Mathieu Brosseau | Et même dans la disparition
De Mathieu Brosseau, créateur de Plexus-S, nous avons déjà publié (été 2008) La nuit d’un seul, extrait d’un texte à paraître en 2009 dans la collection La Rivière échappée. Voici un autre extrait, venu d’un nouvel ensemble, Et même dans la disparition, qui sortira aux éditions Wigwam en 2010.
Mathieu Brosseau anime avec François Rannou la collection "L’inadvertance" pour "Publie.net" et collabore également à la revue "L’étrangère".
Alors, on dit que nos vies sont proches et que nos sangs sont parallèles. Ton groupe sanguin ? C’est O plus ? Le mien, c’est A moins. On sauve des vies avec ça, y a des mots qui se perdent, je veux dire qu’on sauve d’abord des mots avec notre sang. Bien plus que des vies.
De l’Alpha à l’Oméga, on recouvre toute l’étendue des possibilités sanguines ! Perfusion sans laquelle nous n’aurions pu interroger le départ.
La vie ? On sauve qui ? Des mots à deux jambes, des lettres qui nous ressemblent. La respiration n’est que fonctionnelle, enfin ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça !
Et la disparition, l’est-elle aussi ? Non, elle ne l’est pas, elle n’est pas chaude comme le souffle, elle n’a rien d’un volcan, personne ne la fréquente, elle n’est jamais dans aucune histoire, elle les survole, c’est tout, elle les achève pour de bon, en nous faisant croire qu’elle a un rôle humain. Pauvre d’elle !
Quant à ce livre, c’est toi, l’ange, qui le portes !, il est un bon tour fait à Madame la Disparition.
Je l’ai voulu aussi dense que le centre, pour cela il m’a fallu user de quelques malices ! Maintenant, on l’a presque achevé. Il s’intitulera : « Et même dans la disparition ». Joli titre, n’est-ce pas ? On y met les derniers mots, tout juste sauvés de l’effacement. Tu as raison, cette écriture tue ma parole. Mais n’oublie pas que de l’autre côté d’elle se trouve la lumière, l’intégrant dans un ailleurs. Ce n’est qu’une question de face. D’ailleurs, le titre de la vie ? c’est face, c’est jambe, c’est marre. Et puis, à vrai dire et pour ne rien te cacher, il n’existe pas plus de livre que de sujet. Il n’y a qu’un vent chaud reliant les âmes. Reliant nos âmes, devrais-je dire, car le titre interdit du livre, c’est « Nous ». T’aurais préféré qu’on fasse un livre sur l’incertitude ? Sur le choix et ce qui produit le mouvement ? Non tu n’aurais pas aimé. Ou sur la divagation ? ensemble de vagues s’entraînant les unes après les autres. Non, vraiment, j’ai bien choisi, ce livre est impérissable.
Oui, le livre de la disparition ne peut être qu’un livre d’espoir.
Ce qui est dit est dit.
Hé, l’ange, tu prends le large ? Console-toi et dis-toi que sans silence, il n’y aurait pas eu de dialogues, c’est la loi de l’absence sans laquelle il ne peut y avoir d’échange.
On s’accommode aux départs des uns tout en se préparant à déguerpir, nous aussi. Mes peaux se défont dans le temps et c’est pourquoi nous vieillissons. À moi-même, je dis : tu rêves de cul saint et d’amour maudit ? Ou l’inverse ? Pauvre diable, ignores-tu qu’il ne s’agit-là que d’un jeu ? Car ::: : tout est possible, y compris ce qui ne l’est pas, il n’y a qu’à inscrire son rêve,,, là,,, ou le laisser au vent ! Qu’importe, y croire !
Mais il faut y voir clair, l’impossible est un jeu aussi sérieux que la roulette russe.
Quand à nous, l’ange, je te l’ai dit, ce livre ne me reproduira pas, je passe l’hérédité comme ta voix passe les foules. On dira qu’on ne fait que passer. Passer, passer, passer. Pour se retrouver là. Ici.
Puisqu’il faut finir par le début, histoire de ne pas disparaître, je dis : Bienvenue à toi sur la terre des hommes, cher Monsieur M., tes préoccupations prennent une couleur animale. Pour t’éloigner de tout cela, tu dis : vague dans le minéral. Tu trouves-là une éponge pour ton esprit inconsolé. Puis tu songes à la disparition, tu sais que tu y trouveras la clef du temps.
Belle lumière, l’ange, tu vois là-bas qu’elle perce la terre des hommes ? Tu la vois entourer les ruines de pierre d’un halo de feu ? On raconte que l’amour y est éternel ……………….. à s’y confondre.
Je dis cela, comprenant qu’il me faut en finir avec les réveils prochains. Du coup, je me vois, main dans la main avec Madame la Mort. Nous parcourons les villes où l’homme meurt sans le dire.
Et la densité réside précisément ici : .
et c’est précisément là que j’envoie Madame la Mort aller voir ailleurs si j’y suis. Le seul souci, c’est que j’y serai, dans cet ailleurs.
Et même dans la disparition : Août / septembre 2008.