Tout au long de son histoire, la littérature a su se saisir des formes privilégiées par les moyens techniques de son époque pour atteindre à son extrême. Du haïkaï japonais aux mémoires manuscrits de Saint-Simon, du feuilleton pour Dickens, Dostoievski aux livraisons de revue pour Balzac, ou bien au format des nouvelles des magazines américains pour Edgar Poe, Henry James ou Raymond Carver, l'histoire de la littérature est toujours l'histoire de ce par quoi elle rompt avec ces usages dominants de la forme en se les appropriant. On reproche à la lecture Internet de décourager la lecture dite extensive. La numérisation des textes ne vise d'ailleurs pas à la remplacer, mais à en permettre d'autres approches. Si Internet fait émerger d'autres modes de lecture, par exemple en rendant possible et bien plus forte une succession de textes très brefs, à nous de nous en saisir pour y hisser nos exigences littéraires : il se trouve que cet usage de la brièveté comme fait majeur de l'intervention narrative est déjà inscrit dans la tradition littéraire, et ses usages contemporains les plus significatifs, Franz Kafka le tout premier. Le sonnet, en poésie, ne procédait pas autrement. C'est une des raisons de l'exploration présentée ici. Le premier texte de cet échantillonage très arbitraire en est un des plus admirables exemples : Daniil Harms... et à suivre. Bon voyage.