« Ils vivent une expérience inédite.  »

Jérémie Dres réside au lycée Daubié d’Argenteuil (95), où il anime un atelier hebdomadaire autour de la question de la mémoire et de sa transmission.
Il témoigne ci-dessous du déroulement et des fruits de cette expérience en cours, dont on peut trouver des traces illustrées sur le site :
Étape 1 – Récolte de la matière
Étape 2 - Écriture des histoires

Dans cette résidence, je renouvelais une expérience commencée un an plus tôt. Un projet d’ateliers né de ma rencontre avec Véronique Etienne, professeure d’histoire au lycée Julie Victoire Daubié d’Argenteuil. L’idée étant de les faire travailler sur un récit des origines, de transmission en partant interroger un témoin. D’enrichir le témoignage en explorant le contexte historique associée puis de construire une histoire sur 3 pages de façon graphique (bande dessinée, carnet de route…). L’aide de la région a permis de donner plus d’ampleur au projet. En particulier plus de temps et de réflexion. Depuis début octobre, je me rends toutes les semaines au lycée. Lors des premiers mois, les élèves ont vraiment eu le temps de se familiariser avec le sujet, réfléchir aux pistes àexplorer, aux modes d’expression et aux formes de narration. À travers des exemples, des références que je leur ai présentés lors les premières séances. Mais aussi grâce aux visites organisées àl’extérieur de l’école : àla médiathèque d’Argenteuil, àla Contemporaine de Nanterre et au musée de l’Immigration. Les intervenants rencontrés àces occasions leur ont apporté d’autres références visuelles et historiques, les ont familiarisés avec la notion d’archives, leur ont montré d’autres manières de raconter les origines et la transmission. Tout ça a vraiment nourri une réflexion chez les élèves et a permis de démarrer l’écriture des histoires sur de bonnes bases.

Globalement, les élèves sont assez impliqués. Comme ils partent souvent de leur histoire familiale, ils ont la volonté de la retranscrire le mieux possible. On sent aussi l’implication de la famille. Ce qui m’a le plus marqué, ce n’est pas tant les réactions des élèves (parfois un peu timides ou concentrés sur leur travail), c’est leur évolution et les résultats obtenus. Dés les premières séances, certains élèves sont partis avec de très bonnes idées. J’imaginais déjàque ces idées conduiraient aux meilleurs résultats. D’autres ont eu plus de mal àdémarrer. Je me souviens de ces 2 élèves, l’une d’origine congolaise et l’autre kurde : « on ne sait pas quoi raconter ! Notre histoire n’est pas intéressante !  ». Leur réaction m’avait vraiment interloqué. Mes plus belles surprises sont arrivés aux différentes étapes de conception, en corrigeant les travaux. Alors que les bonnes idées du début progressaient tranquillement, parfois un peu lentement, j’ai vu émerger de superbes histoires, inattendues. En particulier de ces 2 élèves qui avaient surmonté leur blocage et qui étaient parvenus àdes récits palpitants et émouvants. J’en suis très heureux car j’ai l’impression que c’est le travail dans la résidence, le rythme des séances, le temps passé qui a pu conduire àce résultat.

Je trouve qu’un résidence d’écriture dans le cadre d’un lycée amène quelque chose de vraiment intéressant. Même si l’attention des lycéens se focalise au cours de l’année vers des enjeux plus importants pour eux (le bac !), il y a tout de même ce temps d’échanges, cette disponibilité qui se transforme en énergie créative. Beaucoup ne rejoindront pas des métiers créatifs. Je trouve ça formidable de créer le contexte dans lequel ils vont prendre le temps d’interroger leurs proches et écrire leur histoire. La plupart n’aurait pas fait cette démarche et je pense àtous ces parcours de vie qui n’auraient pas été racontés. Je sais qu’au moment de la restitution, qu’ils seront particulièrement fiers de défendre leur projet. Et je pense que ce sentiment sera partagé par la famille. Grâce àcette résidence, ils vivent une expérience inédite.

14 mars 2019
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