Myriam Oh | J’ARRIVE (tu peux mettre la table)
je ne te promets pas d’être là à l’heure
je ne te promets pas d’être là un jour d’ailleurs
je ne te promets rien je t’informe juste
que je suis momentanément en route
que ça peut prendre des heures des années une vie
mais que ça ne nécessite aucune grève de la faim :
tu peux mettre la table,
tu peux casser la croûte,
défaire le lit ou refaire le monde
j’arrive
mais ça ne nécessite pas de mettre
les petits plats dans les grands :
il se peut qu’en arrivant
je mette les pieds dedans
à l’heure où ce n’est pas le bon moment
ce sont des choses qui arrivent souvent
il se peut qu’en arrivant
je trouve la table rangée
dans un coin d’un lieu de vie abandonné
par quelqu’un de momentanément en route
j’arrive
(tu peux mettre la table)
mais ne mets par les restes sous vide :
partage-les
ou revisite-les
ne t’inquiète pas pour ceux qui partent
la route creuse, autant qu’elle nourrit
j’arrive
(tu peux mettre la table)
ne réserve pas la place dans ton cœur :
ouvre-le
laisse-le battre
et si ça passe joue encore
et si ça casse joue encore quand même
j’arrive
je ne te promets rien :
promettre c’est décevoir
j’arrive
mais ne m’attends pas :
attendre c’est être déçu
j’arrive
(tu peux partir aussi)
et quand bien même la seule certitude
qui reste
serait celle de l’absurdité de la vie :
si tous les chemins mènent nulle part
on s’y retrouvera bien.