Gian Mario Villalta | Poèmes



Ils sont partis

Ils sont partis – tu croyais quoi ? – partis, tu les vois pourtant
quand tu veux, les saules sur l’eau comme tu vois
le flanc du fossé et l’air qui couronne les heures. Et puis ?

Puis les fers rouillés, épis de sorgho transpercés
par les roues folles de l’andaineur bleu comme le ciel,
bottes esquintées.
Et puis les pas sont partis
ils ont abandonné,
les bouches de ce temps où le mot andaineur
laissait un goût de poussière et de graisse.
Tu les vois pourtant, tu crois qu’ils reviennent si tu dis « Et puis » ?

Ils sont partis comme partent tes morts quand le temps
est à la marge et l’hiver pousse dehors par le peu de lumière
ils vont comme tu vas parmi les vivants – peux-tu dire que tu sais ?

Tu portes les saules les visages les baisers les gestes – tu te prenais pour qui  ?
ils pensent à toi, quand tu es songeur
ils veillent, ils ne veulent rien, c’est impossible, si tu demandes.

Sono andati via

Sono andati via – che ti credevi ? – andati ma tu li vedi
quando vuoi i salci sull’acqua come la vedi
la costa del fossale e l’aria a corona delle ore. E poi ?

Poi i ferri ruggini, ciuffi di sorgo e poi trafitti
sulle ruote folli del ranghinatore celeste
stivali rotti.
E poi sono andati via i passi
che hanno lasciato lì,
le bocche di quando la parola ranghinatore
stingeva un sapore di polvere e grasso.
Ma tu li vedi, tu credi ritornino se dici « E poi » ?

Sono andati come vanno i tuoi morti quando il tempo
è sull’orlo e l’inverno spinge all’aperto per la poca luce
vanno come anche tu vai tra i vivi – puoi dire che sai ?

Tu porti i salci i volti i baci i gesti – chi ti credevi ?
ti pensano, se sei assorto
vegliano, non vogliono nulla, non possono, quando chiedi.

Tu es très fatigué, disait-elle. Il faisait froid, oh !
tellement froid, même quand dehors tout était en fleur
et qu’il y avait du soleil sur le miroir de l’armoire,
le lait sucré pour la toux qui coupait le souffle.

Depuis le souvenir de ton premier été
d’une photo elle te dévisage : ta mère
qui porte une enfant sur la hanche, elle prend encore la pose,
en chaussons, ainsi sont restées derrière vous

les branches – sans les roses – qui contournent le mur
la sauge dans les pots sur la table de ciment.
En revanche le canal est à l’arrière de la maison et tu ne vois pas
les saules en rangées, petits, tes préférés,
qui en cette saison sont d’ailleurs moins jolis.

Au contraire le mur jaune et rêche était très beau
même si le jaune n’est pas sur la photo,
et qu’il semble juste un peu moins blanc que le blanc
de la robe de ta mère et du ciel.
Les années sont passées vous êtes toujours tous là.
L’enfant au maillot rayé ce serait toi.

Sei molto stanco diceva. Faceva freddo, oh !
quanto freddo anche quando fuori era tutto fiorito
e c’era il sole sulla specchiera dell’armadio,
il latte zuccherato per la tosse che si prendeva il fiato.

Dopo il ricordo della tua prima estate
ti fissa da una fotografia : tua madre
che porta una bimba sul fianco, ancora in posa
in ciabatte, come sono restate dietro di voi

le rame – senza le rose – che girano l’angolo,
la salvia nei vasi sul tavolo di cemento.
La roggia invece è dietro la casa e non vedi
i salci in fila piccoli, i tuoi preferiti,
che in quella stagione però sono meno belli.

Era bellissimo invece il muro ruvido giallo
anche se il giallo non c’è nella foto
e pare solo un po’ meno bianco del bianco
dell’abito di tua madre e del cielo.
Gli anni sono passati siete sempre lì tutti.
Il bambino con la maglia a righe saresti tu.


*


Hibiscus

Hibiscus, tu n’as pas été abandonné,
n’insiste pas, tu n’as jamais su
d’où tu venais, et les feuilles, les fleurs
des beaux jours c’était quelque chose
que tu n’as pas compris, jamais.
Tiens bon, c’est normal
toute cette obscurité, et les voix de plus en plus
lointaines. Ces fleurs
ces feuilles, qui les a vues ?
Et même si quelqu’un
en a arraché une
ou deux (tu ne sais
pas si pour les jeter, pour se parer
ou s’il les a perdues) c’est cela
le sens de tout, la beauté de la chose ?

Ibisco

Ibisco, non sei stato abbandonato
non insistere, non hai mai saputo
da dove vieni, e quelle foglie, quei fiori
nella bella stagione erano un fatto
che non hai compreso, e non mai.
Non arrenderti, è normale
tutto ’sto buio, le voci sempre più
lontane. Di quelle foglie,
di quei fiori, chi se n’è accorto ?
E chi invece uno
o due ne ha strappati (non sai
neppure se li ha buttati o se n’è
ornato o li ha persi) è stato quello
il senso di tutto, il suo bello ?

« Hibiscus, nous nous sommes touchés, nous avons été
le même temps, mais qu’est-ce que tu sais de la terre,
toi, dans la terre, qu’est-ce que tu ressens ?
Les mots, les images
savent en moi la matière
comme toi tu me connais si je tords
ta tige, réchauffe ton écorce
avec les mains, amène du terreau, des graines
de potassium.
Un chien ronge
tes racines dans le noir, en rêve
tu pousses sur mon corps dénudé »

« Ibisco, ci siamo toccati, siamo stati
lo stesso tempo, ma cosa sai della terra,
tu nella terra, che senti ?
Le parole, le immagini
conoscono in me la materia
come tu sai di me se ti torco
il fusto, intiepidisco la scorza
con le mani, porto terriccio, grani
di potassio.
Un cane addenta
le tue radici nel buio, nel sogno
cresci sul mio corpo nudo. »

« … éviter d’être surpris
à te parler – seulement en pensée
Hibiscus, je t’appelle, même si je ne voulais pas
il y aurait toujours des mots
dans ma tête : je ne comprends pas
pourquoi ils cherchent dans ton existence
ce sens qu’à l’existence humaine
ils ne savent pas rendre. Tu as froid,
je le sens, je pense que tu t’assèches
comme un désespoir.
Il arrive que tu m’imposes du bonheur,
dans la belle saison, et je demande
pourquoi (ce n’est pas que les fleurs, les couleurs…)
qu’est-ce que tu sais de toi, et de toute chose,
qu’est-ce que je sais de toute chose et de moi ? »

« … evitare di farsi sorprendere
a parlarti – solo tra me e me
Ibisco, ti chiamo, anche se non volessi
ci sono sempre parole
nella mia mente : non capisco
perché inseguano nel tuo vivere
il senso che al vivere umano
non sanno rendere. Hai freddo,
sento, penso che inaridisci
come una disperazione.
Succede che mi imponi felicità,
nella bella stagione, e chiedo
perché (non solo i fiori, i colori…)
che cosa sai tu di te, e di tutto,
che cosa so io di tutto e di me ? »

Tiré de Dove sono gli anni – Gian Mario Villalta
(Garzanti, 2022)

28 juillet 2023
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