Au-delà du métier de commerçant
Michèle Chadeisson de la librairie Texture (Paris 19).
Résidences de Sandra Moussempès (2014), Benoît Casas (2016), Christophe Manon (2019), Dominique Quélen (2020), Marie de Quatrebarbes (en cours).
C’est la cinquième résidence d’auteur à Texture, cinq poètes. C’est intéressant d’aller au-delà du métier de commerçant (même si être libraire ne se réduit jamais au simple commerce de livres), de permettre à des lecteurs de rencontrer les écrivains qu’ils lisent, de faire découvrir l’univers et ce qui nourrit un travail d’écriture.
Je n’ai pas choisi Marie de Quatrebarbes, nous nous sommes choisies toutes les deux. Marie est venue à de nombreuses rencontres et a été invitée à la librairie à plusieurs reprises en tant que poète et revuiste. De même, nous avons travaillé à la commission poésie du CNL. Je l’ai vue prendre position et défendre des dossiers d’auteurs et d’éditeurs de poésie - j’admire sincèrement son engagement. Je suis heureuse de l’accueillir. Je la lis depuis longtemps, j’aime ses livres.
En général, le poète et la librairie proposent des rencontres tout au long de l’année selon un programme, un fil rouge, une thématique, définis par lui et selon sa recherche, ses préoccupations du moment. Tout cela a déjà été exposé dans un dossier déposé à la Région plusieurs mois avant le passage en commission d’attribution et le début de la résidence.
La collaboration entre l’auteur et la librairie se fait essentiellement en amont, au moment où il expose son projet, ses envies, ses besoins, les invités qu’il aimerait accueillir dans le cadre de cette résidence. Charge à la librairie de mettre tout cela en œuvre.
Charge à elle aussi d’annoncer et d’alimenter les informations autour de cette résidence (du moins autour de la partie de cette résidence qui se passe à la librairie), de mettre en avant les livres de l’auteur et d’accueillir le public lors des rencontres.
La librairie aide aussi l’écrivain à trouver une structure accueillante dans le quartier (école, collège, lycée, bibliothèque…), auprès de laquelle il fera des interventions autour de son travail ou autour de processus d’écritures. Ceci constitue l’autre partie de la résidence - la Région tient beaucoup à cette inscription, cette participation de l’écrivain dans un quartier (et les structures sont toujours enthousiastes).
Au niveau symbolique, je dirais qu’un auteur en résidence « habite » le lieu, lui donne une présence, une tonalité, un souffle bienvenus qui nous sortent, nous libraires, d’une certaine routine... même si nos journées sont toujours pleines de surprises... Souvent, les clients nous demandent en jetant des coups d’œil inquiets où dorment les écrivains en résidence. Ils ne « dorment » pas, ils hantent la librairie.
Moi j’adore ce moment où le poète prend ses marques dans la librairie, s’y met à l’aise et accueille ses invités, attend d’être questionné.e, d’interagir. C’est important pour son projet en cours. Et la résidence lui permet de souffler, de trouver une sérénité matérielle pour travailler, avancer.
Ensuite, on garde le contact, on est heureux de se revoir - dans un cadre plus centré sur la parution d’un livre... écrit pendant la résidence par exemple.
Enfin, la publicité d’une résidence apporte à la librairie une certaine notoriété dans le monde de la poésie : les informations concernant les parutions de livres sont facilités, les contacts avec éditeurs et poètes aussi.