Berlin

Kerstin Hensel, écrivaine vivant à Berlin, est l’auteure de romans et nouvelles, de poèmes et de pièces de théâtre. Certains de ses textes ont paru en français dans la revue Litterall.

Dans l’immeuble où j’habite j’ai un voisin qui est entraîneur d’un club de lutte. Il m’a demandé si je pouvais envisager d’accueillir deux jeunes Ukrainiennes qui se destinent à ce sport. Comme j’ai une pièce rarement utilisée, j’ai accepté aussitôt.
Ces deux jeunes filles viennent de Korosten, dans la région de Jytomir. De leur voyage je sais seulement que l’entraîneur est allé les chercher en voiture avec deux amis. C’est tout un groupe de jeunes lutteuses qui est en fait arrivé à Berlin. Nos vies sont complètement séparées. Nous avons pris le repas familial de Pâques en commun mais sinon les jeunes filles restent entre elles ou retrouvent les membres de leur équipe. Il y a un groupe WhatsApp qui s’intitule « Herbergseltern », les hôtes, sur lequel on peut échanger en cas de problème ou quand on a des informations à partager. Dans l’ensemble ce sont plutôt des parents d’enfants qui sont membres de clubs de lutte allemands. Moi je n’ai ni la compétence ni le temps de m’occuper « professionnellement » de ces jeunes filles. Je ne peux leur offrir que le gîte et le couvert. Depuis quelque temps elles sont souvent en voyage à travers l’Europe pour participer à des compétitions ou pour leur entraînement. Elles ne parlent que le russe. Nous nous comprenons grâce à une application de traduction mais c’est quand même très compliqué. Nous ne pouvons malheureusement pas avoir de vraies conversations. Je le regrette d’autant plus qu’elles n’abordent jamais la situation politique actuelle.
Je fais quelquefois des courses pour elles mais la plupart du temps elles les font elles-mêmes car elles suivent un régime alimentaire particulier. En ce qui concerne les problèmes administratifs, ce sont d’autres personnes qui s’en occupent.
Ces jeunes filles sont différentes chacune : celle qui a 15 ans se montre serviable, amicale, attachante, elle est davantage demandeuse de mon aide ou de mes conseils que celle âgée de 18 ans. Comme l’essentiel, pour elles, c’est le sport et les compétitions, je ne peux pas beaucoup m’impliquer. La vie en commun est au fond assez simple.