Un hymne à la paix : voix de Femme, de Bourreau, de Justice, d’Homme



  Un hymne à la paix (16 fois) a été composé et manuscrit pour Anne Slacik qui en a fait seize manuscrits peints.
  Un hymne à la paix : le dernier poème de Descartes tira l’épée, un ensemble en cours d’écriture. 16 fois : la construction de ce poème en seize étapes.
  On a quatre voix - pas des personnages, pas des allégories non plus, des entités : voix d’Homme, de Femme, de Bourreau, de Justice. Deux voix masculines, deux voix féminines.
  On écoute ces quatre voix, on explore toutes les relations possibles entre elles.
  D’abord chacune seule : quatre solos ; puis en duos : les six duos possibles ; puis les quatre trios ; enfin deux quatuors : deux hymnes à la paix — un de paix séparée, un de paix commune.
  Ici, l’hymne 15, de paix séparée : voix de Femme, de Bourreau, de Justice, d’Homme. Paix séparée : l’idylle du "chacun dans son jardin" - guerre civile déniée.
  Dominique Dussidour a écrit une présentation de ces seize hymnes, on la trouvera dans le cahier critique.


Voix de Femme
Nous allons dans la paix
par écœurement du sang versé, par lassitude
d’avoir tant de morts à enterrer,
par désir de silence.

Voix de Bourreau
À force de menaces, de distractions, de dispersion,
à force de répétitions, de caresses, à force de coups –
l’attention s’érode, la volonté cède
à la fatigue, à l’air du temps.

Voix de Justice
Retour aux faits, à l’ordre, à la raison.
Alors nous en jugerons quelques-uns
dans le respect du droit.

Voix d’Homme
Qu’est-ce qu’on raconterait.
Qu’est-ce qu’ils comprendraient.
On préfère rester entre nous.
On préfère le silence.

F.
Attrapez-en quelques-uns —
qu’on se sache dans la paix.

J.
On fera notre devoir.
On examinera tout.
On prendra le temps qu’il faut.

B.
Je prendrai ma part –
seulement la mienne.

H.
Nous reconstruisons.
Nous faisons notre métier,
nous le faisons bien, avec cœur,
consciencieusement.

B.
Au juge, et au juge seulement :
je peux vous aider, mais soyez juste avec moi.

J.
Je vous écoute. Je veux comprendre
le mode opératoire, les rouages.
Aidez-moi à atteindre le vrai coupable.

F.
On refait le monde : comme il était –
avec des améliorations.
On enlève les débris. On cultive à nouveau.
On imagine les pousses.

H.
On rêve l’unité du monde.
On la vérifie par gonds, paumelles,
clous, colle, boulons et écrous,
queues-d’aronde recouvertes.

F.
Cultivons notre jardin.

B.
Je cultive le mien.

J.
Combien de temps, d’années, tout cela
tiendra-t-il.
        – Je ne sais pas.
Je ne vois rien.

B.
Ce que j’ai appris, je le transmettrai.



  L’hymne 14 (voix d’Homme, de Femme, de Justice) a paru dans le numéro de janvier 2009 de la revue N4728, publiée à Angers par l’association Le Chant des mots.
  On peut lire l’hymne 11 (voix d’Homme, de Bourreau, de Femme) sur le site de l’auteur, imagine3tigres.net ; sur le même site, d’autres textes sur cet ensemble.
  Sur le site d’Angèle Paoli, Terres de femmes, l’hymne 2, Voix de Femme et sa traduction en italien par Beatrice Monroy, Voce di Donna.
  Eine Hymne an den Frieden est paru aux éditions Verlag im Wald.
  Un hymne à la paix (16 fois) est disponible en français, livrel en pdf et epub, sur publie.net.


Image Philippe De Jonckheere, Telephone drawing, 2006.

8 mai 2009
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