Nicolas Struve | Hier soir (Vie bonne)


***

L’horizon grimpe le col (en danseuse). Changer de braquet, pourquoi ! Une toile peinte que tous les vents ébouriffent. Plus vraie que nature, c’est l’homme ! L’homme !
Il s’agite là-bas le col haussé (va-t’en t’y retrouver) : retrouve ton souffle ; ne mets pas tous tes rêves dans le même panier !
Regarde la vie se souligner au crayon rouge biffer ses notes ronger les bas de pages.
Ils hésitent les hommes ils sont tentés : si on laissait la destruction opérer mais en douce ?
Décor tout or costume blanc lawn-tennis madone caméra tourne très lentement !
Prière Mayday ! Mayday ! Sondez le spectrogramme !
(Les bombes le phosphore).
Bon dieu cette voix de seconde main de doublage bâclée ! Où est la V.O. !? Remettez la peau àcet écorché !

L’art pensez-vous c’est aisé ?
Oui ce film est un microsillon usé : l’inquiétude y miaule
On y donne son cœur àmanger
Hommes - chasseurs : C’est moi ou lui - lui ou lui - mi et mo
Font de leurs dieux des lapins de leurs lapins des dieux les sacrifient
Les fusils s’en sortent seuls
On gueule « Â Dimanche !  » mais on fuit l’oisiveté. Chacun agit jusqu’àen crever.
Il faut tout reprendre.
Qui en a fait la (pro)messe ?

On a tout balayé. Brisé les tables. Fragmenté ce qu’on pouvait. Cru àrien et aimé tout ; aimé rien cru àtout.
Chacun fait sa parole idéale sa cloche de survie son bunker son palais vrai.
En gonfle en papier huilé en caoutchouc renforcé en sang d’cochon en feutre gris en fulmicoton :

Fuyez-fuyez petits enfants !

Bouts d’Florentin, moellon d’médecin (américain), fragments d’trafiquant d’arme, rivet d’russe qu’aime le brandy, là-bas la dame qui a écrit au maît’, mortier de suicidés de ceux qui vendent leurs poèmes dans les charrettes ; n’oublions pas les vites, ceux qui ont tout : la précision la fluidité l’élégance la faiblesse l’endurance la suspension pneumatique et
Partent en tête-à-queue sur le papier
Ah les traces de gomme laissé par le poème sur la piste
Les miens c’est un poster de James Hill dans ma chambre d’adolescent.

(Où sont les pères ?)
(Partis !)
(C’est bien.)

*

Ce soir, c’est grand bal. Il faut voir comme on se lâche : - Que veux-tu, Yo, c’est depuis toujours la fin ! - Tu veux dire Ya : depuis toujours le début ? déclare Karaté Kid àson copain p’tit Dracula. « Â Une tendresse infinie  ». Un infirmier confirme : « Â On boit, on numérote les abattis dans la bonne humeur. Au loto, la ligne horizontale c’est crève la dalle, la verticale c’est couronné.e d’laurier, la grille complète - résurrection. Mais toujours, sur la piste, ils se sentent comme un poignard dans l’estomac  ». Une brune àregard intense et fume-cigarette déclare : chaque séparation est une abeille morte.
Tout se suspend il
semble qu’on soit
comme mort en
cette fin d’après-midi ou
est-ce l’atmosphère des
compromis ?

(- Asphodèle, te souviens-tu ?!)

*

On se fie aux voix. Aucune belle voix ne parle que derrière un mur. On ne distingue jamais qu’un mot sur trois. On est envoà»té. Des roses, des boules de mimosas. Un filet àpapillon qui ne s’assèche pas. Les bras sont nus. Le pré est là. Ces voix ne sont hommage àrien et tout pousse dans leur terre, boulot sacré et les épaules moulues. Ô, ton épuisement, pas de salut. Tant mieux. Le maître est làderrière le mur avec son tee-shirt « Â according to My own rules  » !

Aucune autre belle voix ne parle que dans un jardin clos. Tatiana, c’est toi ?
Mon dieu, cette voix aiguë des jeunes filles qui ne vous regardent pas.

Le poème est toujours parti avec un(e) autre

*

Bonne nouvelle leçon de chose : « Â Le monde se prolonge en nous - nous en lui  ». Chemins vicinaux - autoroutes nationales - lignes neurones synapses - métros tramways : trottine !
Le principe de causalité ordonne, l’imagination commande. Le petit lapin vit de mirages, de reflets mais, sait-on pourquoi, les coups portent pour de vrai. Courage.
Pattes liées peau retournée
A la première balle miroir brisé sanglots. Avions-nous oublié ?!!
On se reprend. Il faut connaître ! Ah, l’étude l’application l’espérance !
Un p’tit nom ? « Â Suis-qui-souff’  ». Souffle ou souffre ou pense, la dispute remonte àla nuit des temps.
Un doigt se lève : « Â Suis-qui-connaît !  ».
Pinocchio lève-toi ! Achille rentre sous ta tente ! Dimitri flanque tes coups de haches ! Panpan observe le sang sur ta fourrure blanche !
Une autre : suis qui connaît pas !
Allez courez garçons amusez-vous oubliez l’heure pour une fois.
Oui Maman !
Ils ne rentreront pas.
Ç’est vivre ça ! Ah l’ingratitude !
Et les foules les poètes par tout manipulés !
Avec les meurtres les regrets les enfant les quatrains les bouts rimés les internements les culottes courtes (il y a des constantes).

Parfois tout de même quelqu’un.e coupe les fils.

Oh ah oh ah !

(Et compter les morts, quelqu’un le fait ?)

*

Ici, dit-on, les phrases sont des perches avec lesquelles on saute hors du livre. Le sait-on qu’il faut, après les avoir fichées au bout de la page, leur imprimer une torsion vigoureuse et les accompagner de tout son corps afin que, se redressant, elles vous propulsent.

*

Lettre du 18 février 203……

Du sous-lieutenant C&M au commandant R&C

« Â Mon commandant,
Nous sommes en territoire d’ennemis
Qui se glissent dans le camp énucléent les chevaux
Lâchent des renards bouffent les estomacs.
Chacun meurt avec constance.
Sous la peau la peur a des mouvements vifs saccadés tantôt, tantôt lents dansants.
On l’apprivoise àla vitesse de sa propre dureté.
Poèmes – n’est-ce pas !
On trouve des fouines des bêtes des scarabées royaux
Au plus vif de l’hiver il faut voir l’aigle déchirer l’hermine
La voir pensive entre ses griffes sur la neige les gouttes de sang

Gagnerons-nous la population ?
Se vengera-t-elle de notre légèreté des siècles durant ?

Chaque défaite est pour nous une occasion de fête.
Elles durent. Les hommes se droguent se saoulent se prennent entre les bras
Il en va ainsi depuis si longtemps
Les basses sont àfond

Pour l’instant nous perdons nos positions nous /éclatons comme quille au casse-pipe
Un flacon d’éther dans sa mallette
(En se répandant l’éther imprègne le poème)

Cette vie est rude. Rien ne n’y prépare :
Que faire ?

Sous-lieutenant C&M  »

30 septembre 2020
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