Philippe Aigrain | Fodé
Sœur(s) est paru en septembre 2020 aux éditions publie.net. C’était le premier roman de Philippe Aigrain, qui nous a quittés durant l’été 2021. Philippe était une référence pour beaucoup, mais aussi un lecteur, un poète, un ami. Pour nous au sein de la maison d’édition qu’il a dirigée pendant plus de cinq ans, il était tout cela à la fois.
J’ai adoré travaillé avec lui sur Sœur(s). D’abord parce que le roman est d’une richesse et d’une finesse rares. Que c’est un vrai moment de littérature, mais aussi de fiction, de mise en voix, littéralement, de narration. Mais comme il arrive souvent au cours du travail éditorial sur un texte, lorsqu’on relit avec l’auteur le manuscrit, suggérant ici des reformulations, là des réécritures, on est parfois confronté à des moments où l’on est pas certain que tel ou tel passage corresponde bien au livre. C’est arrivé avec Sœur(s). Ce n’est pas grave en soi. Et les passages auxquels je pense n’étaient pas mauvais en eux-mêmes, simplement ils semblaient éloignés du cœur du livre et de ses sujets. Comme pour le reste de mes retours, Philippe en a tenu compte, et plutôt que de chercher à faire rentrer dans une forme qui lui correspondait mal des paragraphes auxquels par ailleurs il tenait (ce qui est toujours tentant), il a choisi lui-même de les retirer du livre. Je crois que c’était le bon choix et que le roman y gagne. Et je crois qu’il le croyait aussi. Ces passages, je les mets de côté pour l’instant, peut-être qu’ils serviront dans un prochain livre, m’a-t-il dit en substance. Et, bien qu’un prochain livre existe, puisqu’il y travaillait le mois même où il est mort, ce projet-là ne s’y prêtera pas.
Reste donc ce texte, ces textes, prévus initialement pour être disséminés dans le roman, et qu’il est possible de donner à lire comme un tout linéaire. En les récupérant d’une version antérieure du manuscrit aujourd’hui, plusieurs mois après ce 11 juillet où il nous a quittés, et en les relisant, je constate combien ils lui ressemblent, et combien on le reconnaît à travers eux. En l’occurrence, ces passages concernent l’aide aux réfugiés, et plus particulièrement l’accompagnement aux mineurs isolés, qui l’ont beaucoup occupé ces dernières années, via diverses formes (Philippe était avec Marie Cosnay, qui publie à ce sujet Nos corps pirogues chez L’ire des marges cette année, à l’origine de l’initiative J’accueille l’étranger). Je ne sais pas jusqu’à quel point ces passages sont autobiographiques (il disait lui-même qu’il avait insufflé de la vie réelle dans son écriture) et au fond c’est secondaire. Je sais en revanche qu’il est utile de les donner à lire, ici même, pour qu’ils soient touchés, et qu’ils touchent en retour.
Toutes les photos sont de l’auteur.
Sœur(s) de Philippe Aigrain chez publie.net :
https://www.publie.net/livre/soeurs-philippe-aigrain/