[2] construire sa documentation 1

« Que veux-tu qu’on fasse sans livres ? »
Sade (lettre à Mme de Sade, mars ou avril 1779).




Cet article rassemble les textes qui appartiennent directement ou indirectement au projet Sade écrivain. Il sera complété au fur et à mesure. On trouvera une bibliographie complémentaire au début de chaque article ou presque.


 

Écrits de Sade

a) œuvres de fiction (romans et nouvelles) :
Œuvres complètes du marquis de Sade éditées par Annie Le Brun et Jean-Jacques Pauvert, 15 tomes, (éditions Pauvert, 1986).

Les Crimes de l’amour, « nouvelles héroïques et tragiques » précédées d’une Idée sur les romans, texte établi et présenté par Michel Delon (Gallimard, 1987 ; Folio classique n° 1817). Son Introduction retrace la façon dont la réputation de Sade s’est construite dans les gazettes de l’époque, les rumeurs s’amplifiant jusqu’à faire de lui cet « exécrable scélérat » vivant parmi des hommes « civilisés » avant même qu’il ait commencé de publier - ses romans semblant dès lors avérer ce portrait à rebours - ainsi que l’historique des lectures de ses œuvres au XXe siècle. Delon distingue trois fils de lecture principaux : médicalisation de l’œuvre (début du XXe siècle) ; dialectisation (Klossowski, Lacan) ; textualisation (Apollinaire/les surréalistes/Heine/Lely/Pauvert ; Blanchot/Bataille/tel quel).

C’est Michel Delon qui a établi les trois volumes d’œuvres de Sade parus en Pléiade à partir de 1990 : volume 1, Les Cent Vingt Journées de Sodome ; volume 2, les trois versions de Justine ; volume 3, Histoire de Juliette. Nombreuses références historiques et littéraires.

Aline et Valcour ou le Roman philosophique, « Écrit à la Bastille un an avant la Révolution de France », édition établie, présentée et annotée par Jean M. Goulemot (Livre de poche, collection Classiques, 1994).

La Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux, édition présentée, établie et annotée par Yvon Belaval (Gallimard, 1976, folio classique 800).

Les Infortunes de la vertu, texte établi sur le manuscrit présenté et annoté par Béatrice Didier, préface de Jean Paulhan avec le célèbre « Justine, c’est lui [Sade]… » (Gallimard, 1970, folio classique 963).

Justine ou les Malheurs de la vertu, avant-propos de Gilbert Lely (10x18, 1969).

Œuvres en édition numérique, lectures en ligne :
deux romans chez publie.net : Les Cent Vingt Journées de Sodome ou L’école du libertinage et La Philosophie dans le boudoir ou Les instituteurs immoraux
nombreux textes et documents sur Gallica dont la première édition d’Eugen Dühren en 1904 des Cent Vingt Journées de Sodome, elle porte encore le numéro 1524 de l’Enfer où la BNF l’avait classée
romans et nouvelles sur wikisource.

b) autres textes :
Opuscules et lettres politiques (1789-1794), préface de Gilbert Lely (10|18, n° 1321, 1979).

Voyage à Naples, préface de Chantal Thomas (Rivages poche, 2008). Une partie de Voyage d’Italie, un des premiers textes écrits par Sade. Première publication en 1967. Après un premier séjour en Italie de juillet à septembre 1772 afin d’échapper à la condamnation à mort par contumace prononcée contre lui par le parlement d’Aix, Sade y retourne en 1775-1776 avec son valet Carteron, à nouveau pour échapper à la justice.
Il écrit : « Le froid fut cet hiver-là à Paris d’un degré plus fort qu’en 1709. Tout l’hiver à Naples on put s’y promener. Nous n’y eûmes ni neige ni glace, et il n’y eut pas huit jours où le feu fût indispensable. […] Tout l’hiver nous mangeâmes des petits pois, et nous eûmes des fraises à la fin de mars. »

Florence ou la dépravation des mœurs [sous-titre de l’éditeur] (Nous, 2011), notes de l’auteur, récit extrait de Voyage d’Italie, 1775.

D’autres extraits dans Italies. Anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et XIXe siècles établie par Yves Hersant (Robert Laffont, collection Bouquins).

c) correspondance :
Lettres à sa femme, choix, préface et notes de Marc Buffat (Actes Sud, collection Babel, 1997). Correspondance rédigée pendant la détention à Vincennes.

Cinquante lettres du marquis de Sade à sa femme établies et annotées par Jean-Christophe Abramovici et Patrick Graille, préface de Pierre Leroy, préface de Cécile Guilbert, quelques lettres en fac-similé et leur transcription avec orthographe d’origine et corrections (Flammarion, 2009). Correspondance en majeure partie rédigée à Vincennes, quelques lettres écrites de la Bastille.

Lettres choisies, préface et note sur les signaux de Gilbert Lely (Jean-Jacques Pauvert, 1963 ; réédition 10|18 n° 443). Trente-deux lettres écrites en 1777, 1779-1784, 1790-1794, adressées à la présidente de Montreuil sa belle-mère, à Madame de Sade, à Martin Quiros et Monsieur Carteron (une seule et même personne : son valet) ; à Mademoiselle de Rousset son amie : « Étrennes philosophiques » (26 janvier 1782), « L’aigle, Mademoiselle… » (17 avril 1782), « Le carillon de Vincennes » (mai 1782) ; les dernières s’adressent à Gaufridy son notaire à Paris, à Reinaud son notaire à Aix, au président du club de la Constitution à la Coste.

Lettres inédites de D.-A.-F. de Sade, correspondance publiée avec introduction, biographies et notes par Jean-Louis Debauve, préface et chronologie d’Annie Le Brun (Ramsay/Pauvert, Paris, 1990). 285 lettres, billets, pétitions de 1763 à 1814, dont une abondante correspondance de Sade avec ses différents notaires.

Bibliothèque Sade : Papiers de famille, tome 1. Le Règne du père (1721-1760), sous la direction de Maurice Lever (Fayard, 1993). Lettres écrites par le comte de Sade (1702-1766) ou adressées à lui, certaines annotées de la main du marquis son fils. D’après les archives du comte Xavier de Sade, leur descendant direct. Correspondance politique, littéraire qui montre une grande intelligence des conduites humaines et des relations en société.
Les correspondants du comte de Sade, militaire et diplomate, sont nombreux : prince de Condé, Électeur de Cologne, maréchal de Saxe, cardinal de Fleury, marquis de Poyanne, duc de Choiseul, certains resteront inconnus ; parmi ses correspondantes féminines Mme Raimond de Longeville, ancienne maîtresse devenue sa fidèle amie et chez qui le jeune Sade séjournait régulièrement. On informe et se moque, donne des nouvelles de Versailles, morts, mariages, disgrâces, anecdotes et scandales, saison à l’Opéra, dans les théâtres, on recopie une chanson, une épitaphe, un catalogue d’œuvres satiriques, on sollicite ou remercie pour un service ; en retour, le comte donne des nouvelles des cours étrangères, alliances, guerres, rapports de forces entre les grandes puissances européennes.
On y voit un père attentif à favoriser la carrière militaire de son fils, veillant sur lui à distance grâce à ses relations dans l’armée, soucieux de l’établir, de le marier (Donatien est le seul survivant de ses trois enfants et la famille manque d’argent).



Où il est directement question de Sade

Guillaume Apollinaire, L’Œuvre du marquis de Sade, Bibliothèque des curieux, Paris, 1909, numérisé par l’université de Toronto. Introduction, essai bibliographique et notes. Lettres de Sade retrouvées dans les archives de la Comédie-Française. Extraits de romans et de lettres. Huit illustrations hors texte. Apollinaire a lu Les Cent Vingt Journées de Sodome dans la première édition - deux cents exemplaires sur souscription - établie par le psychiatre berlinois Eugen Dühren en 1904, à l’époque c’était la seule. Le XXe siècle entre donc dans le château de Silling à la suite d’un psychiatre et d’un poète.

Maurice Nadeau, Sade, l’insurrection permanente suivi de « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » par D.A.F. de Sade (Les Lettres Nouvelles, 2002). Réédition d’un texte paru en 1947 sous le titre Œuvres, une anthologie d’extraits de La Philosophie dans le boudoir, Juliette et Les 120 Journées, précédés d’une « Exploration de Sade ». En 1947, explique Nadeau, une bonne partie de l’œuvre de Sade était encore inédite, pour le lire il fallait être introduit dans l’« Enfer » de la B.N., lui le fut sur la recommandation de Pascal Pia à qui le texte est dédié. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, Nadeau fait partie de ceux qui se sont battus contre la censure afin que les œuvres de Sade accèdent à publication, ce qui explique le ton véhément et polémique ainsi que l’attention portée principalement aux idées et à la philosophie de Sade. (La même année, 1947, il formait un comité de défense d’Henry Miller poursuivi pour « atteinte aux bonnes mœurs ».) Dans ce volume, une Biographie du marquis de Sade d’après la chronologie établie par Maurice Heine.

Maurice Heine, Le marquis de Sade, Gallimard, 1950. Le texte est préfacé et établi par Gilbert Lely. Il se compose de « Sous l’étoile à huit rais d’or », essais de critique sadiste ; « La conception romanesque chez le marquis de Sade », une conférence inédite ; les fragments inédits d’une « Vie de Sade ». Un des plus beaux textes écrits sur Sade. C’est Maurice Heine que le vicomte de Noailles envoya à Berlin, en 1929, acheter le rouleau des Cent vingt journées au psychiatre berlinois Eugen Dühren, il le déchiffra et en donna la première édition vendue alors en France sur souscription.

André Breton, Anthologie de l’humour noir (Jean-Jacques Pauvert, 1966). Entre Swift et Lichtenberg, présentation de Sade, extraits de Juliette, une lettre à Mme de Sade. Textes dans plusieurs numéros de la revue La Révolution surréaliste, ici de Marcel Noll.

Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola (Le Seuil, 1971 ; Points Seuil n° 118). En fin de volume, une « Vie de Sade » en miniature : 22 instantanés sur son amour des chiens, le duc de Blangis dans Les Cent Vingt Journées, ses voyages en Italie, etc. « Si donc Sade revenait souvent à la Coste, au sortir de randonnées agitées, ce n’était pas par le beau mouvement de purification campagnarde qui pousse le gangster d’Asphalt Jungle à venir mourir la barrière de sa ferme natale ; c’était, comme toujours, selon un sens pluriel, surdéterminé et probablement contradictoire » (Barthes).

Yukio Mishima, Madame de Sade (version française d’André Pieyre de Mandiargues, Gallimard, 1976). [Mise en scène de Sophie Loucachevsky, 1986, Théâtre national de Chaillot.] Trois actes, trois moments clés de la vie de Sade : à l’automne 1772 au retour de son voyage en Italie avec Anne-Prospère sa belle-sœur ; à la fin de l’été 1778, début de son incarcération à Vincennes ; au printemps 1790, à sa libération de la Bastille. Un seul lieu : le salon de Mme de Montreuil. Personnages : Renée, marquise de Sade ; Mme de Montreuil, mère de Renée ; Anne-Prospère, sœur cadette de Renée ; baronne de Simiane la dévote ; comtesse de Saint-Fond l’effrontée (nom emprunté au Saint-Fond de Juliette) ; Charlotte, femme de chambre, pas indifférente aux discours révolutionnaires d’émancipation. Autant de points de vue sur Sade que la marquise refusera de revoir.

Lely Gilbert, Vie du marquis de Sade (« nouvelle édition revue et très augmentée », Jean-Jacques Pauvert aux éditions Garnier Frères, 1982). Avec seize illustrations documentaires, et cette phrase de Herman Melville en exergue : « La vérité exprimée sans compromis a toujours des bords déchiquetés. » Poursuivant les travaux de Maurice Heine auquel il rend hommage, cet ouvrage a établi l’existence historique du marquis de Sade. La note 1 de chaque chapitre énumère ses sources principales : manuscrits, archives et bibliothèques, fonds et collections publiques ou privées ; imprimés. Il est difficile de s’en déprendre quand on écrit sur Sade tant il est à la fois érudit et en empathie avec le marquis, marchant dans ses pas de la Coste à Vincennes, retraçant sa vie quasi au jour le jour.
En fin d’ouvrage, un « Répertoire des éditions originales du marquis de Sade » parues du vivant de l’auteur et classées en ouvrages littéraires et opuscules politiques ; des éditions posthumes publiées par différents éditeurs dont Maurice Heine, Gilbert Lely et Georges Daumas ; longue liste des manuscrits non retrouvés ou détruits : mentionnés par Sade dans son Catalogue raisonné de 1788 et dans ses Cahiers personnels ; saisis chez l’éditeur Massé le 15 ventôse an IX [6 mars 1801] (dont Les Délassements du libertin ou la Neuvaine de Cythère détruit en 1832) ; cités dans la Biographie universelle de Michaud ; enfin le roman qu’on aurait aimé lire pour sa construction et la circulation entre fiction et discours d’idées : Les Journées de Florbelle, ou la Nature dévoilée, suivies des Mémoires de l’abbé de Modose et des Aventures d’Émilie de Volnange servant de preuves aux assertions, ouvrage orné de deux cents gravures, cent huit cahiers environ, brûlés à la Préfecture de Police après la mort de Sade en 1814. Les Notes pour les Journées de Florbelle ont été publiées par Pauvert en 1966. Le Sade recréé par Gilbert Lely est un écrivain à idées davantage qu’un écrivain à images.

Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion (Jean-Jacques Pauvert aux éditions Garnier, 1982 ; collection Tel, Gallimard, 2010). Essai sur le roman noir en vogue pendant la période dite des Lumières et la Révolution française. Ses paysages imaginaires : châteaux, ruines, couvents, jardins. Le chapitre « Un rêve de pierre » est consacré à Sade et aux Cent Vingt Journées. Le roman noir est la fiction des victimes, le roman de Sade celle des maîtres. Mise en scène de l’innocence et de la noirceur dans l’individu, dans l’Histoire. Des zones obscures et des zones de clarté coexistent, persistent chacune pour soi, côte à côte ; elles ne sont pas équivalentes, elles ne créent pas une zone grise qui rendrait tout indistinct. « Le négatif et le positif sont peut-être complémentaires […] ils ne coïncideront jamais. » L’activité de représentation n’est pas compensation à une réalité insaisissable ou insupportable, elle en est sa lucidité.
— On n’enchaîne pas les volcans (Gallimard, 2006). Quatre essais dont le perspicace « Pourquoi Juliette est-elle une femme ? ». Annie Le Brun y étudie la fabrication du personnage de Juliette dans l’œuvre romanesque de Sade à partir de Justine sa sœur, son esquisse, son origine.

Jean-Jacques Pauvert, Sade vivant, une biographie : I. Une innocence sauvage (1740-1777). II. « Tout ce qu’on peut concevoir dans ce genre-là… » (1777-1793) (Robert Laffont, 1986 et 1989).

Dominique Dussidour, Journal de Constance, femme du duc et fille de Durcet, avec des dessins de Colette Deblé (Zulma, 1997). D’après deuxième lecture des Cent Vingt Journées de Sodome dans les années 80 : le journal que Constance aurait tenu depuis son entrée dans le château de Silling jusqu’à sa mort. Retranscription mot à mot, à la première personne du singulier, des scènes où Constance apparaît, exercice grammatical. Deuxième partie d’un texte inédit intitulé « Saddîq le juste ».

« Je jure au marquis de Sade, mon amant, de n’être jamais qu’à lui… », présenté et édité par Maurice Lever (Fayard, 2005). Anne-Prospère de Launay, dont le serment écrit au marquis de Sade a donné le titre de ce livre, était la sœur cadette de Mme de Sade. C’est en son amoureuse compagnie que Sade voyagea en Italie de juillet à septembre 1772.




Où il est indirectement question de Sade mais directement question du chantier en cours

Samuel Tissot (1728-1797), médecin suisse, auteur d’un passionnant Avis au peuple sur sa santé paru en 1761 et qui connut dix-sept éditions en vingt-cinq ans. Comment se bien porter et se soigner quand on vit loin d’une ville et d’un hôpital. À la fois une étude sur les problèmes sanitaires de l’époque et un recueil de conseils et de recommandations. Un texte à charge contre les mages et autres charlatans. Contient un index des remèdes et un index des thèmes. Republié chez Quai Voltaire/Cité des sciences et de l’industrie en 1993, présenté par Daniel Teysseire et Corinne Verry-Jolivet.

Honoré Gabriel Riquetti comte de Mirabeau (1749-1791), Des lettres de cachet et des prisons d’État, imprimé en 1782, interdit de publication. Mirabeau avait été incarcéré dans le donjon de Vincennes de juin 1777 à octobre 1781 sur lettre de cachet de son père. Une attaque contre l’arbitraire du pouvoir royal et une description minutieuse de la vie carcérale.

Simon Henri Nicolas Linguet (1736-1794), Mémoires sur la Bastille, préface et notes d’Olivier Boura (Arléa, 2006). Ces Mémoires de deux années d’emprisonnement à la Bastille ont paru en Angleterre en 1782. À la fois une histoire de la forteresse et sa description de l’intérieur. Ce qui révolte Linguet, avocat et journaliste qui a été enlevé en plein Paris sur lettre de cachet, c’est d’ignorer la raison de cet embastillement – ou de le feindre. Un document sur la Bastille, le pendant du pamphlet de Mirabeau contre Vincennes, sans en avoir le style ni l’analyse politique.

Grimod de La Reynière (1758-1838), Variétés gourmandes, texte établi et présenté par Claudine Brécourt-Villars (La Table Ronde, collection la petite vermillon, 2011). Une anthologie de textes sur les principes gastronomiques et la politesse gourmande avant et après la Révolution, suivis de quelques menus et recettes. On y apprend à quelles adresses on se procurait, à Paris, tel ou tel ingrédient culinaire – demande fréquente dans les lettres de Sade à sa femme ; comment se répartissaient les repas dans la journée ; ce qu’était le service à la française ou à la russe, avec ou sans valets, les plats restant chauds ou pas – détails qui ont une place dans l’aménagement intérieur du château de Silling.

Roger Caillois, L’Écriture des pierres (Flammarion, collection Champs, 1970). Pour les heures interminables passées dans une cellule à Vincennes, à la Bastille à fixer les murs, observer les figures qui se forment.

Jean Starobinski, 1789. Les emblèmes de la raison (Flammarion, Champs, 1979). 1789 et la Révolution française comme période charnière entre le néo-classicisme et l’annonce du romantisme. Les bouleversements politiques et sociaux n’induisent pas immédiatement de grandes œuvres artistiques et littéraires. Paradoxalement, il échoit à la Révolution d’accueillir les aspirations des Lumières qui se sont exprimées pendant tout le 18e siècle. Cette quête de la raison, de la pureté des formes, de la géométrie signifiante fait se tourner vers l’origine, d’où le retour à l’antique. Mais pas de lumière sans obscurité : l’idéal ne cesse de se heurter au particulier, l’échelle intemporelle, universelle des revendications cogne contre les existences individuelles. De là, entre autres, la violence politique. De leur côté, Goya, Sade, Mozart acceptent, explorent, exposent cette part d’ombre dans leurs œuvres.

Francis Ponge, Comment une figue de paroles et pourquoi, présentation par Jean-Marie Gleize (Flammarion, 1977 ; Garnier-Flammarion n° 901, 1997). Pour l’amour que Sade portait aux figues et aux figuiers du Vaucluse. Dans sa cellule du donjon de Vincennes il s’inquiétait des vergers de la Coste. Et pour la façon dont un texte s’écrit par ajustements successifs.

Arlette Farge, Les Fatigues de la guerre (Gallimard, Le Dilettante, 1996). Une lecture des œuvres gravées à partir de tableaux de Watteau aujourd’hui disparus. Quatre scènes de la guerre de Sept Ans : Recrues allant rejoindre le régiment, Camp volant, Fatigues de la guerre et un [sans titre], variation de la Fuite en Égypte où un soldat a pris la place de Joseph. Documents inédits : récits, correspondances (bibliothèque de l’Arsenal). Un livre qui conteste la formule « de tout temps » que l’on retrouve dans la plupart des textes sur la guerre et qui vise à lui accorder une place à jamais nécessaire dans la vie des hommes.



4 mars 2012
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