lois du sang mais les légendes qui créent les familles ... ainsi débute le poème improvisé de Laurent Grisel.

Pendant que Kss Odrarek nous entraîne vers un pays dont on a parfois suivi les guerres sur l’écran : Les pauvres à Bagdad fouillent les immondices la boue le Tigre ...

Stéphane Korvin revisite le noir profond des photos d’Antoine Agata : photographies-martèlement le temps des outils de précision est terminé ... alors qu’Armand Dupuy s’aventure dans les tableaux de Jérémy Liron : Un paysage – un passage serré vers, peut-être, ou rien. Les verts bougent seuls dans leur noir ...

5 lecturottes de 4 lignes nous propose Catherine Pomparat en connivence avec Toute l’écriture est de la cochonnerie de Bruno Fern ou encore une relecture de Les Enfances Chino de Christian Prigent , pendant que Sarah Cillaire et Anthony Poiraudeau invitent les comédiens Rochefort et Marielle dans leur texte.

Jean-Marie Barnaud, grand lecteur d’Hélène Cixous qui a publié Chapitre Los en janvier, nous rappelle : comme toujours, ce texte-ci échappe à toute classification, à tout « genre » littéraire.

Ma peau est en ouate de verre, ma langue est en ouate de verre, même mes yeux sont en ouate de verre. Et toucher est devenu impossible, c’est à découvrir dans Rythmes pour apprivoiser la hérissonne, de la poétesse roumaine Doina Ioanid.

Marie Cosnay, Lucie Taïeb, Bertrand Leclair, Philippe De Jonckheere, Dominique Dussidour et Cécile Wajsbrot ont enrichi le dossier Des livres qui traînent : Je me souviens du livre mais pas de moi. C’était un livre vert ...

Suivre des auteurs en résidence, chaque mois ils nous donnent des nouvelles, des extraits de texte, des images, des films, du son ... Travail de terrain. Avec bien sûr les auteurs en résidence Île-de-France toujours aussi actifs, et le Général Instin à Montpellier et sur le site Textopoly qui poursuit sa conquête de la ville.

“Ce qui est n’est pas ce qui se montre”, la voix de Monchoachi (André Pierre-Louis) ne vient pas seulement de la montagne Vauclin, là où il vit, en Martinique. Elle prend source et souffle bien plus loin, dans l’espace et le temps, dans les profondeurs de la terre ou dans celles de l’océan, au contact des mémoires, à l’écoute des éléments, dans le scintillement d’un rai de lumière ou dans le tranchant d’une ombre coupante.

Voici belle manière de finir une lettre.

21 avril 2013
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