Corinne Lovera Vitali | ccroche

Corinne Lovera Vitali s’appelle clv. Elle publie des livres depuis 1999. Tout ou presque de son travail se trouve sur son site et son site et son site.
Parus récemment : Ce qu’il faut chez publie.net, Ta sœure l’océan mon frèr chez Littérature mineure, 78 moins 39 chez Louise Bottu, la série C’est la valise chez Libr-critique. Invitée à Nantes elle a écrit Ronette et Modine qui sera bientôt publié, comme son dernier gros travail qui s’appelle Coupe-le.
Elle écrit parfois des textes tout isolés comme des taupes.
Chez remue aujourd’hui ccroche, autrefois l’apparadis et rmclv.
Sinon elle est bien occupée à faire le parlé musique avec Fernand Fernandez, la plupart du temps loin de la foule déchaînée, et quelquefois il y a du monde.


 

bien qu’il soit assez remarquable que les lunettes qui servent à voir s’agrippent aux oreilles je ne l’ai remarqué qu’à l’instant après avoir fait un petit dîner qui m’a ouvert l’appétit aussi ai-je pris à la suite le petit déjeuner qui m’a manqué toute la journée en observant que le désir de lire était de nouveau parti au loin le désir de lire part au loin lorsque l’anxiété de vivre l’emporte je crois bêtement que le désir de lire est le signe d’un grand équilibre puis je crois que c’est bêtement celui du grand déséquilibre de qui sait se tenir à juste distance de l’anxiété de vivre tandis que le désir d’amour qui ne disparaît jamais à l’instant où il est satisfait fait s’enfuir comme pour toujours le désir de lire quant au désir d’écrire ce n’en est pas un ce que je ne peux cacher quand il y a amour je me crois bien capable d’établir le classement optimal des désirs anxieux puis des désirs détachés de l’anxiété surtout après cette double collation je m’en suis cru bien capable tout le temps d’arriver là à ce mot qui est là et a fait fondre ma croyance en une ultime mise en ordre optimale de ma personne et depuis la venue de ce mot qui est personne je m’en tiens à cette évidence que je ne fais pas l’amour avec mes lunettes ni ne dors ni ne rêve avec mes lunettes et mes oreilles s’en trouvent évidemment allégées elles s’en trouvent libérées et à leur suite certainement l’ensemble de mes cartilages et de mon squelette tout le système qui le reste de la vie se tient accroché à des branches de lunettes de vue en croyant peut-être que ce sont de vraies branches en croyant quoi je le demande ici ce qui n’est pas désir d’écrire mais d’entendre et un peu plus fort stp que croit donc ce système de ce qu’il te fait subir en s’accrochant à la vue tandis qu’il manque tant du reste

avenant à propos des lunettes qui servent à ne pas voir bien qu’apparemment elles s’accrochent de la même façon aux mêmes oreilles c’est tout autre chose il s’agit de cannes blanches si je ne vois pas bien on ne me voit pas bien si je porte les lunettes noires on me voit toute noire et comment pourrait-il en être autrement si je ne vois personne personne ne me voit si je ne vois plus rien plus rien n’existe dans le noir je suis poule et ne vois pas le mal à être poule poule noire je suis c’est là une lente et bonne préparation à s’en aller finir un jour au fond du poulailler à ne plus pouvoir seulement se rappeler que poussins existent et coqs existent et poules poules poules toutes à plumes vives toutes piaillardes à vouloir une chose et une autre sans cesse à chercher de quoi se nourrir puis devoir niquer pondre puis besoin de s’en reposer pour presque immédiatement recommencer piquer niquer pondre aussi est-il préférable de ne pas voir et de ne pas être vu trop clairement et il est tout à fait adéquat d’opter pour la canne blanche une par œil je te prie

avenant à propos des autres poules qui ne comprennent pas elles ne comprennent jamais comment je passe d’un état à un autre mais bien sûr ce que poules vives ne comprennent pas ce n’est pas que poule noire passe du chagrin au rire ce que absolument personne ne cherche à comprendre car se pose-t-on la question de savoir pourquoi vous riez après avoir pleuré on est trop content d’oublier on est trop content de plonger dans votre sourire on est ainsi fait qu’on préfère le rire aux larmes dans l’absolu et dans l’absolu on préfère ne rien avoir à comprendre on préfère que la vie déroule son vieux bandeau de route usée sans trop de nids de poule et quand on est dans un nid de poule on se dit quelle misère un nid de poule et quelle misère je suis dedans la vie et la route et le poulailler et le monde tout n’est plus qu’un nid de grosse poule puis si on a de la chance on en sort et quand on en sort on oublie jusqu’à l’existence des nids de poule a priori l’idée de vivre en dehors des nids de poule tout en pensant aux nids de poule nous semble une idée de poule folle a priori on est fait et on est prêt pour la vie entre les nids de poule et on est tout à fait prêt à ne pas comprendre que sourire s’efface tout à fait prêt à ne pas comprendre que zyeux au lieu de papillonner humides se ferment lourdement et pleurent et enflent et regardent avec tristesse avec découragement et manque et désarroi on n’est que des poules on n’est que des incapables on est des poules pas capables de comprendre que zyeux s’attristent en même temps que parole s’emballe poules pas capables comprendre zyeux tranquilles planqués derrière crâne s’exhibent à pleurer et même bouche au lieu de picorer s’exhibe à parler poules pas capables comprendre besoin qu’a bouche de parler selon poule vie égale ruban et zyeux et bouche servent surtout à sourire pauvres poules de nous voient pas loin voient court pia hi pia ha etc. comme vouloir encore etc. que main serve à caresser mais slam etc. et amour serve à aimer mais bang allez suffit


La très jolie poule, brouillonne, impertinente, qui accourt afin de lire le texte de Corinne Lovera Vitali a été aperçue puis dessinée par Fernand Fernandez. Merci à lui.

9 avril 2018
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